Le projet de loi de finances complémentaire ne fixe aucun cap budgétaire clair à court et moyen termes. Intervenant dans un contexte inédit d'assèchement brutal et sévère des ressources financières publiques, le projet de loi de finances complémentaire (PLFC) 2020 charrie une politique budgétaire pour le moins incohérente, en tentant de concilier en même temps de nouveaux financements de mesures sociales et un début de mise en place d'un programme de rigueur et d'austérité. Engagements électoraux oblige, le projet de loi de finances rectificative induit en effet d'importantes mesures sociales et fiscales à adosser au budget de l'Etat, dont notamment un renoncement à une partie significative des ressources tirées d'une contribution aussi prépondérante que l'impôt sur le revenu global (IRG). À ces engagements d'amélioration de certaines catégories de revenus salariaux — décidés, faut-il l'admettre, avant la récente dégringolade des prix du pétrole — s'ajoutent d'autres niches fiscales autorisées notamment au profit de certains projets économiques comme la création de start-up. Combinées au maintien en l'état du pesant dispositif social généralisé (près d'un tiers de la dépense budgétaire globale), de telles "largesses", dont la mise en œuvre est prévue malgré la raréfaction de la ressource fiscale, traduisent, à elles seules, toute l'incohérence de la politique budgétaire prévue pour le reste de l'exercice en cours, voire même au-delà. De fait, le produit tiré de l'IRG des salaires pèse pour plus d'un quart des recouvrements de recettes ordinaires, tandis que le foisonnement des exonérations fiscales charrie un manque à gagner sans doute considérable, mêmes si des évaluations rigoureuses et transparentes font souvent défaut en la matière. Parallèlement à ces mesures qui grèvent de facto les recettes de l'Etat au moment où les finances du pays virent dangereusement au rouge, celles mises en place pour les contrebalancer et raboter par la-même occasion la dépense publique, ne laissent pas moins entrevoir autant d'incohérences dans la politique budgétaire affichée, à commencer par la gestion à venir des dépenses de fonctionnement. Celles-ci, faut-il le rappeler, devaient être divisées par deux pour le reste de l'exercice en cours, sans toutefois couper dans la masse des traitements salariaux, comme le prévoit le PLFC 2020. Or, l'impasse en ce sens est vite admise par les responsables du département des Finances, dès lors que lesdits traitements salariaux sur lesquels le gouvernement ne tient surtout pas à rogner représentent à eux seuls plus de la moitié de la dépense affectée au fonctionnement. Au bout du compte, une première coupe de seulement 141 milliards de dinars, soit quelque 3% de moins par rapport à la loi de finances initiale, aura été convenue en définitive sur les dépenses de fonctionnement, dont l'enveloppe globale s'établit ainsi à un peu plus de 4 752 milliards de dinars au titre du PLFC. Devant la commission des finances de l'Assemblée populaire nationale (APN), le directeur général du budget au ministère des Finances, Faïd Abdelaziz, n'a pas manqué de laisser entendre à ce propos toute la difficulté, sinon l'impossibilité, de raboter de 50% un budget de fonctionnement dont près de 60% est dédié au seul chapitre des salaires décrétés par ailleurs comme strictement incompressibles. De telles tergiversations, faut-il le souligner, dénotent à l'évidence de l'absence d'un cap budgétaire clair et sur une échéance triennale comme le voudrait l'usage en la matière, et sur le très court terme, soit pour la période restante de l'exercice en cours.