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Eniem... crise
Un fleuron de l'industrie plongé dans un interminable marasme
Publié dans Liberté le 30 - 12 - 2020

La crise structurelle et durable que vit l'Eniem est symptomatique de la panne de l'industrie nationale. Maintenue dans une gouvernance bureaucratique, elle ne pouvait aspirer à la compétitivité qu'exige l'économie moderne.
Lorsqu'en 2012, l'Entreprise nationale de l'industrie de l'électroménager (Eniem) avait bénéficié d'un plan d'assainissement et de mise à niveau, beaucoup croyaient que cet ancien fleuron de l'industrie était définitivement remis sur les rails et qu'il était face à un destin que l'on disait radieux. D'autant que l'Eniem n'était pas seulement un des plus gros employeurs de la wilaya de Tizi Ouzou, mais aussi un symbole affectionné dans la région en raison de son lien jadis étroit avec la JSK et pour son rôle lors du Printemps berbère d'Avril 80. Mais derrière cette image "d'entreprise sauvée", que l'opinion publique s'est faite, se cachait, en réalité, un géant aux pieds d'argile.
Les dirigeants de cette entreprise publique savaient, en effet, mieux que quiconque, que leur barque devait compter avec la houle à venir, vu que même libérés de plusieurs contraintes dont les anciennes dettes, le plan de développement qu'ils avaient entre les mains était loin d'être consistant.
Récemment encore, d'ailleurs, l'actuel -DG de l'Eniem, Djilali Mouazer, a affirmé que le plan de développement de l'époque "n'a concerné que la mise à niveau des équipements, c'est-à-dire la réparation d'un matériel vétuste" et qu'"il ne contenait pas de projets neufs alors que l'équipement de l'entreprise était déjà dépassé au même titre que ses produits".
Résultats des courses, l'Eniem accumulait, en sourdine, des situations peu reluisantes jusqu'à ce qu'à l'été 2019, rattrapée par ses vieux démons, l'entreprise sombre à nouveau et se remet subitement sous les feux des projecteurs. Cela se passe en juillet, quand la direction de l'entreprise décide pour la première fois de mettre ses employés en congé annuel par anticipation à la suite d'un blocage de son financement par la BEA et du non-renouvellement de sa licence d'importation de collections CKD.
Depuis cette période, la valse des fermetures-réouvertures, qui a rajouté une couche au brouillard déjà épais qui recouvrait le ciel de l'Eniem, ne s'arrête plus. Ses dirigeants et ses travailleurs n'arrivaient plus à entrevoir un avenir serein.
Ils sont, ainsi, indéfiniment ballottés entre optimisme et scepticisme, ne disposant même plus de fonds de roulement pour financer son exploitation, et la pérennité de l'activité de l'entreprise se retrouvait à chaque fois menacée, tandis que le spectre d'un plan social n'était jamais écarté.
Mais comment donc cette entreprise nationale, qui a, pourtant, à son actif une longue expérience dans le domaine de la fabrication et du développement dans les différentes branches de l'électroménager, en est arrivée à une telle situation ? Pourra-t-elle un jour réussir à sortir la tête de l'eau ? En a-t-elle les moyens ? Les difficultés de l'Eniem ne datent pas de l'année 2019, lorsque son actuel P-DG a tiré, pour la toute première fois, la sonnette d'alarme sur la situation de l'entreprise.
Les difficultés commençaient à se faire sentir au début des années 2000 lorsque, à la suite de l'ouverture du marché de l'électroménager, l'Eniem, qui détenait 60% des parts de marché, a commencé à perdre ce quasi-monopole pour ne plus sauvegarder, selon les affirmations récentes de son premier dirigeant, que 8 à 10% de ses parts. L'Eniem, qui n'a pas su adapter en temps opportun son outil de production aux besoins du marché, a vu ses ventes et sa trésorerie péricliter. Mais selon les déclarations de Djilali Mouazer, cette situation n'était pas une résultante du seul défaut de stratégie commerciale.
"L'Eniem a connu des périodes de mauvaise gestion, de très mauvaise gestion et de non-gestion. Les indicateurs de ces périodes de mauvaise gestion sont apparus à l'ouverture du marché algérien à l'électroménager étranger", avait-il affirmé. Mais pis encore, longtemps après l'entame de cette descente aux enfers, quiconque à l'extérieur pouvait se procurer n'importe quelle pièce chez des travailleurs de l'Eniem.
"À l'époque, il existait un phénomène de pillage en règle des pièces destinées aux ateliers de l'entreprise. Un véritable service après-vente informel qui a permis à bien des personnes de s'enrichir", décrit un ancien cadre de l'entreprise. Mais qu'à cela ne tienne. C'est en 2016 que l'écroulement de la citadelle Eniem s'est accéléré.
2016, l'année où l'Eniem a raté le dernier virage
Durant l'année 2016, l'Entreprise a connu deux faits majeurs qui l'ont asphyxiée financièrement. Il s'agit, pour le premier, d'un départ massif de travailleurs à la retraite anticipée qui a siphonné 3,38 milliards de dinars des fonds de l'entreprise.
Selon les explications de l'actuel P-DG de l'Eniem, à travers cette opération, l'entreprise n'a pas seulement perdu des compétences, mais aussi beaucoup d'argent, au point que même le fonds de roulement a été touché. Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, c'est aussi durant la même année que cette entreprise publique a réalisé un coûteux échec en tentant un projet d'investissement avec une société italienne.
Le projet en question, et il s'agit là du second fait, a été initié dans le cadre du plan de redéploiement de l'entreprise avec l'italienne Appliance Engineering, qui a été chargée de concevoir et de réaliser la modernisation des réfrigérateurs existants. Le projet s'est soldé par un échec.
Selon les détails fournis par Djilali Mouazer, cette opération a coûté à l'Eniem 400 millions de dinars en achats d'équipements. S'ajoute à cela le manque à produire qui a généré un énorme manque à gagner équivalent à trois ou quatre fois la valeur des nouveaux équipements acquis pour les besoins de ce plan. 2016 est inscrite comme une année noire dans l'histoire de cette entreprise, qui a débuté ses activités au début des années 70. Ces deux faits n'ont fait que resserrer l'étau autour de l'Eniem qui, depuis, n'est plus qu'un corps "sous perfusion".
Des charges salariales représentant 35% du chiffre d'affaires
À la baisse de productivité de l'Eniem qui a, en partie, contribué, durant plusieurs années, à la mauvaise situation financière de l'entreprise, aux tensions sociales qui la traversent, la paralysent et la prennent en otage épisodiquement, et aux effets, certes conjoncturels, de la crise sanitaire qui a causé un manque à gagner de 54%, soit 200 milliards de centimes, rien que durant le premier semestre de l'année 2020. À tout cela s'ajoute l'épineux et vieux problème des charges du personnel qui sont anormalement élevées.
"Les charges du personnel représentent 35% du chiffre d'affaires de l'entreprise, ce qui est très lourd, et qui nous a amenés d'ailleurs à préparer une organisation de nature à redéployer l'effectif de soutien qui est très important", nous a déclaré, récemment, le P-DG de l'entreprise. Avec le poids de la politique sociale de l'Etat qui a de tout temps exclu toute mesure de redressement qui toucherait les travailleurs, il est, certes, délicat, voire impossible pour l'Eniem qui emploie 1 700 travailleurs d'envisager aujourd'hui des solutions extrêmes de compression d'effectifs. Encore davantage dans cette région où le chômage est élevé et endémique.
La BEA et les financements bloqués
Aux yeux du principal financier de l'entreprise, à savoir la Banque extérieure d'Algérie (BEA), la situation de l'Eniem semble ne plus être rassurante. C'est visiblement ce qui l'a amenée, depuis 2019, à lui couper les vivres. La BEA ne s'est jamais exprimée à ce sujet, mais selon le P-DG de l'Eniem, c'est cette banque qui a bloqué l'entreprise.
À cet effet, il a expliqué que la BEA avait pour habitude de débloquer 1,9 milliard de dinars annuellement de ligne de crédit que l'entreprise rembourse durant la même année, mais en 2019, l'Eniem n'a obtenu aucun dinar. Djilali Mouazer reconnaît que l'entreprise qu'il dirige est lourdement endettée. Les chiffres présentés à l'occasion de la visite effectuée en octobre dernier par le ministre de l'Industrie, Ferhat Aït Ali, dans cette entreprise à Oued Aïssi, faisait état de près de six milliards de dinars de dettes dont une partie sont des dettes d'exploitation à court terme et une autre partie de dettes d'investissement.
Dans sa déclaration, lundi dernier, sur les ondes de la Radio nationale, le ministre a affirmé que les dettes de l'Eniem s'élèvent au total à 13 milliards de dinars. Malgré ces dettes colossales, le P-DG de cette entreprise dit avoir fait valoir, depuis déjà 2019, un plan de charge et un plan d'action de redressement de la situation de l'entreprise à la banque et que, de surcroît, les garanties fournies sont de l'ordre de dix fois le montant de la dette de l'entreprise. Mais malgré cela, le blocage par la banque a persisté.
Il a entraîné, outre la mise en congé annuel par anticipation des travailleurs en juillet 2019, deux arrêts techniques d'un mois chacun, en février dernier et en ce mois de décembre 2020. Une première ligne de crédit de 600 millions de dinars puis une autre de 1,1 milliard de dinars ont été accordées à l'Eniem, sur décision des hautes autorités.
Des montants considérés comme "insignifiants" par les dirigeants de l'entreprise qui continuent de réclamer un plan de relance digne de ce nom. La semaine écoulée, le P-DG de l'Eniem a affirmé sur la Radio nationale que les travailleurs pourront bientôt reprendre leur travail car, a-t-il indiqué, le problème de l'entreprise a été pris en charge. "Le plan de relance de l'Eniem a été approuvé par les pouvoirs publics", a-t-il déclaré. Mais une question demeure toutefois posée : l'Eniem est-elle viable à long terme ?
L'Eniem renaîtra-t-elle de ses cendres ?
Pour le P-DG de l'Eniem, il suffit juste de se débarrasser de ce goulet d'étranglement financier et d'obtenir un rééchelonnement de ses dettes sur le long terme, de bénéficier d'un taux bonifié de 3%, puis d'un déblocage du fonds de roulement nécessaire à son activité et aussi d'un plan de développement consistant pour changer les vieux équipements, et repartir du bon pied.
Pour appuyer cette demande, les dirigeants de l'entreprise ont présenté, depuis plus d'une année, au CPE, un dossier qu'ils disent "solide". Dans son dossier, l'Eniem a fait valoir sa ressource humaine et sa longue expérience, son carnet de commandes chargé, sa nouvelle stratégie commerciale et son plan d'action marketing ambitieux qu'elle a commencé à mettre en place, la modernisation qu'elle compte apporter à ses produits aux plans technique et design, l'intégration de ses produits, ses capacités et ses atouts pour investir le marché étranger, notamment africain, et les partenariats qu'elle est en train de développer, dont un avec une société libanaise avec laquelle le projet est, disent-ils, "déjà ficelé".
Mais le ministre de l'Industrie, Ferhat Aït Ali, ne semblait pas convaincu, lui qui a pourtant affirmé, lors de sa visite au sein de cette entreprise, en octobre dernier, que la condition principale pour venir en aide aux entreprises est leur disposition à s'inscrire dans la nouvelle politique axée sur l'intégration de leurs produits.
"J'ai vu qu'à l'Eniem, comme à l'ex-Enel et à l'Enie de Sidi Bel-Abbès, il y a des capacités d'intégration et que certains produits peuvent arriver à 80% d'intégration, et nous allons essayer d'en faire les pilotes de la politique d'intégration", avait souligné le ministre dont les dernières déclarations ont sonné comme une volte-face tant en s'exprimant tout récemment, il a, en effet, estimé que "c'est illogique de défendre des entreprises qui dévorent des milliards sans générer de bénéfices".
Plus précis, le ministre a estimé qu'"il n'est pas concevable qu'une entreprise économique de la taille et de la notoriété de l'Eniem ne réalise pas de gains". Décortiquant la faiblesse de la rentabilité de l'Eniem, le ministre a expliqué que cette unité est implantée sur 42 hectares et que 4 milliards de dinars pour 42 hectares, cela fait 100 000 DA par hectares.
"Là, ce n'est pas une productivité", avait-il affirmé, non sans reconnaître, toutefois, que l'Eniem fait partie des entreprises nationales qui ont été durant de longues années confrontées à une concurrence déloyale. "Nous, nous avons œuvré à limiter la concurrence déloyale, mais il reste à ces entreprises de faire une restructuration interne, une révision des modes de gestion et même des relations de travail avec les partenaires sociaux", avait-il préconisé aux dirigeants de l'Eniem.
Aujourd'hui que le plan de relance de l'Eniem est approuvé, selon son P-DG, le défi de sa mise sur les rails sera-t-il relevé ? Seul l'avenir nous le dira !

Par : SAMIR LESLOUS


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