Le pays le plus stable de la région vient d'intégrer l'univers trouble du Moyen-Orient en proie à des secousses politiques et des soubresauts de palais. Le silence du palais royal sur les mesures prises contre des membres de la famille régnante en Jordanie rajoute à l'intrigue. La "stabilité" de la Jordanie est "une ligne rouge", a mis en garde hier dimanche un journal d'Etat, au lendemain d'une vague d'arrestations pour raisons de sécurité et de l'affirmation par un membre de la famille royale qu'il avait été assigné à résidence par les autorités. Ces dernières ont promis de fournir davantage d'explications hier, alors qu'il n'y a eu jusqu'ici aucune réaction officielle du palais royal. Le demi-frère du roi Abdallah II, le prince Hamza, a annoncé, samedi dernier, avoir été assigné à résidence dans son palais à Amman, après avoir été accusé par l'armée d'activités contre la sécurité du royaume. Dans une vidéo transmise à la BBC par son avocat, le prince jordanien a affirmé que le chef d'état-major de l'armée s'était rendu à son domicile et lui avait signifié qu'il n'était "pas autorisé à sortir". Il a nié avoir pris part à un complot et accusé les autorités de son pays de corruption et d'incompétence. Âgé de 41 ans, Hamza est le dernier fils du roi Hussein, né d'un quatrième et ultime mariage avec la reine Noor, d'origine américaine. Conformément au souhait de son père, décédé en 1999, il avait été nommé prince héritier lorsque Abdallah II était devenu roi. Mais en 2004, ce dernier lui avait retiré son titre pour le donner à son fils aîné Hussein. Dans une réaction sur Twitter, la reine, mère du prince Hamza, a dénoncé dimanche une "calomnie", et affirmé "prier pour que la vérité et la justice l'emportent pour toutes les victimes innocentes". Le chef d'état-major jordanien, le général Youssef Huneiti, avait précisé, samedi soir, dans un communiqué que le prince Hamza avait été "appelé à arrêter les activités qui pourraient être utilisées pour porter atteinte à la stabilité et la sécurité du royaume", mais avait démenti son arrestation. "Personne n'est au-dessus de la loi. La sécurité et la stabilité de la Jordanie passent avant tout. Toutes les mesures qui ont été prises l'ont été dans le cadre de la loi et après une enquête approfondie", avait-il ajouté. D'après un analyste jordanien qui ne veut pas être identifié pour des raisons de sécurité, le prince Hamza avait, ces derniers temps, "multiplié devant son cercle d'amis les critiques contre ce qu'il qualifiait de corruption au sein du pouvoir". Selon cette même source, "il y a certainement de la rancœur de sa part, car il n'a jamais digéré d'avoir perdu son titre de prince héritier", il y a plus de 15 ans. Selon l'agence de presse officielle Petra, les autorités ont arrêté un ancien conseiller du roi, Bassem Awadallah, et d'autres personnes, alors que le quotidien américain Washington Post a fait état pour sa part d'un complot visant à renverser le roi. Ce remue-ménage n'a pas encore été commenté par le palais royal jordanien, et le seul média d'Etat à commenter cet évènement, Al-Rai a affirmé hier que les intérêts supérieurs, la sécurité et la stabilité du royaume étaient "une ligne rouge" à ne pas franchir. Le royaume de Jordanie doit célébrer le 11 avril son 100e anniversaire. Les monarchies du Golfe, importantes partenaires de la Jordanie, petit pays dépourvu de ressources naturelles et largement dépendant des aides étrangères, ont unanimement fait bloc derrière le souverain jordanien en apportant leur plein soutien à son pouvoir, dans des déclarations séparées. R. I.