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Avec les chiites irakiens à Sayyida-Zineb
UNE COMMUNAUTE DIVISEE SUR LE “DJIHAD” EN IRAK
Publié dans Liberté le 01 - 04 - 2003

Les chiites irakiens sont très présents en Syrie, notamment à Damas. Notre reporter s'est rendu au coeur du quartier de Sayyida-Zineb recueillir les impressions par rapport à l'invasion américaine de cette communauté exilée, souvent brimée par Saddam. Nuances.
Dans la banlieue de Damas, précisément dans le bourg chiite Sayyida-Zineb, à 14 km à l'est du centre-ville, se trouve un quartier occupé entièrement par les Irakiens. D'ailleurs, on l'appelle Char' al Iraqiyine, le “quartier des Irakiens”. La plupart d'entre eux sont chiites.
Et dans cet immense bazar à ciel ouvert qu'est l'Orient arabe en général, et Damas en particulier, les Irakiens établis ici sont tous versés dans les affaires. Ils ont tous pignon sur rue, avec des commerces bien achalandés. Il y en a, bien sûr, d'autres arrivés plus récemment en Syrie, à l'instar de ce jeune de 25 ans, Abou Mohamed, originaire du Sud de l'Irak, père de deux enfants, qui a laissé sa famille il y a quatre mois pour venir chercher du travail.
Abou Mohamed a fui lui aussi pour se lancer dans le commerce. Ici, le business et les services ont explosé depuis que le “capitalisme marchand arabe” a repris ses droits, après les années “soviétiques”. Abou Mohamed bout comme n'importe quel Irakien, comme n'importe quel être humain ayant du cœur. Il est d'autant plus meurtri qu'il suit le drame que vit son pays par procuration, par le biais des chaînes satellitaires arabes, Aljazeera en tête, ainsi que deux chaînes de pointe, libanaises, très regardées ici : Al-Moustaqbal et LBC. “Je vais rentrer au pays. Je vais solder mes comptes et je vais partir”, fulmine notre interlocuteur. Ce qui le retient, en effet, c'est que le jeune homme s'est beaucoup endetté apparemment auprès de ses compatriotes, pour ouvrir son commerce : une petite gargote qui ne paye pas de mine. Il ne veut pas mourir en emportant ses dettes dans sa tombe, suggère-t-il. Abou Mohammad est chiite. Cela ne fait pas de lui forcément un “opposant inconditionnel”. Il le dit clairement d'ailleurs : “Malgré tout ce que Saddam nous a fait subir, je vais retourner dans mon pays et me battre contre les Américains jusqu'au martyre. Je suis triste pour mes enfants, mais notre karama, notre dignité, passe avant tout. Il ne s'agit pas de défendre le régime. Notre sainte terre a été profanée, et le peuple entier doit se mobiliser pour la délivrer de l'invasion américaine”. “Martyre, “chahada”. La mort est sur toutes les lèvres. Tout le quartier, en fait, ne jure que par cela, pas tant parce qu'il bout du sang irakien que parce qu'ici, il ne faut pas l'oublier, on est en territoire chiite. Partout, des banderoles noires, des écharpes noires, des bandanas noires, des étendards noirs et des grappes et des groupes de femmes en noir qui vont et viennent entre le souk principal et le maqam de Sayyida-Zineb.
Le quartier doit son nom à la fille de l'imam Ali, morte en martyre. Zineb est donc la fille du Sayyida Fatima. C'est la petite-fille du Prophète Mohammed. Toute la lignée de Ahl al-bayt, celle du Prophète (que le salut d'Allah soit sur Lui), dont les chiites en général, de quelque obédience soient-ils, ont fait leur ciment, porte cette “malédiction” du martyre. Qu'on en juge : l'imam Ali est tué par Zayd Ibn Mouawiya. Ses deux jumeaux Al-Hassan et Al-Hussein seront tués aussi, le premier empoisonné, le second au combat à Karbala. D'où le caractère sacré de cette cité en Irak. Enfin, Sayyida Zineb est tuée là où elle est aujourd'hui enterrée, et son tombeau attire des pèlerins des quatre coins du monde chiite, notamment d'Iran et d'Irak. D'ailleurs, toute la profusion de commerces qui entoure la somptueuse mosquée de Sayyida-Zineb, au centre de laquelle se trouve son magnifique mausolée, s'explique par cela. De splendides hôtels 5 étoiles ont poussé à côté et vous ne manquerez pas de voir tout un ballet de bus immatriculés à Téhéran et déversant chaque jour des centaines de visiteurs des deux sexes.
Le culte du martyre
Pour revenir à cette sacralité du martyre donc, dans l'islam chiite, elle est directement liée, comme on peut le constater, à cette malédiction qui s'est abattue sur Ahl al-byt, et qui a fait que toute la lignée du Prophète Mohamed (aleyhi essalat wa salam) ait connu une persécution sans égale entre les mains du pouvoir omeyyade. On raconte que les descendants du Prophète tombaient année après année, curieusement toujours à la même date ! Le 10 du mois de Mouharam. D'où l'importance de l'Achoura dans le calendrier chiite. Il faudrait préciser aussi que le martyre de l'imam Al-Hussein aura exacerbé à son paroxysme ce… “syndrome de la persécution” car de tous les enfants de l'imam Ali, c'est lui qui aura connu le destin le plus cruel. D'où l'exubérance des manifestations rituelles chiites autour de la racine Hussein. Et à l'Achoura, dans toutes les grandes places du chiisme, à Nadjaf, à Karbala, ici à Damas, ou encore à Qom, à Chiraz et ailleurs, cela donne lieu à des démonstrations et autres exhibitions doloristes d'une intensité saisissante. La jeunesse husseinite, la tête ceinte d'une bandelette noire, avec des mentions à la gloire de l'imam Hussein, défile ainsi dans les rues de la ville en scandant des hymnes religieux à résonance plaintive. Au plus fort de leur transe, ils reproduisent le supplice subi par leur guide archétypal. “Il y en a qui se lacèrent le corps. Il y en a même qui se fendent le crâne avec un khindjar”, explique un jeune chiite syrien du quartier qui s'empresse de préciser : “Moi, franchement, ces pratiques-là me dégoûtent, et je comprends que Saddam les ait interdites à Karbala et à Nadjaf A-Charif”. Depuis, l'idée du martyre a connu bien des avatars. Notre siècle l'a politisée, notamment sous l'Ayatollah Khomeyni. Il ne s'agit plus de se lacérer le visage ou les veines pour exprimer son amour aux enfants martyrisés de l'imam Ali, mais de le faire pour une cause autrement utile. “Nous sommes contre l'injustice. Nous sommes prêts à aller au martyre, sur les pas de notre imam El-Hussein, pour dénoncer l'injustice et défendre les causes justes”, professe doctement le cheikh Abbas Moussaoui de la Hawza Ilmiya de Sayyida-Zineb. La Hawza est une sorte de zaouïa, de collège religieux de haut niveau regroupant un certain nombre de savants autour d'une mardjiiya diniya, littéralement une “référence”, et prodiguant un enseignement approfondi à l'attention d'un certain nombre de disciples. Celle de Sayyida-Zineb en compte 200. Avec la somptueuse mosquée où se trouve le Maqam de la petite-fille du Prophète (QLSASSL), la Hawza est le cœur battant du quartier autour duquel tous les chiites de la ville, pratiquants ou laïques, se rassemblent pour se prononcer sur une question cruciale qui engage leur destin. D'où l'intense activité que connaissent les “hawzate” irakiennes, notamment celle de Nadjaf (où se trouve enterré l'imam Ali) dès le début de la guerre.
Retour à nos amis irakiens. Dans un magasin de fruits et légumes, un jeune, la trentaine, nous affirme qu'il a laissé toute sa famille à Nadjaf et qu'il est sans nouvelles. Au départ, il était méfiant. Il ne veut pas trop parler. Il nous tient un discours patriotique et basique où il s'interdit de critiquer Saddam. Il ne faut pas oublier, après tout, que nous sommes au pays des moukhabarate et que tout ce que vous pouvez déclarer peut, au sens propre du terme, se retourner contre vous. Abou Hamza, 43 ans, se joint à nous. Visage jovial, une barbichette à l'orientale, Abou Hamza n'a pas l'air inquiet outre mesure par ce qui se passe en Irak. Pourtant, c'est son pays. Abou Hamza est aussi commerçant. Il est en Syrie depuis un an. Il a mis dix ans pour obtenir un passeport et quitter l'Irak. Quel est son sentiment par rapport à ce drame ? “Cette guerre ne me concerne pas”, dit-il d'emblée. “C'est Saddam qui a provoqué cette crise, c'est à lui de la dénouer !”, Abou Hamza a le cœur gros. Pour cause, il a laissé dix ans de sa vie dans les geôles irakiennes. Témoignage : “Je suis chiite. Chez nous, en Irak, on faisait un pèlerinage à Nadjaf et Karbala. A l'occasion de l'un de ces rituels, j'ai été embarqué par les services irakiens et jeté en prison. C'était en 1980. J'avais tout juste 20 ans. J'ai subi les tortures les plus abominables. J'ai même été agressé sexuellement”.
Damas, le refuge
Libéré en 1990, la première guerre du Golfe éclate. Abou Hamza espère que le régime de Saddam tombe. Mais le régime reste. Alors lui, il décide de partir. Il va vite se rendre compte que c'est mission impossible. “Le régime fait tout pour que vous n'obteniez pas de passeport. Il fait savoir que la taxe à payer s'élève à 500 $, soit 1,5 million de dinars irakiens, alors que l'Irakien moyen ne gagne que 2 000 dinars”, dit Abou Hamza. Puis d'ajouter : “En Irak, tout est mamnou' (interdit) le portable est interdit, la parabole est interdite. Si tu laisses pousser la barbe, tu écopes d'une année de prison ferme. Nous, les chiites, nous n'avons pas le droit de célébrer l'Achoura à Nadjaf et Karbala. Nous n'avons pas le droit de faire la prière du vendredi dans nos mosquées. Les arrestations arbitraires sont légion. Tu discutes avec ton ami dans un café, les moukhabarat te soupçonnent de critiquer Saddam. Un type a fait un songe où il a rêvé que Saddam fraternisait avec Khomeyni. Le juge l'a condamné en lui disant : “Si dans ton cœur, il n'y avait pas de haine envers Saddam, tu n'aurais pas fait un rêve pareil !” Les femmes sont maltraitées dans les prisons et sauvagement violées. Si un homme est arrêté, on viole sa femme devant lui pour l'obliger à parler. Nous avons le pays le plus riche du monde. Saddam a dilapidé notre pétrole dans des guerres inutiles et fait de nous un peuple de SDF. Comment voulez-vous que j'aille me battre pour un monstre comme celui-là ?” Abou Hamza est donc ferme : “Tant que Saddam est au pouvoir, je n'irai pas me battre en Irak. Si Saddam tombe, dans la minute d'après, j'irai faire le djihad aux Américains”. Abou Hamza s'empresse de préciser que les chiites ne sont pas des “collabos”. L'Amérique est le grand Satan — comme disait Khomeyni — mais Saddam est pire, semble-t-il dire. “Nous voulons un régime libre et démocratique, et un Irak fédéral où toutes les communautés, sunnites, chiites, juives, chrétiennes, cohabiteront en paix comme elles l'ont toujours fait”, conclut Abou Hamza.
Sur les murs du magasin, des posters de chouyoukh chiites. La notion d'“icône” est très présente dans l'imaginaire chiite. D'ailleurs, où que se porte votre regard, vous voyez des tapis, des ustensiles ciselés, des bijoux, tous portant des icônes à l'effigie du martyre d'Al Hussein et des autres symboles de l'hagiographie chiite, et qui ne sont pas sans rappeler les icônes byzantines du supplice du Christ.
Dans le tas, des photos du jeune président Bachar Al-Assad avec un mollah, Hussein Nasr Allah, figure populaire du Hizbollah libanais. Il est, par ailleurs, un portrait qui revient souvent : celui d'un vieux patriarche à barbe blanche. C'est l'ayatollah Mohamed A-Sadr. “Il a été assassiné en 1998, à Nadjaf, pour avoir fait un prêche. Il a été mitraillé, lui et ses enfants, alors qu'il se trouvait dans sa voiture. Saddam a fait ensuite arrêter au hasard cinq jeunes voyous. Il les a fait torturer puis fait passer à la télé pour faire des aveux-bidon. Ils ont été exécutés sur la place publique”, dit Abou Hamza. Nihad a 21 ans. Il travaille dans un petit resto spécialité chawarma. Nihad a lui aussi le cœur gros contre Saddam et ses exactions “Tout ce quartier est bondé d'exilés qui ont quitté l'Irak, il y a 10, 15 ou 20 ans pour fuir les persécutions de Saddam”, affirme-t-il. Pour lui non plus, aller se battre en Irak n'est guère à l'ordre du jour. “Saddam est pire que l'Amérique. Pourquoi irais-je me battre pour lui ?” dit-il. Nihad nous récite toute une litanie d'atteintes aux droits de l'homme dans son pays. “Vous vous rendez compte qu'en plein XXIe siècle, Internet est quasiment interdit en Irak ! Les étudiants du sud du pays n'ont pas le droit de faire sciences po. C'est réservé uniquement aux enfants du régime. Et j'en passe,...”, ajoute-t-il. A côté du resto, une agence qui organise des départs vers Bagdad. Les nouvelles parlent de mouvements de troupes de l'autre côté des frontières pour empêcher les bus bondés de volontaires arabes d'arriver dans les camps de Bagdad. Dans cette agence, on nous affirme pourtant qu'ils continuent à risquer leur vie pour aller en Irak. “C'est 500 $ la location d'une voiture”, dit un préposé de l'agence.
De son côté, l'ambassade irakienne continue à affréter des dizaines de bus pour transporter des volontaires de tous bords. La plupart d'entre eux, sont des islamistes qui ne portent guère, eux non plus, Saddam dans leur cœur. Ils veulent simplement prendre un billet pour le paradis tant promis aux martyrs.
M. B.


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