«Bouger» ce n'est pas fatalement tenter de faire la révolution, mais cela contribue à intéresser les populations à la «chose» politique au lieu de les en tenir éloignées avec, fatalement, la création d'un fossé entre les partis et les populations et entre le pouvoir et les populations. Un tel vide politique sera toujours mis à profit par ceux qui n'ont pas intérêt à ce que la stabilité soit effective. Qu'est-ce qu'un parti sans capacité ou volonté à prendre des initiatives ? Qu'est-ce qu'un parti dans le champ politique qui ne soit pas sur le terrain de confrontations permanentes entre idées ? Pourquoi cette sorte d'hibernation ou d'inhibition de ceux qui devraient se comporter en acteurs politiques et non en figurants ? La littérature politique algérienne a transféré vers la vie politique le concept de redressement appliqué au renversement du président de la République en juin 1965 pour qualifier de redressement le renversement des dirigeants des partis politiques. Le fait que ce mouvement de redressement ait pesé comme une menace sur la stabilité interne des partis implique que les dirigeants de ces derniers n'ont pas accédé de façon «clean» à la plus haute hiérarchie partisane. Cela voudrait signifier également que le maintien à la tête des partis n'est pas dû au choix des militants. Cela pourrait à la limite supposer qu'il serait suscité par des éléments téléguidés de l'extérieur (on parle de rencontre objective entre intérêts). On se rappelle que la presse avait rapporté les propos de la porte-parole du PT qui avait imputé au FLN les problèmes internes de son parti. Il en a été ainsi également pour le leader du FNA qui avait, lui aussi, dénoncer le FLN pour expliquer qu'il est menacé de redressement par le même parti. Savoir et pouvoir donner un sens à leur existence même ? Il n'en demeure pas moins qu'en dehors des dirigeants du FLN qui veulent faire croire qu'ils ont une capacité d'initiative, c'est l'inhibition généralisée. Pour ce qui concerne l'alliance par exemple, il apparaît que les dirigeants du RND réagissent plus qu'ils n'agissent, placés par l'appropriation du président par le FLN dans une situation de gêne, car le président de la République est président (d'honneur ?) du FLN et non pas de l'alliance, ce qui contraint donc le parti du premier ministre et le MSP à donner plus que le FLN des éléments de justification à leur soutien à la candidature du président. A cette passe d'armes entre les dirigeants, car eux s'expriment, contrairement à leurs militants, ou plutôt contrairement aux encartés, car le militantisme semble être une denrée rare, les partis ne savent pas à quelle argumentation se vouer. Ils ne peuvent pas le savoir car seuls les dirigeants savent et construisent (en toute autonomie ?) la ligne directrice du parti et les attitudes stratégiques à «adopter» en fonction des contextes. Quant aux partis de l'opposition, car il y a bien une opposition cependant neutralisée, pratiquement aphone, si on la cherche uniquement à travers la télévision, il conviendrait d'abord de bien définir le contenu de ce concept pour savoir exactement qui est dedans, qui est dehors et qui n'est ni dedans ni dehors, c'est-à-dire à ne pas savoir quoi faire. Généralement, ceux qui ne sont ni dedans ni dehors n'ont pas de certitudes doctrinales, sont à la merci du vent comme des girouettes, tiennent la «canne par son milieu» et sont prêts à manger à tous les râteliers. Ils appliquent fort bien la leçon de la chauve-souris dans les fables de la Fontaine : «Je suis oiseau, voilà mes ailes, je suis souris, voilà mes poils.» Il ne faudrait pas alors oublier, au vu du réveil des partis à la seule approche des élections, que les perspectives fixées à l'action politique s'avèrent inchangeables et sont d'ailleurs demeurées inchangées, à savoir que c'est la question du pouvoir qui est au coeur des préoccupations. Le pouvoir, pourquoi ? Pour qui ? Tous les leaders de parti, sans exception aucune, verrouillent la porte d'accès à leur remise en cause. Ceux qui dirigent un parti veulent continuer indéfiniment à le faire et ceux qui n'y sont pas sont en attente d'opportunités pour les en déloger. C'est la présidence à vie à la tête des partis, et cela est bien une tradition nationale, à n'importe quel niveau de l'Etat, des institutions, des partis, des associations toutes natures confondues, même pour diriger des mouvements de jeunes quand le dirigeant n'est plus jeune, même pour les associations dites de la famille révolutionnaire qui ne «révolutionnent» pourtant en rien. Ni les partis ni tout le reste qui les suit comme organisations de masse ne sont devenus le creuset qu'ils devraient être, à savoir celui où l'on réfléchirait pour l'Algérie et pas seulement autour des enjeux du pouvoir et de ce que cela pourrait impliquer comme dividendes personnels.