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Interview avec le Pr. Abdelaziz Benabdallah: L'Islam pur
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 09 - 2009

«Le Pr. Abdelaziz Benabdallah est un écrivain et un érudit connu dans le monde musulman. Après avoir obtenu, en 1946, son double diplôme de licence en droit et ès lettres à Alger, il intégra la militance dans le journalisme patriotique à Al-Alam (en arabe) et Istiqlal (en français). Cela ne l'empêcha guère de diriger, à Casablanca, une grande école privée où la langue arabe devait avoir la priorité dans les diverses disciplines. Cette école, comme tant d'autres, formait les cadres militants et les futurs intellectuels. Après l'indépendance du Royaume, il fut pressenti en 1957, comme ministre des Affaires islamiques, et en 1958 comme ministre de la Justice ou ambassadeur itinérant en Afrique.
Il est professeur itinérant dans une vingtaine d'universités afro-euro-asiatiques, Membre de l'Académie royale du Maroc, des Académies arabes et indienne, ancien directeur général du Bureau de Coordination de l'Arabisation dans le monde,
Il a écrit un livre, «L'Islam dans ses sources» (publié quatre fois à Rabat et Ryad).
Nous l'avons rencontré dans son domicile à Rabat, il s'en explique, dans cette interview, et évoque avec nous, les brûlantes questions qui interpellent les musulmans».
- Dans nos jours, on assiste à un intégrisme total. Et dans votre livre, vous avez parlé d'un Islam rénové. L'Islam en fait, n'est-il pas en train de faire sa mutation ?
- Au lieu de dire mutation, on parle, toujours plutôt de «sérénissime». Au fond, il n'y a pas de sérénissime, parce que l'Islam est toujours l'Islam. L'Islam n'a pas été compris. Il n'a jamais été bien compris et je vais vous dire pourquoi. Pourquoi l'Islam est né cet intégrisme face au fondamentalisme. Le fondamentalisme, c'est le retour aux fondements, à l'Islam pur, le retour à des traditions authentifiées. Vous savez qu'Ahmed Ben Ahmed connaissait un million de Hadiths, alors que les Hadiths qui ont été authentifiés ne dépassaient guère 10.000. Il y a des gens qui viennent vous dire que l'Islam a dit, l'Islam a fait, ce sont des intégristes qui ne connaissent pas l'Islam. Ce sont des gens qui veulent intégrer tout le mouvement mondial dans des textes faux. Alors que le fondamentalisme, c'est autre chose. Je vais vous donner un exemple, un seul. Quand nous faisons la prière, les intégristes écartent leurs jambes alors que le croyant, lui, fait face à Dieu quand il prie, comme un militaire dans un rang. Il faut qu'il accole les deux jambes. C'est un petit exemple, entre un million d'autres. Donc, si on parle de sérénissime, ce n'est qu'un retour aux fondements. Sans ce retour, tout le processus islamique originel et original, sera travesti, et d'une fausse absurdité.
- pouvez-vous nous dire quel est la différence entre l'Islam pur, et l'Islam intégral ?
- J'ai effectué un travail sur les «Hadiths», et, je me suis rendu compte d'une chose : tous les «Hadiths» authentiques confirment la primauté du temporel sur le cultuel; 4/5 des «Hadiths» sont d'ordre social, seul 1/5 est d'ordre cultuel. L'Islam a été faussé par un intégrisme, qui a voulu imposer l'ensemble des «Hadiths» dont 95 % sont apocryphes. Il nous faut revenir aujourd'hui, à un Islam simple, qui puise ses sources dans les traditions du Prophète (Qssl), pour dégager des définitions du Prophète (Qssl) sur la religion et la foi. C'est la tendance à vouloir faire de tous les «Hadiths» des impératifs catégoriques, qui donnent l'image d'un Islam hégémonique.
- Est-ce vrai, que la religion musulmane est une religion fataliste ?
- Pour vous prouver que cela est faux, je vais vous raconter une anecdote. Un jour, Aboubakr avait mobilisé un corps expéditionnaire, pour l'envoyer en Syrie où sévissait la peste. Le Khalife Sidna Omar, voyant cela, s'était opposé à cette décision. Non point pour s'opposer au destin, mais pour mieux agir dans le sens d'une dissertation raisonnée. Le Coran avait dit : Agissez, Dieu verra vos actes». Chez les musulmans, l'homme est libre, mais dans un cosmos déterminé. Le musulman est libre de faire ce qu'il veut. Sa conception de la liberté correspond à l'occasionnalisme de Malebranche. Tous les versets du Coran font référence à l'acte créateur, car l'Islam prône une religion de l'action. C'est à cause de nous-mêmes que la religion musulmane est devenue une religion de l'inertie. L'Islam fondamental prêche aussi le respect de l'égalité et de la fraternité. Un jour, j'ai fait une conférence en URSS, sur les similitudes entre le socialisme communiste et la religion musulmane.
Le socialisme se caractérise par le nivellement des classes et le capital/travail. Alors qu'il y a au 14e siècle, bien avant l'avènement du marxisme, les penseurs musulmans avaient, déjà, mis en exergue les quatre «Hadiths» du Prophète (Qssl) dans lesquels le travailleur et ses droits étaient exaltés. Ces «Hadiths» disent : «Je suis l'adversaire irréductible de celui qui ne paye pas l'ouvrier, avant que la sueur de son front n'aura séché», «Celui qui dévore le salaire de l'ouvrier voit tout son acte cultuel tomber à l'eau». Dans la vie de chaque individu, il y a un autre devoir que la dîme canonique. Dans les prolégomènes d'Ibn Khaldoun, le véritable capital de l'ouvrier, c'est son travail. D'ailleurs, «le capital est le travail» se trouve être l'un des sous-titres de ce livre.
- L'Islam, n'est-il pas un vecteur de l'hégémonisme arabe ?
- Pr. Benabdallah : il n'existe pas d'Islam noir; comme il n'y a pas d'Islam oriental ou arabe. L'Islam est une religion universelle, la troisième religion abrahamique. Très souvent, les gens ne comprennent pas ce que l'Afrique a apporté à la religion musulmane. Ce sont les Africains qui ont créé l'histoire de l'Afrique du Nord. C'est des rives du fleuve Sénégal que sont partis les Almoravides, pour aller conquérir l'Andalousie, et nouer des échanges avec la Péninsule Ibérique. Aussi, je dis, qu'il y a, chez tout Arabe, un fond africain. C'est cette interrelation à dominance berbère, qui a été à l'origine du Maghreb. L'Islam, qui est vécu en Afrique au sud du Sahara, est un Islam pur, différent de l'Islam maghrébin complexifié par des données directement prises de l'Orient, et, transmises ensuite au Soudan. Sur le continent africain, l'Islam se répartit en deux grandes régions, dans l'actuel Soudan et le long du Nil. Cette première région est l'Egypto—Soudan, et dans l'ancien Soudan de l'Ouest Africain, qu'on peut appeler le Soudan maghrébin. Ce qu'on détermine, aujourd'hui, par la notion d'Islam africain, est une conception de la pratique religieuse, sur laquelle nous devons nous baser pour régénérer l'Islam.
- L'Islam africain ! Pourriez-vous nous éclairer un peu plus ?
- Vous savez, il existe un verset dans le Coran qui dit : «Pas de contrainte en Islam». En Afrique noire, la religion musulmane ne s'est répandue que par la seule force des textes, et non par celle des garnisons. Le Prophète (Qssl) interdisait d'imposer l'Islam à telle ou telle autre tribu. Dans toute l'Afrique, l'Islam s'est implanté par la persuasion et non par l'épée. Pour preuve, il n'y avait pas de dîme canonique imposée aux Africains. Une taxe qui n'avait aucun caractère canonique leur était imposée, tout en leur laissant la possibilité de garder leur religion. Ceux qui ont spontanément intégré l'Islam y avaient, cependant, tous les droits et devoirs reconnus aux musulmans. Ce qui s'est passé en Afrique, n'est que la répétition de Poitiers. L'Islam est une religion abrahamique à portée universelle. Son expansion a été arrêtée en Europe par Charles Martel, et, en Afrique, par la colonisation. Néanmoins, grâce aux Almoravides, l'Islam pur, l'Islam «Salafi» s'est implanté. Cet Islam, qui pousse à remonter aux sources originelles, à la vie traditionnelle du Prophète (Qssl). Si nous prenons l'exemple du Maroc, nous nous rendons compte que ce pays a combattu un certain arabisme, sans pour autant toucher à l'Islam. Les populations marocaines, en l'an 122, selon le calendrier de l'Hégire, se sont soulevées contre les Omeyyades, qui ont voulu imposer une taxe qui allait à l'encontre de l'Islam. C'est ce qui permet de comprendre pourquoi Moulay Idriss, qui était le descendant du Prophète (Qssl), en fuyant les Omeyyades et les Abbassides, a été accueilli, avec ferveur, par toutes les tribus berbères. Sous l'égide de la religion musulmane, une symbiose s'est réalisée entre les parties de l'Afrique. Un legs commun, très riche, unit tous les Africains musulmans, qui se reconnaissent à travers une même langue cultuelle. Entre Africains et Arabes, il y a aussi une similitude cultuelle qui se dégage dans les écrits de Lawrence d'Arabie.
- Il est tout à fait clair que notre religion à l'origine de la science et elle a eu des savants d'envergures, dans ce sens, pouvez-vous nous expliquer la décadence culturo-scientifique de l'Islam ?
- La grandeur de l'Islam s'est propagée jusqu'en Andalousie. Entre les 5e et 8e siècles, la flotte marocaine était la première de la Méditerranée qui, en ces périodes, était plutôt considérée comme une mer arabe. Le début de la chute de la civilisation musulmane date du 9e siècle, avec la prise de Grenade et la «Reconquista».
Les musulmans, après cela, se sont repliés sur eux-mêmes. Ils étaient, plutôt, préoccupés à se défendre, à mettre au point la balistique, pour éloigner les Ibériques. Mais, déjà au douzième siècle, de grands médecins avaient découvert le schéma de la circulation du sang, bien avant l'Anglais William Harvey au 17e siècle. Avicenne, Averroès, Avenzoar ont été de grands savants musulmans, qui ont apporté leur contribution à l'éclosion de la science. Ce magnifique édifice de la civilisation musulmane s'est effondré avec le colonialisme naissant, le développement de la piraterie combattue pourtant, par la création de milices maritimes almohades.
- Quel a été ensuite l'impact des croisades sur la religion musulmane ?
- Les croisés, qui se sont implantés en Syrie, prirent, pour la première fois, contact avec la civilisation musulmane qu'ils ne connaissaient pas. Bien que luttant contre les musulmans, ils ne se sont pas empêchés de recueillir les fruits de la civilisation islamique. Ceux qui en ont parlé l'ont fait avec enthousiasme. Ils ont, surtout, exalté l'esprit chevaleresque de l'Islam, qui a symbolisé le degré d'élévation spirituel et social de la civilisation islamique. Cet esprit chevaleresque se singularise par le respect et la protection de la femme et de l'enfant.
- L'Islam, qui a été à l'origine de la science, ne pratique pas pour autant le doute, ce doute cartésien qui, finalement, a fait la grandeur de la civilisation occidentale. Pensez-vous qu'un progrès puisse se faire sans le doute ?
- Il existe deux espèces de doute. Le premier est le doute de Pascal et de Al-Ghazali. C'est un doute créateur, pour atteindre la vérité. C'est un doute que l'on ne peut pratiquer, qu'à condition d'être à la hauteur et de pouvoir fonder ses raisons. Le second est le doute nihiliste qui nie l'existence de Dieu. La différence entre les savants musulmans et l'esprit scientifique occidental, c'est que ce dernier fait abstraction de Dieu, tandis que les musulmans, comme Averroès l'avait souligné, commentant les quatre raisons aristotéliciennes, la raison formelle, la raison matérielle, la raison efficiente et la raison finale alliaient toujours le processus scientifique à l'Entendement. Dieu est, pour les musulmans, une lumière. Il est une énergie impalpable, qui dépasse la Science. C'est pourquoi Science et Raison ne peuvent, pour nous, être dissociées.
*Chercheur et journaliste indépendant


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