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Un matin, rue Campagne première
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 22 - 10 - 2009

Ce matin-là, j'avais juste besoin de quelques dizaines de minutes de tranquillité. Pas beaucoup, une demi-heure, rien de plus, le temps de finir de relire un article dont les lignes dansaient autour de mes yeux à force d'être parcourues, annotées, biffées et réordonnées. Je pensais que m'installer dans ce petit café de la rue Campagne première, où je ne sais combien d'artistes célèbres ont vécu, suffirait. J'étais persuadé que l'endroit serait désert comme à son habitude lorsque la masse des néo-prolétaires et de cols blancs ont embauché après avoir avalé qui un petit noir qui le premier ballon de la journée. Je me trompais. Je venais à peine de m'asseoir à une table du fond quand l'homme est entré. Grand de taille, un manteau un peu épais pour la saison, des lunettes dorées posée sur un nez aquilin, le cheveu rare et gominé plaqué vers l'arrière et des dents jaunies par le tabac, il tenait à la main un quotidien gratuit qu'il avait paresseusement enroulé ce qui donnait au canard à zéro balle une allure d'éventail miteux. Il a lancé un grand salut, celui que se réservent les habitués pour montrer aux autres clients qu'ils sont ici chez eux.
Bonjour monsieur, a répondu le patron sans se retourner. Il était occupé à nettoyer ses verres à pieds et à les suspendre à une glissière en aluminium. C'est à cause de ce bonjour distant, presque agacé, que je n'ai pas replongé la tête dans mon papier. Par la force de l'habitude, j'ai senti que j'allais assister à l'une de ces tensions ou humiliations tranquilles que l'on peut enregistrer à satiété aux quatre coins de la ville. Quelqu'un qui sourit à une inconnue et celle-ci hausse les épaules. Un client qui engage la conversation avec son voisin de table et ce dernier change de place...
Une noisette et un verre d'eau, s'il te plaît, a poursuivi l'homme sans se démonter. Cherchant visiblement quelque chose sur le comptoir, il s'est ensuite penché pour happer l'unique exemplaire du Parisien que le maître des lieux avait posé quelques minutes plus tôt sur une chaîne stéréo au nom effacé par le temps et la quantité impressionnante, mais déjà oubliée, de fumée ayant flotté dans la salle. La prochaine fois, il faudra demander, a simplement dit le patron déjà à son percolateur. J'voulais pas te déranger, a répondu l'autre en commençant sa lecture par la dernière page.
C'est pas la question, a sifflé le cafetier entre ses dents sans daigner prêter la moindre attention au bras levé de manière nonchalante en guise d'excuse.
C'est alors qu'elle est entrée. Brune, assez forte, des poches sombres sous les yeux et une cape rouge à laquelle il manquait des boutons. Son allure, son regard, sa respiration essoufflée disaient à qui voulait bien la regarder à quel point sortir de son lit avait dû être pénible, héroïque. Elle a adressé un petit sourire au patron et un signe à celui qui n'en finissait pas de se battre avec les pages du Parisien. Un petit signe, en fait. Sec, rapide et contrastant avec son pas fatigué. Un signe qui signifiait reste où tu es. Ne me parle pas. Ce n'est pas le moment.
Bah, dis donc, j'avais oublié que c'est aujourd'hui que tu reprends, a presque crié l'autre en lançant le journal mal plié sur la chaîne stéréo. Tu sais que tu nous as manqué ? Ça t'a fait combien ? Trois semaines, hein, c'est ça ? En tous les cas, y'en a qui ont failli s'évanouir quand ils ont appris que t'étais arrêtée. Terminée la sérénitude. Tu vois de qui je veux parler. Bah si, ton chef ! Le minet là, sup de machin-chose qu'on l'appelle dans mon service. Il a braillé pendant des jours qu'il avait trop de boulot, qu'il s'en sortirait jamais. Tu parles, j'ai jamais entendu parler que les gens ont besoin d'aide pour aller sur meetic.
Il s'est mis à rire tout seul, ses yeux allant du patron à celle qui avait la tête plongée dans son café, les deux mains enserrant la tasse fumante. Puis il m'a regardé, espérant peut-être que je rie aussi. J'ai posé mon coude sur la table et laissé choir nez, bouche et menton dans le creux de ma paume. J'avais définitivement abandonné l'article. Je me disais que cette femme devait travailler dans l'une des deux entreprises publiques installées dans la même rue. J'ai repensé à ma chronique sur le salarié qui m'a valu nombre de messages émus. Trois semaines avait dit l'autre. C'est ainsi que cela se passe. La caisse maladie française sert de sas de décompression et amortit vaille que vaille les dégâts du harcèlement moral.
Quand je pense qu'il voulait te virer, a continué l'autre comme s'il lisait dans mes pensées. Heureusement que tu t'es pas laissée faire. Crois-moi, y'en a pas beaucoup qui auraient résisté comme t'as fait. Mais tu l'aurais vu, ce crevard ! Il voulait un stagiaire, tout de suite, comme ça.
Il est même allé pleurer chez l'autre fou du cinquième, tu sais celui qui veut qu'on rédige les mels en anglais. Un jour, je l'ai croisé dans le couloir. Alors, ça bosse ? que j'lui demande. Il est resté à m'regarder. Je crois qu'il a pensé à me donner ta place mais il a du avoir peur. Tu parles comment que je l'aurais reçu !
Elle l'a écouté jusqu'à ce qu'il s'en aille en lançant un à demain aussi bruyant que son bonjour. Elle l'a subi, hochant parfois la tête parce que même épuisée, elle n'a pu s'empêcher de rester polie. Mais dans le miroir, un bref instant, j'ai soudain saisi son air abattu, le chagrin ou la peur ou les deux à la fois qui la dévoraient. Sans attendre, le patron lui a servi un autre café. Je me suis dit que ce devait être une très ancienne habituée. Qu'il avait peut-être été un temps où elle riait et plaisantait dans ce café avant de s'en aller au bureau pour épuiser sa vie en la gagnant.
J'ai compris qu'il fallait que je sorte et que je trouve un autre endroit. Elle avait besoin de rester seule dans cette salle à peine éclairée. Peut-être allait-elle en profiter pour parler avec le patron. Lui raconter. S'épancher. Dire tout le dégoût que lui inspirait l'autre gominé. Il lui redirait alors ses mauvaises manières, son sans-gêne. Puis elle sortirait à son tour. Hésitant entre marcher vers le portail électrique de son entreprise ou repartir chez elle. Je suis revenu au même endroit deux jours plus tard.
Elle n'y était pas. Le gominé buvait tranquillement sa noisette en lisant le Parisien et le patron, dos tourné, essuyait des verres à pied.


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