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La désillusion
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 16 - 06 - 2010

Le journal à la main, la mine grise et la tête basse, il s'empresse de retourner chez lui après avoir lu le premier article qui a attiré son attention en ouvrant son quotidien.
Il y est question d'une fraude à l'examen du baccalauréat. Enseignant à la retraite, une telle nouvelle ne manque pas de l'attrister bien qu'il ait décroché depuis quelques années déjà. Aujourd'hui, sa tristesse est à son comble, il est profondément bouleversé, malheureux, très malheureux. Non pas que la tentative de fraude le surprenne à ce point mais il est affligé par les circonstances dans lesquelles elle s'est produite.
La fraude n'est pas l'acte isolé d'un élève peu studieux qui tente de réussir par une voie condamnable. Un tel écart est rare mais prévisible dans un examen aussi décisif dans la vie d'un individu par les temps modernes. Réprouvé, un tel agissement peut s'expliquer et l'organisation même des épreuves tient compte de sa probabilité, en veillant au strict secret des sujets, à la surveillance vigilante et avisée, à l'anonymat des copies, à la double correction et à la rigueur des délibérations.
Le fait, en lui-même, ne pou-vait le mettre dans un état pareil, il aurait enragé, pesté contre l'inconséquence des auteurs qui entament très mal leur âge adulte et se mettent très tôt au ban de la société. Si leur tentative réussit, ils s'engagent dans une chaîne interminable de mensonges qui useraient immanquablement leurs nerfs et empêcheraient à jamais le repos de leur esprit même s'ils peuvent ne jamais l'avouer publiquement. S'ils échouent, leur parcours social sera durablement marqué par la réprobation des autres et leur doute.
En ouvrant la porte, sa femme est surprise de le voir revenir si tôt. D'habitude, il passe la matinée entre le jardin public où il rencontre ses amis et la bibliothèque municipale. Il ne regagne la maison qu'aux environs de midi. Elle ne se souvient pas l'avoir vu revenir aussi rapidement et dans un tel état. Visiblement, il est très peiné. A-t-il appris une mauvaise nouvelle ou est-il arrivé quelque chose de fâcheux à l'un de ses amis ?
Il lui répond que non et plonge dans un silence inhabituel. Les mauvaises nouvelles de la famille et des amis éliminées, elle est presque certaine que la cause de sa peine a trait à l'éducation. Il ne s'est jamais senti plus concerné par l'éducation que depuis qu'il est à la retraite. Quand il était en activité, il lui arrivait « d'oublier » volontairement son monde professionnel et de s'occuper d'autre chose, même momentanément.
Mais depuis qu'il ne fait plus partie du corps enseignant, l'enseignement est sa seule obsession. Il se tient informé de tout, commente toutes les mesures prises dans le domaine, donne son avis sur la moindre réforme. Il s'enthousiasme quand il juge les décisions bénéfiques et s'indigne quand il subodore le contraire. Il accompagne son ancien métier, il le vit depuis qu'il n'en vit plus.
Alors, il est évident que des faits comme ceux dont il vient de prendre connaissance, par la presse, ne peuvent que le plonger dans une immense détresse. L'information est rapportée de façon sèche et brutale comme s'il s'agissait d'un fait divers. La fraude, consommée, a été portée à la connaissance de la direction de l'éducation concernée et de l'office des examens. Il est précisé, aussi froidement, que l'acte a été commis avec la complicité active de surveillants qui auraient rédigé les réponses aux questions posées dans la matière en composition ce jour-là.
Et c'est cette précision qui l'a achevé, lui qui a voué toute sa vie à un véritable sacerdoce, qui a accepté les peines et les misères d'un métier qui ne lui assure ni aisance matérielle ni considération sociale. Sa véritable rétribution, il l'a toujours trouvée dans un regard illuminé par une nouvelle connaissance, dans l'affection d'un élève satisfait, dans le respect de parents reconnaissants. Sa rétribution, il l'entend parfois dans les propos avisés de ses anciens apprenants, il la rencontre sur le chemin qu'il les a aidés à faire, il la voit dans leur fierté d'avoir découvert leurs propres capacités. Sa récompense, il l'attend d'une jeunesse compétente, ouverte sur le monde et heureuse de vivre.
Comment des enseignants peuvent-ils se rendre complices d'une telle indécence ? Comment peuvent-ils trahir un enfant confié à leur sagesse et leurs vertus ? Comment peuvent-ils aussi nonchalamment organiser le suicide de toute une société ? Il leur en veut terriblement d'avoir tué ses rêves, d'avoir asphyxié ses espoirs, de lui avoir enlevé l'ultime raison qui justifie ses souffrances et l'aide à supporter l'ingratitude qui l'entoure.
Et lorsque ces mêmes enseignants poussent l'outrecuidance jusqu'à trouver des circonstances atténuantes à leurs actes en comparaison avec la corruption massive que connaît la société, il est littéralement anéanti.
Dans son désarroi la culpabilité change de camp. Dans ces conditions, c'est lui le coupable. Il se sent coupable d'avoir tenté d'être exemplaire durant toute sa vie et particulièrement dans l'exercice de sa profession.
Il se sent coupable d'avoir été rigide dans ses principes au point de punir sévèrement le moindre écart chez des élèves dont la conduite au regard de ce qui ce passe, mérite, plutôt, récompense. Il se sent coupable d'avoir été rigoureux dans son évaluation au point de priver des élèves d'une réussite qui n'a rien à envier à celle accordée aujourd'hui, presqu'indûment, à leurs successeurs.
Il se sent coupable d'avoir été perfectionniste au point d'ajourner des examinés pour de légères erreurs de forme dans des réponses qui, aujourd'hui, relèveraient du génie. Il se sent coupable d'avoir libéré de toute concurrence le champ social aux « promus » de l'immoralité, en barrant la route par sa sévérité à des potentialités plus qu'avérées. Il se sent coupable d'avoir rabroué ses collègues et ses amis à la moindre allusion à « l'éventualité » d'une priorité ou d'une préemption dans l'accès à la connaissance. Il se sent coupable d'avoir sacrifié les ambitions sociales des siens à son intransigeance morale. Il se sent coupable d'avoir servi d'exemple à des cohortes de jeunes, aujourd'hui, lestés par des concepts surannés face à une société à l'aise dans la prédation et la gabegie. Il se sent coupable d'avoir prôné l'effort dans un monde où la forme la plus visible de la réussite sociale est la réinsertion glorieuse de la délinquance. Il se sent coupable d'avoir sacralisé le savoir dans un monde qui béatifie l'ignorance. Il se sent coupable d'avoir ligoté ses enfants par des vertus aujourd'hui piétinées par un monde qui s'enorgueillit de ses tares. Il se sent coupable d'avoir fait de tous ceux qui ont crû en ses enseignements des solitaires au sein d'une foule éhontée qui vante à ses enfants ses propres turpitudes.
Et comme toutes les personnes de son âge, dans un terrible moment de solitude, il se refugie dans le bon vieux temps, dans l'ambiance douce et humaine dans laquelle a baigné son enfance. Il passe en revue tout ceux qui l'ont abreuvé de leur bonté et de leur bienveillance, tous ceux qui l'ont nourri de leur humanité et de leur droiture. Il se rappelle encore avec émotion ses sublimes histoires qu'inventaient ses maîtres d'écoles pour lui expliquer les leçons d'éducation civique et surtout les lui faire aimer et en imprégner à jamais sa mémoire.
Un jour, le maître, abordant les méfaits de l'ignorance et de la violence, a usé d'une parabole inoubliable dont il se souvient du moindre détail. Un homme rustre et toujours pressé avait un ver à soie enfermé dans son cocon.
Il savait que sa métamorphose donnait un papillon mais risquait d'être lente. Alors, il estima qu'il pouvait précipiter les choses et décida de crever le cocon pour le libérer plus vite.
Associant l'acte à la parole, il arracha violemment l'enveloppe desséchée de la chrysalide. Mais le ver n'avait pas encore tous les attributs pour pouvoir voler. Libéré de ce que son bienfaiteur considérait comme une gangue inutile, le ver ne tarda pas à mourir.
La corruption de l'éducation nationale participe à la rupture de la cohésion sociale. Le corps social disloqué, s'altère et finit par se décomposer.


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