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La situation sanitaire en Tunisie : un temps pour se ressaisir
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 07 - 2021

Oui la situation sanitaire est difficile en Tunisie. Un coup dur qui s'ajoute aux précédents. Le «système de santé tunisien fait partie d'un système de gouvernance» qui a craqué depuis le crash de 2011 qui avait montré que la gestion politique et économique était très en-deçà des besoins du pays et de ce qui peut équilibrer les conditions de vie et des liens au sein de la société tunisienne.
Quinze ministres de la Santé se sont succédé depuis (cinq ministres ces deux dernières années) et même si certains d'entre eux auraient pu être acceptables, ils n'ont pu rester assez longtemps pour changer quoique ce soit. Les lobbies financiers et économiques font sournoisement la loi en s'adaptant pour tirer un maximum de profits de chaque épisode de la crise sanitaire : les prix des masques, des tests, des concentrateurs d'oxygène voguent selon la demande. Cet opportunisme de crise est, hélas, une tendance qui s'est bien rodée au cours de la dernière décennie. Les problèmes de fond ne cessent de se creuser. La note de souveraineté de la Tunisie est en baisse régulière, jusqu'à atteindre la notation B- qui risque d'être fatale au cours des prochains mois. La Santé fait partie de ce tableau noir et chaotique.
Gestion et image de la Santé
A vrai dire, le système de Santé tunisien est atteint, depuis plus longtemps. Les signes se sont accrus avec la libéralisation à outrance des années 2000. Des médecins ont dénoncé alors la tendance, certains se sont mis à leur compte (entièrement ou partiellement), d'autres sont partis à l'étranger... Le chômage des médecins est un des plus élevés dans un pays où le chômage des diplômés atteint 35% (50% quand les femmes sont porteuses des diplômes).
Par-dessus tout, le secteur médical tunisien a une réputation, des circuits et des réseaux, notamment en France et en Italie, et de plus en plus, en Allemagne.
La réputation de la médecine tunisienne est essentiellement due à une formation qui entretient depuis 1964 (date de création de la faculté de Tunis) un standard de compétitivité. Le besoin d'infirmiers suscite une vague de créations d'instituts privés. Médecins et infirmier(e)s locaux sont appréciés sur le marché de la Santé mondialisé. Les recrues tunisiennes renflouent les secteurs français et allemands en demande, de même que les pays du Golfe apprécient ces spécialistes compétents et arabophones, rémunérés à des taux plus bas que les Européens et avec moins de droits sociaux. La médecine tunisienne doit également son image au tourisme sanitaire, que la Covid-19 a stoppé. Les cliniques privées qui vivaient largement de ces «touristes» passant des séjours plus ou moins longs (parfois en famille) pour des opérations esthétiques, gynécologiques, pour la chirurgie des traumatismes et d'autres soins, sont actuellement quasi à l'arrêt. Les Libyens, les Algériens et les Subsahariens qui faisaient vivre cabinets et cliniques privés (et d'autres services) sont retenus chez eux. Etablissements, officines et laboratoires ont dû se convertir : ils se sont tournés vers la population atteinte de Covid pouvant payer ses soins. Ainsi les hôpitaux publics, à l'abandon depuis plus de 20 ans et les entreprises de santé privées (plutôt favorisées depuis, grands bénéficiaires de la crise) se retrouvent régis par une marchandisation immodérée confinant à l'immoralité. Règlements et lois banalisent l'exploitation des moyens des patients payants et vident le secteur public des conditions d'exercice acceptables par les soignant(e)s. Les bas salaires étaient compensés par la possibilité de combiner pratique de soins et recherche clinique. La dégradation du secteur public a poussé le personnel médical et paramédical vers le privé ou l'expatriation. Depuis mars 2020, on a bien remarqué des professionnels de santé dévoués, méritants (des femmes surtout, comme partout) et bagarreurs sur le terrain du Covid.
Le pourcentage de héros avec des internes et résident(e)s mobilisé(e )s au-delà de leurs capacités a permis de tenir le coup depuis quinze mois. Mais la durée de l'épidémie, les désordres des différentes vagues, l'absence de mesures adéquates (pour diminuer les déplacements et endiguer la contagion), le déferlement des variants qui viennent s'ajouter aux inégalités sociales et aux ressources régionales inéquitables ne permettent pas d'agir sur la durée ni dans l'intérêt de tous et toutes partout. C'est à peine si les grandes villes sont couvertes et pourtant Nabeul, Kairouan, Bizerte, Béjà ont accusé des pics dangereux. Entre les cliniques privées (qui exigent des chèques de plusieurs milliers de dinars avant d'admettre un malade), les laboratoires d'analyses (qui ont «accepté» un tarif pour les tests à 170 dinars = la moitié du SMIG), les pharmaciens vendant les masques entre 300 et 500 millimes (en mai 2020, c'était le triple), des hôpitaux publics grevés par le manque de moyens et de personnel, un déséquilibre dans leur répartition territoriale, des pratiques bureaucratiques qui gênent l'octroi et la circulation du matériel médical (les commissions sous la table)... l'accumulation de ces facteurs a fini par entraîner des pertes humaines phénoménales et par essouffler les femmes et les hommes s'occupant des soins ainsi que l'infrastructure.
La phase de la vaccination se heurte à plusieurs erreurs d'appréciation et de conduite. Le régime COVAX n'est pas à la hauteur des attentes et ne fournit pas les quantités vaccinales nécessaires. La formule d'inscription EVAX s'avère peu adaptée aux pratiques de la population tandis que le Conseil scientifique ne semble pas suivi par les pouvoirs publics.
Pourtant, la Tunisie a développé depuis les années 1960 un réseau de centres de santé de base sur l'ensemble du territoire. Il aurait fallu que les autorités utilisent cette ressource en profitant de l'expérience accumulée. Cela appelle une planification réaliste et réactive au sommet comme au niveau local avec les forces vives de chaque lieu. Gérer la crise de façon moins mercantile et moins techniciste, plus pragmatique, suppose d'actionner une pyramide des compétences, de faire circuler l'information et de travailler avec les énergies disponibles in situ.
Une crise parmi d'autres
La crise sanitaire tunisienne fait suite et se conjugue à tant d'autres. Elle révèle une dégradation progressive de l'économie et de la société. Malgré des avancées indéniables sur le plan politique, le pays souffre d'une aggravation des défaillances et d'un creusement des inégalités. Les classes moyennes et inférieures se trouvant sinistrées et déboussolées par une kyrielle de symptômes. Les prix montent, le pouvoir du dinar se réduit, l'inflation galope, les exportations ne couvrent pas les importations, le chômage est constant, l'émigration (régulière et irrégulière) se maintient. La Tunisie est en train de négocier son quatrième emprunt au FMI sans parvenir à appliquer ses directives. La persistance et la cadence des mouvements sociaux sur l'ensemble du territoire expriment l'absence de gouvernail, l'errance des décideurs et l'usure des modèles. C'est dire que la crise du Covid-19 est d'abord et avant tout politique. Les trois présidents (de la République, du Parlement et du gouvernement) occupent stérilement les médias, alignent des déclarations vides de sens et des gestes hors de propos. Le pays a besoin de responsables plus conscients de leur devoir, de décideurs plus réactifs, plus soucieux de gérer le réel, moins préoccupés d'une communication de pacotille et de querelles sans fond, sans autre but qu'accaparer les postes de décision. Le Parlement ne fonctionne que pour des disputes filmées entre factions politiques, pour signer en urgence les contrats de dettes et pour accorder des avantages aux députés. Des centaines de projets de loi dorment depuis des années sans passer au débat ni en plénière. Le gouvernement fonctionne avec 8 ministres et des suppléants sous la houlette d'un chef de gouvernement arrivé par erreur à un poste qu'il utilise sans vision ni efficacité autre que d'appliquer les diktats des lobbies régnants. Le Président de la République ne fait rien de sa légitimité «populaire» : élu à 72% en octobre 2019, il gaspille ce capital en apparitions guindées et imprécations ampoulées, étant privé de prérogatives par la Constitution de 2014. La corruption continue à faire rage face à des responsables politiques tourbillonnants (près de 400 ministres et secrétaires d'Etat en 11 ans) et une administration pléthorique (des enrôlements abusifs ont été faits en 2012 et 2013 quand les islamistes tenaient les rênes) aux conceptions vieillies, impuissantes et «out of order». L'Union Générale Tunisienne du Travailleurs (UGTT) désobéit aux mesures sanitaires pour organiser un congrès qui aurait pu se tenir à distance et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) vient de se fendre d'un «cadeau» : elle met sa salle de réunion au service de l'Etat. On s'étonne de la vulgarité de tels gestes de la part de deux organisations nationales !
Ni exemplarité, ni solidarité, ni sens de l'action
Les premiers responsables de la crise sanitaire sont aux commandes, tapis dans les bureaux ou derrière des écrans. Ils n'émettent aucun signal adapté à l'urgence de la situation. C'est à se demander s'ils mesurent la signification de leur position et l'importance de leur redevabilité. Quand ils parlent aux médias, ils incriminent l'indiscipline des citoyen(ne)s qu'ils ne considèrent comme tel(le)s que pour demander leurs voix. Or, on est loin de 2024 ! Et le pays s'enfonce dans les maux qui le minent depuis longtemps. Il bloque douloureusement sur l'appareil judiciaire corrompu, couard et ultra-conservateur, une police non réformée (les syndicats de policiers essaient de revenir aux méthodes d'antan sous prétexte d'assurer leur sécurité et la morale ; or ça ne marche plus), des médias qui amplifient les faits au lieu de les expliquer. Certes, on n'efface pas si vite les suites de 60 ans de contrôle de l'information et du manque de formation mais si les journalistes étaient plus professionnels, ils auraient pu aider les soignant(e )s à gérer la crise, en court-circuitant les administratifs et les politiques.
Rivés sur leurs logiques d'intérêt et sans vision, les décideurs bloquent la gestion d'une crise multidimensionnelle et difficile qui doit mobiliser plusieurs types de forces, notamment les énergies scientifiques du pays, ignorées ou minorées, en tous cas, réduites à l'impuissance. On a l'impression que le pays est livré aux mécanismes mis en place par l'Organisation mondiale de la Santé et autres dispositifs qui se sont avérés aléatoires et insuffisants. Cette dépendance sanitaire renforce l'image que la société évolue dans une autre planète que ses «gouvernants», anachroniques, hors du temps et de l'espace.
Ce qui est particulier à cette crise (par ailleurs mondiale), c'est que les conséquences se comptent en vies humaines, chiffrables et immédiatement communiquées. Le sismomètre centré sur les statistiques du Covid indique les pertes au jour le jour et parvient à quantifier le drame plus efficacement que pour d'autres secteurs aussi peu florissants (Education, Transport, Logement, Eau, droits sociaux..), laissés en friches depuis 2011, abandonnés même, alors qu'ils nécessitent des réformes de fond en comble.
Comme on en a pris l'habitude depuis quelque temps, en Tunisie, face à un Etat affaibli, des forces informelles agissent et s'organisent. Cela rappelle un aspect de l'année 2011 où tout allait si mal et que les gens trouvaient des idées et concoctaient des voies et des moyens pour faire ce que les pouvoirs publics étaient incapables d'assurer. Une solidarité nationale et internationale est en train de se mettre en place, via les réseaux sociaux. Des aides affluent de partout : gouvernements, Tunisiens de l'étranger, avec familles et amis rassemblent forces et savoir-faire pour combler les défaillances des dirigeants. Les groupes essayent de contourner les barrières douanières et bureaucratiques qui empêchent le matériel médical, les vaccins et les tests d'arriver au plus grand nombre. Les réseaux agissent du reste avec efficacité se joignant à des associations averties de la configuration et de la nature des obstacles. Les liens sont établis directement avec les soignants qui signalent les manques afin de secourir à temps des services particuliers, ici ou là, en oxygène, lits de réanimation, médicaments et autres produits de nécessité. La médecine militaire est entrée en action récemment, dans les régions et pour les catégories sous-vaccinées.
L'été 2021 tunisien s'annonce dur. Le temps de se ressaisir...


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