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LA BATAILLE DE SIDI SEMIANE RACONTEE POUR L'HISTOIRE
Publié dans Réflexion le 20 - 09 - 2015

A Cherchel, le Douar de Sidi Semiane se trouvait à mi-chemin des montagnes du Zaccar et de la mer. Il faisait partie de la Wilaya IV de la Zone II. Il est relié d'une route venant de Cherchell au Zaccar Miliana, jusqu'à la vallée du Chlef. Après la bataille de Sidi Mohand Aklouche, dans la circonscription de Cherchell, où le commando de l'ALN sortit victorieux de ce grand accrochage contre l'armée française et particulièrement contre le 29eTM bataillon de tirailleurs algériens installé à Fontaine du Génie (HadjratEnnos), le commando ALN restait toujours dans la région à la recherche d'autres batailles.
D'après le témoignage de Si Ould El-Hocine Mohamed Cherif ', la Katiba El-Hamdania se trouvait encore une fois dans le douar Hayouna, et pour la deuxième fois, un agent de liaison leur rapportait une lettre du capitaine Si Slimane, dans laquelle il relatait que les soldats français faisaient des incursions fréquentes au douar Nouari près de Sidi Semiane, ils martyrisaient les habitants et qu'il y avait lieu d'aller sur place pour mettre fin aux agissements humiliants et néfastes de cette horde sauvage de soldats français.
Il fallait une marche de plus de 3 heures pour arriver à Sidi Semiane, et dans des conditions très difficiles, ils prirent le départ à 23 heures, pour y arriver à 3 heures du matin. Et là, ils montèrent immédiatement sur place un plan de combat: la section de moudjahidine de Sidi Kaddour prit position en face de Sidi Semiane à côté de Djebel Lemri; quand deux autres sections s'étaient embusquées au bord de la route dans un bois situé derrière le douar Nouari.
Entre 4 et 5 heures du matin, le bruit et les ronflements des moteurs des véhicules leur parvenaient. Si Moussa, leur chef, passa d'un groupe à l'autre pour leur dire de bien se camoufler et de faire attention, la journée s'annonçait très difficile. Les guetteurs avaient fait savoir qu'un convoi montait du littoral par l'oued Messelmoune, et un autre convoi par l'oued Sebt, ils venaient des villes de Cherchell, Sidi Ghilès (Novi), HadjretEnnos(Fontaine du Génie), Gouraya et Damous (Duplex), l'ennemi avait concentré ses forces pour faire un grand ratissage, il était impossible de quitter leur position sans risque de se faire repérer, c'était trop tard, ils étaient obligés de leur faire face. Le soleil se levait lorsqu'ils virent des soldats qui débouchaient derrière Djebel Lemri en courant pour prendre position devant la section de Sidi Kaddour.
Les soldats français venaient de Miliana, El-Khemis, Aïn Défia et des postes militaires environnants. Ils n'aperçurent pas la présence de la section ALN qui se trouvait derrière eux. Celle-ci commençait à descendre vers eux.
L'encerclement se resserrait autour d'eux. La surprise était grande, ils avaient été trahis, comme ce fut le cas dans la bataille de Sidi Mohand Aklouche. L'ennemi savait exactement leur emplacement, le même traître, qui avait informé le capitaine Si Slimane, avait donné l'information à l'ennemi avec toutes les indications; le traître mouchard jouait un double jeu. Ils les avaient vendus, ils étaient pris au piège. Comprenant alors pourquoi Si Kaddour n'avait pas ordonné d'attaquer les soldats qui étaient devant lui, il voyait que l'ennemi concentrait ses forces autour d'eux.
Heureusement que cette section n'était pas dans le plan tactique de l'état-major français, qui resserrait de plus en plus l'étau sur eux.
L'aviation survolait Sidi Semiane. À côté du douar, ils entendaient les chants des harkis, qui dansaient de joie, disant: «Vous êtes tombés dans notre souricière, rendez-vous bande de salopards, sales communistes!» Oui c'était vrai, ils étaient bel et bien engouffrés dans une embuscade.
L'aviation commença le bombardement qui dura un peu plus d'une heure. Heureusement pour eux, il y avait de grands rochers à l'intérieur de la forêt, qui leur permettaient de s'abriter des tirs aériens. Après le départ de l'aviation, ils commencèrent à bouger. Cherchant à sortir de cet encerclement, ils suivirent leur chef pour tenter de sortir sur la droite, ce fut impossible.
L'ennemi avait installé plusieurs pièces de mitrailleuses le long de la route ainsi que des milliers de soldats en position de combat, ayant l'air de dire: «avancez, venez, on vous attend». Le chef de la section ALN étudia la situation et se dit: «Si on engage le combat de ce côté et que nous arrivons à passer, il y a l'oued qui est large et long, dont la traversée nécessite une heure de temps et sans oublier que nous serons à découvert, donc des cibles privilégiées pour l'aviation. Sur l'autre flanc, des hélicoptères de type «Bananes» déposent leurs troupes, toute retraite est coupée pour nous de ce côté droit».
Si Moussa revint en arrière, disant à ses hommes de le suivre pour essayer de sortir du côté gauche, ce fut encore pire de ce côté-ci: les soldats occupaient tout un terrain plat et découvert. Par les ordres du capitaine Si Moussa, la section ALN revint alors à son point de départ, au milieu de la forêt.
Si Moussa, par son calme, imposait respect et confiance, et disait à ses hommes: «Ne vous affolez pas, du courage mes frères, il nous est impossible de tenter la sortie par l'avant, car il y a le gros des troupes françaises qui nous attendent, et surtout le grand risque de mettre en danger la vie des habitants du douar Nouari. Derrière, il n'y a aucune issue, la route s'arrête à un rocher au-dessus de nous». La situation n'était pas bonne pour ces moudjahidine, ils étaient bel et bien encerclés de tous les côtés.
Soudain, une puissante voix sortant d'un haut-parleur se fit entendre dans le tumulte de l'embuscade: «Kellouaz Moussa, Kellouaz moussa, je suis le commandant Gaudoin. Tu te souviens de moi, nous avons fait la guerre d'Indochine ensemble. Nous étions de bons copains, nous avons combattu ensemble les Vietminh côte à côte. Alors, je te demande de te rendre avec tes hommes, et je te donne ma parole d'honneur et d'officier que je t'aiderai». Les Moudjahidine qui entendaient ces paroles étaient tous étonnés, surtout Si Moussa. Effectivement, ils avaient fait ensemble la guerre d'Indochine. Si Moussa avait le grade de sergent-chef, tandis que Gaudoin avait le grade de lieutenant. Aujourd'hui, il se trouve face-à-face avec celui qui avait l'avantage de la supériorité du nombre, le commandant Gaudoin, qui ne cessait de faire appel à Si Moussa, en lui proposant de se rendre.
Sans perdre son sang-froid, Si Moussa, le chef du commando «El-Hamdania» disait à ses hommes: «ne bougez pas, laissez-le parler».
De l'intérieur de la forêt, on voyait bien le déploiement de tous les soldats qui les encerclaient. Le commandant français ne cessait de faire des appels: « Kellouaz Moussa, je sais que tu es à l'intérieur et que tu m'écoutes. C'est vrai, je connais ton courage, tu es un héros mais il est inutile que tu tentes quoi que ce soit, tu n'as aucune chance de sortir. Rends-toi avec tes hommes avant qu'il ne soit trop tard pour vous, sinon vous allez tous mourir ».
Si Moussa demanda à ses hommes de faire attention pour ne pas être brûlés. Ils avaient tenté de forcer le barrage sur les soldats de gauche, mais hélas, c'était impossible. Si Moussa avait l'habitude de vivre ces moments forts, ses initiatives encourageaient ses hommes à le suivre pour forcer du côté droit, difficilement. Toute la forêt prit feu, la fumée gênait la respiration. De retour vers le côté droit, le groupe de Si Brahim Khodja devait suivre, le feu les a séparés, c'était pénible, ils avaient trouvé un abri sous un rocher qui avait une forme de croissant, ce qui leur permettait de s'allonger sans être atteints par le feu. A leur gauche, ils entendaient des tirs, c'était le 6eTM groupe de Si Brahim Khodja qui avait voulu sortir. L'accrochage dura une quinzaine de minutes, puis ce fut le silence. L'artillerie reprit de nouveau, ajustant ses tirs sur le flanc gauche. L'accrochage reprit également; nos compagnons pensaient qu'il fallait diversifier l'attention de l'ennemi qui déduirait qu'ils allaient faire la même chose du côté droit. Si Djelloul Ben Miloud, le chef de section, se trouvait avec le 6ème groupe qui préféra mourir les armes à la main que d'être brûlé vif. Il relança de nouveau l'assaut contre l'ennemi avec des cris : « Allah Akbar, El Houdjoum Fi Sabil Allah ». A l'assaut.
De leur abri, le reste du commando ALN voyait le mouvement des soldats ennemis qui couraient dans tous les sens. Il était clair que le 6ème groupe avait engagé la bataille avec courage, toutes les conversations des soldats français étaient audibles, les moudjahidine pouvaient même les voir sans être vus. L'un deux disait: «Mon commandant, si j'avais le mortier, oualah (je jure), ils n'iront pas loin».
Les moudjahidine comprirent alors que leurs compagnons avaient réussi à passer, seule l'aviation avait pu les poursuivre. Il était une heure de l'après-midi, il faisait très chaud, le feu avait brûlé tous les arbres.
Heureusement qu'ils étaient allongés dans des trous sous le rocher.
Ils avaient très soif et étouffaient. Si Moussa leur demanda de résister, de supporter et que bientôt ils allaient sortir pour donner une leçon à ces soldats.
Tels qu'ils étaient cachés, ils voulaient gagner du temps et tenir là jusqu'au soir, de par leur expérience, ils savaient que la nuit était toujours avantageuse car ils avaient constaté, à maintes reprises, que les soldats français refusaient le combat de nuit, parce que l'aviation ne pouvait pas intervenir par manque de visibilité.
Soudain, le moudjahid questionna son compagnon: « S'agit-il de soldats qui viennent vers nous? ».
Ce dernier lui répondit: «Oui, j'ai fait passer le message à notre chef Si Moussa, lui disant que les soldats français arrivent directement sur moi, que dois-je faire?». Comme ils étaient allongés l'un derrière l'autre, ils pouvaient transmettre sans qu'on puisse entendre leurs messages, de bouche à oreille.
La réponse lui parvint de Si Moussa qui lui dit : « Fais très attention et ne tire que si tu vois qu'il n'y a pas d'autres solutions ».
L'élément ALN comprit le message. Effectivement, seul Brakni et lui étaient en mesure de tirer car ils étaient allongés du côté gauche d'où venaient les soldats français qui se rapprochaient d'eux. Brakni dit : « Si Chérif, je te fais mes adieux, nous allons mourir, rendez-vous au paradis, Djenet El-Ferdousse ».
Il lui répondit: «Incha Allah!» Aucune peur de la mort, ils se préparaient pour faire face à l'ennemi qui avançait vers eux.
Le moudjahid Brakni allait tirer sur le premier soldat qui se trouvait à 10 mètres de lui. Brusquement, le premier chef de file se tourna à gauche, continuant sa marche, suivi par les autres soldats. C'est ainsi qu'ils passèrent devant eux, en file indienne, sans un regard dans leur direction.
C'était une section du 29ème Bataillon. Que s'était-il passé au juste? Dieu seul le sait, c'était un miracle. Dieu avait aveuglé le soldat, à moins que.... car il se pourrait aussi que, le soldat les ayant aperçus, prêts à tirer sur lui, les ait évités plutôt que d'être tué. D'ailleurs, il ne signala pas leur présence à son commandant.
Par la suite, ils comprirent que le commandement militaire français pensait qu'ils étaient tous morts après les bombardements de l'aviation et de l'artillerie, en incendiant la forêt pour les brûler vifs, c'était là, la déduction du commandant Gaudoin. Pour lui, les seuls survivants étaient ceux qui étaient sortis. Le 6èmc groupe, à leur tête Si Djelloul, alors qu'ils étaient encore plus de 60 moudjahid, à l'intérieur. Grâce à Dieu, ils avaient supporté la chaleur.
Le commandant Gaudouin, pour mieux s'assurer qu'il n'y avait plus de survivants, donna l'ordre à cette section de rentrer à l'intérieur du bois pour lui faire un rapport; la section, qui passa à côté de nous retourna au PC de commandement; le premier soldat qui allait être abattu déclara: «Mon commandant, je n'ai rien à signaler», il lui répondit: «Maintenant, allumez le feu partout en partant»; ce qui voulait dire «brûlez le douar Nouari», comme si cette lâche décision de brûler le douar leur donnait encore plus de courage, les moudjahidine décidèrent d'attaquer l'ennemi qui se trouvait à leur gauche. A leur arrivée à l'extrémité du bois, les soldats français avaient disparu, ils s'étaient sauvés, laissant derrière eux le douar en flammes. Ils trouvèrent le corps d'un moudjahid étendu par terre. En s'approchant de lui, ils s'aperçurent qu'il était en vie, il ouvrit les yeux, et les ayant reconnus, il leur dit: «Ah, c'est vous mes frères les moudjahidine, Alhamdou-lilah». C'était le chef du groupe, Si Brahim Khodja, ils le déposèrent sur un brancard qu'ils avaient fabriqué avec des branches d'arbres et de la toile de bâche qui servait à la protection de la mitrailleuse. Plus loin, ils découvrirent les corps de deux autres moudjahidine. Tous les deux étaient morts, touchés par des roquettes et achevés au couteau par les soldats français.
Les habitants du douar Nouari venaient en courant pour les saluer; ils les connaissaient très bien. Lors de leurs passages fréquents dans cette région, ils leur apportaient du pain, du lait, de l'eau et étaient heureux de les voir vivants, sans s'occuper du feu qui ravageait leurs maisons. C'était émouvant pour les moudjahidine qui se disaient entre eux :
« - Je ne pense pas qu'il existe un peuple aussi merveilleux, valeureux et courageux que le nôtre. Notre peuple a tout donné à la révolution armée, surtout les gens de la montagne, le peuple c'est nos yeux, notre guide. Il nous a hébergés et nourris, privant ses enfants pour nous. Souvent, quand on rentre dans un refuge, après une marche fatigante, sous la pluie et le froid, des habitants ôtaient des couvertures à leurs enfants pour nous couvrir; démuni mais fier, notre peuple a tout fait pour libérer son pays du joug colonial, il mérite l'admiration et la considération de certains peuples du monde », se disaient entre eux ces moudjahidine de l'armée de libération algérienne.
Pendant que le colonel Amirouche et ses hommes cheminaient vers d'autres régions, parfois rapide pour traverser les terrains découverts, parfois en sautant d'un tronc d'arbre à l'autre pour se dissimuler. Dans tous les cas, il avançait vers son but, encadré par ses hommes toujours prêts à donner leur vie pour sauver la sienne. Constamment prêt à lui servir de rempart humain, sa garde rapprochée ne le quittait pas d'une semelle. Et toujours à l'avant-garde, sautillant et gambadant comme des cerfs, ces jeunes gardes du corps n'avaient d'autres soucis que de protéger leur chef, qui était aussi pour eux une idole d'exemplarité de courage, de bravoure et de simplicité, et au-delà de tout cela, ils admiraient tous l'intelligence de ce grand frère pour lequel, rien d'autre que la libération de l'Algérie ne comptait.
Suivi de ses hommes, le colonel Amirouche allait de tout son temps, par monts et par vaux, grimpant et escaladant des escarpements que lui seul connaissait, et que parfois, au grand étonnement de ses hommes qui le voyaient inaugurer des passages qui leur semblaient nouveaux, et jamais utilisés, et qui pourtant étaient praticables. Ces moudjahidine allaient d'un endroit à l'autre suivant toujours les itinéraires que leur chef indiquait, et qui étaient tracés sur le plan qu'Amirouche gardait dans les secrets de sa tête. Véritable bête de somme, infatigable, inusable, il était constant et toujours à poursuivre les obligations du devoir patriotique qu'il s'était imposé et qu'il respectait minutieusement. Ce colonel Amirouche était réellement un bel exemple de combattant, équilibré par et pour son combat.
L'équilibre d'un être humain ne dépend-il pas en premier lieu et essentiellement de l'identification de ses origines, par la connaissance de son père et de sa mère, et juste après, par sa famille identitaire ?
L'homme se renforce positivement, et s'équilibre un peu plus lorsqu'il a une prise, un contact, avec la terre de ses ancêtres; la source est un besoin vital pour l'âme et l'esprit des êtres qui participe par aisance à servir de repère à un quelconque événement de l'histoire des sociétés. Toutes proportions gardées pour l'événement «Amirouche» qui n'est pas du tout quelconque, puisque ayant été victime, comme tout le peuple algérien, d'injustice productrice de haine et de violence, cet événement historique justifiant la règle, il sut comme beaucoup d'autres chefs FLN/ALN, développer autour de lui un discours tendant à communiquer à son entourage le virus de la haine et de la rancune qui sous-tend toute rébellion contre l'occupant colonialiste, étranger de surcroît.
Le colonel Amirouche, ce rebelle à l'autorité française, tant recherché par elle, et qui avait spécialement affecté à son élimination, tout un arsenal d'hommes formés et spécialisés pour cela, placés sous les ordres et la direction du capitaine Léger, chef du 2èrae bureau pour la Kabylie.
Ce capitaine Léger n'est pas léger du tout, il pèse lourd sur le plan anti¬guérilla, et en a lourd sur la conscience, s'il en a une, puisque s'occupant du renseignement, qu'il extorquait par la torture aux prisonniers qui lui tombaient entre les mains, il les achevait lâchement après les avoir vidés de leur substance.
Ce capitaine Léger, à la tête du 2ème bureau, était à l'affût de la moindre information sur Amirouche, pour affûter et affiner les traquenards et plans qu'il établissait pour exécution, à l'exemple du commando pivoine, qui continuait sa vaine poursuite, n'apercevant que l'ombre de leur objectif, sans pouvoir la cibler tellement elle était mobile.
Et ainsi de suite, ni le capitaine Léger, ni le 2ème bureau, ni le commando, n'avaient réussi à localiser Amirouche, puisque quand l'information leur parvenait, il n'était plus là, il était déjà ailleurs !
Amirouche, le lion de la Soummam, dans sa longue marche, ne faiblissait jamais, il donnait l'impression de quelqu'un qui, durant toute sa jeunesse, avait préparé sa vie à vivre la lutte armée, en se conditionnant et se préparant des années durant, pour vivre et conduire un tel événement.
Pour l'armée française, Amirouche demeurait insaisissable malgré la ténacité des hommes du bureau des renseignements et d'action, qui avaient tissé tout un filet sur l'intérieur de la Kabylie, et qui n'avait d'information sur lui qu'après coup, puisque en retard donc inutilisable.
Alors que dans d'autres secteurs, ils avaient réussi à éliminer des responsables FLN et ALN au plus haut niveau, les états-majors français étaient contrariés par les échecs qu'ils subissaient en Kabylie. De Krim Belkacem et Si Nasser à Amirouche, tous les plans, des guets-apens aux traquenards et embuscades, n'avaient pas réussi. L'appareil de l'ennemi, froide et sans pitié ne s'arrêtait pas là.
Et puisque toutes les tentatives d'élimination de Amirouche n'avaient pas réussi, une seule alternative restait aux stratèges de l'armée française : monter une opération de grande envergure contre Amirouche et la Wilaya 3 toute entière, d'une pierre, deux coups. Ils n'ignoraient pas que l'immense massif de l'Akfadou était le lieu préféré du colonel Amirouche qui, dans l'immensité de ces montagnes avait éparpillé les sièges de ses structures.
Il y avait là son poste de commandement, et le centre d'interrogatoire créé spécialement pour les traîtres. Il y avait aussi, éparpillés dans cette forêt, plusieurs infirmeries éloignées l'une de l'autre, et différents refuges.
Le Bureau Central de Renseignements et d'Action de l'état-major général des forces armées françaises décida d'écraser la rébellion dans cette région et de donner un grand coup de pied dans la fourmilière du colonel Amirouche. Pour cela, il fit rassembler une redoutable force de 10000 soldats, composée des unités d'élites parachutistes et légionnaires, qui s'appuieront sur la logistique de plus de 5000 soldats déjà en place, composée quant à elle, des unités du secteur et de tous les supplétifs.
Ces troupes de plus de 15000 personnes, sous les ordres des meilleurs officiers que possédait la France, une dizaine de généraux et une trentaine de colonels, allaient opérer. Ce fut l'opération «Brumaire» qui devait principalement :
- Anéantir la wilaya 3.
- Eliminer Amirouche.
- Démoraliser la population.
- Implanter des postes avancés.
- Ouvrir des chantiers de « pacification ».
- Appliquer la stratégie politico-militaire française.
Cette opération était dirigée par le Général Faure commandant la Zone opérationnelle de Tizi-Ouzou, secondé par plusieurs généraux.
Dans la nuit du 24 octobre 1958, tout ce dispositif militaire d'encerclement était disposé, comme l'exigeaient les règles du grand nettoyage militaire.
Pendant que les sections de voltigeurs se déployaient en reconnaissance, les troupes suivaient en éventail, tous, balles au canon, prêts à faire feu sans sommation sur tout ce qui bougerait.
Tout cela se passait dans un froid glacial.
Dès le lever du jour, les sentinelles d'AzrouTaghate virent au sol le fourmillement des soldats, et dans le ciel, comme un essaim d'abeilles, le déploiement des hélicoptères desquels sautaient des soldats qui prenaient en vitesse la position de tir. Les guetteurs de l'ALN et les vigiles du FLN comprirent qu'il s'agissait là, d'une opération de grande envergure, car jamais ils n'avaient vu autant de soldats à la fois! Ils donnèrent l'alerte.
Les artilleurs terminaient d'installer les canons dont ils avaient écarté les bêches, qui ressemblaient à deux jambes écartées, et le temps d'enlever les bâches de protection des culasses graissées, et les fûts des canons furent pointés vers le ciel, comme s'ils avertissaient les anges du ciel, si toutefois il y en avait, de ne pas protéger les habitants de cette terre, condamnés, sans appel, à mourir tous, hommes, femmes et enfants. Les batteries d'artillerie en position, les chefs de pièces recevaient les ordres qu'ils transmettaient aux tireurs, qui alors envoyaient les obus au loin labourer la terre. Et seul le bruit des culasses qui s'ouvraient et se refermaient, battait la cadence des obus qui, en sifflant, partaient s'éclater au loin sur les crêtes des maisons et les têtes d'innocents et pauvres montagnards, dont la seule faute était d'être là, en cette Kabylie natale, pour y mourir, victimes de l'armée française.
Oui, beaucoup d'êtres humains, jeunes et vieux, allaient mourir. Et les quelques fuyards qui se seraient planqués quelque part dans les montagnes inaccessibles, étaient alors rejoints par l'aviation qui les finissait en les bombardant de fûts de napalm. Le napalm allait pleuvoir sur eux, comme une pluie de grêle métallique, qui en touchant le sol, explosera pour arroser l'entourage, et brûler tout sur quoi elle se déverse au passage.
Le napalm, fléau du dieu du mal, allait anéantir tout ce qu'il toucherait et, à jamais, cette nature restera endommagée. Les bombardements continuaient sans cesse sur les endroits réputés être les refuges des fellaghas, ou tout simplement pour nettoyer le terrain avant la progression des troupes terrestres.
Plusieurs batteries d'artillerie tiraient à la fois, c'est comme si les canons tiraient par rafales, car les obus tombaient par grappes, explosant à répétitions successives, dont se faisaient l'écho, les cuves des hautes montagnes qui semblaient s'en plaindre en gémissant de douleur. Se peut-il que les montagnes aussi se meurent?
Les hélicoptères, tels un monstre ailé, avaient déposé sur les pitons des montagnes la troupe de chasseurs, avec des chiens entraînés à renifler les fellaghas.
De ces hauteurs, les soldats pouvaient à leur aise scruter en-dessous d'eux, et informer le poste central d'opérations, dont l'état-major, coordonnait le carnage, en dispatchant les ordres de meurtre et de destruction dans toutes les directions.
Puis la troupe, comme une faucille, redescendait vers la plaine en éliminant tout ce qui ressemblait à un fellagha, c'est-à-dire tout habitant de la région, et plus clairement tout être vivant rencontré en ces lieux.
Qui parmi les indigènes ne ressemblaient pas à un fellagha ? Qui ? Qui allait sortir d'entre les mâchoires de cet étau? Qui ? Qui pouvait leur échapper ? Qui ?
DjoudiAttoumi, officier au PC d'Amirouche rapporte ' : «L'aspirant Si SmailAzzoug, chef de la compagnie de la région IV, reçut le chef de la patrouille qui l'informa de la situation. Aussitôt, il se rendit chez le colonel Si Amirouche qui se trouvait dans son PC à proximité de ses hommes, pour bénéficier de leur protection. Le colonel rejoignit la compagnie avec son chef d'unité. Si Smail lui donna un bref aperçu de la situation et lui indiqua surtout les points de progression des soldats français. L'heure était grave. Amirouche n'était pas sans appréhension. C'était un moment important que de préparer une attaque contre l'ennemi ou de s'attendre à être attaqué. Il connaissait bien le chef de compagnie, les chefs de sections et même la plupart des hommes. Il savait qu'il avait des «lions» à ses côtés et qu'il n'avait aucune crainte. Par contre, l'ennemi appréhendait beaucoup le massif de l'Akfadou. C'était là qu'il avancerait dans l'inconnu, où, à chaque pas, les soldats risquaient de se trouver nez à nez avec les nôtres, embusqués derrière les arbres ou dans les buissons.
Ceci était aussi valable pour nous, car il nous arrivait souvent de nous retrouver «face à face» avec des soldats; c'est-à-dire que la forêt était toujours pleine de surprises, surtout de mauvaises surprises. Il était toujours difficile pour l'ennemi de fouler l'Akfadou sans subir de pertes. Habitué à la jungle et aux rizières indochinoises, il finit par adopter une stratégie d'approche.
Mais le plus dur pour les soldats, c'était de traverser une clairière ou de longer les pistes forestières qui traversent l'Akfadou de part en part. Et c'est précisément là que nos unités avaient l'habitude de les attendre. La borne 11 qui constituait le point de ralliement pour toute la troupe, était devenue un cimetière pour eux, sans parler de ThalaGuizem (la fontaine du lion), de AguelmimeAberkane (lac noir) ou alors la maison forestière à proximité d'Adekar et celle d'Imaghdacène.
C'est précisément à ces endroits que d'habitude les soldats recevaient les coups.
Pour avoir une idée nette sur la progression de l'ennemi, les vigiles étaient en permanence postés sur l'AzrouTaghat (rocher de la chèvre), c'est le point culminant de l'Akfadou, d'où l'on domine la vallée de la Soummam à l'est, la vallée du Sébaou à l'ouest et tout le piémont, à savoir: Ikhedjane, Aït Amansour et Adekar, jusqu'à la mer.
C'est dire que cette crête mérite bien son surnom de «miroir de l'Akfadou», il était impossible à l'ennemi d'engager une opération de ratissage ou de progresser sans se faire repérer à partir de ce rocher.
Au milieu de ses hommes, Amirouche sans plus tarder, élabora avec le chef de compagnie, un plan d'attaque: il était exclu d'affronter cette armada par un « contre-ratissage » ; non seulement, il s'agirait d'une attaque aléatoire, mais d'un plan fou ! Il convenait d'affronter les soldats soit à leur arrivée, pour les décourager dans leur progression, soit à la fin de l'opération au moment de monter dans les camions, pour les atteindre directement dans leur moral. Finalement, ils décidèrent tous les deux, avec l'assentiment des chefs de section, de tendre une embuscade au niveau de la borne 11, ce qui se ferait en l'espace de quelques minutes. L'installation des sections se fit sans problème, puisque tous les combattants étaient habitués à l'endroit, car ils avaient eu l'occasion, à maintes reprises, de se poster là, pour attendre l'ennemi.
L'attente fut assez longue; il y a toujours quelque part, une peur, une appréhension de l'inconnu. La partie n'était pas gagnée d'avance, mais il fallait attendre de pied ferme. Il n'était pas question de bouger et encore moins de communiquer avec le voisin.
Lorsque le jour fut complètement levé; déjà deux avions d'observation pointaient leur nez pour balayer les contours du massif. Nous comprenions toujours dans pareil cas, que les zones balayées étaient envahies par les soldats, afin de surveiller leur progression et déceler tout mouvement suspect ; c'est ce que l'on appelle dans le jargon militaire, la reconnaissance aérienne.
Amirouche se trouvait dans le groupe, légèrement en retrait par rapport aux autres. Ses compagnons n'acceptaient pas qu'il soit en première ligne, pour éviter de l'exposer inutilement aux balles ennemies. En tant que chef, il n'avait jamais montré d'appréhension, et encore moins de peur face aux soldats; nous ne pouvions du moins pas le déceler, son visage étant de glace. Il avait un grand sens de l'esprit de sacrifice. Mais ses hommes trouvaient toujours un motif pour le mettre en retrait, l'éloigner du danger. Le chef d'unité était seul capable de le convaincre de s'éloigner des premières lignes, de le mettre loin du danger. Une chose était sûre, c'est qu'Amirouche était toujours respectueux des décisions du chef de l'unité où il se trouvait ou de celles du responsable local où il était de passage.
D'ailleurs à cet effet, vers le début de décembre 1958, au moment où il se dirigeait avec ses collègues de la wilaya 4 vers OuledAksar, dans le Nord-Constantinois, ils se retrouvèrent dans un refuge à Oued Marsa, près d'Aokas. Le colonel Si M'hamedBougara posa la question à Si Amirouche pour savoir quel était le plan de repli, en cas de ratissage; Amirouche lui posera alors la question de savoir quel était son responsable? Si M'hamed lui
répondit que c'était lui, en faisant allusion à Amirouche. A ce moment- là, ce dernier lui signifia que son chef était le commandant de l'unité locale et qu'ils devaient tous se plier à ses ordres, malgré leur grade de colonel.
Dans le froid de l'Akfadou, quelques coups de feu se firent entendre çà et là ; c'était un signe que l'ennemi était là et qu'il progressait pour atteindre le cœur du massif. Il ne s'agissait point d'accrochage, mais de «détachés» surpris par l'avancée de l'ennemi. A part ces petites escarmouches, le silence de l'Akfadou était pesant et même inquiétant. Plus le silence se prolongeait, plus les appréhensions envahissaient les hommes. Dans une bataille, un accrochage ou une embuscade, l'attente était toujours pénible, au point où on était pressé d'en finir; parfois, elle engrangeait même la peur, mais jamais la panique. Toujours est-il que les premiers coups de feu constituaient une délivrance, même si l'on n'ignorait pas que la mort rôdait et qu'elle pouvait emporter son lot, d'un moment à l'autre.
Ce n'est que vers midi que les voix commençaient à se rapprocher.
Les soldats ne se faisaient pas discrets; dans leurs progressions, ils s'appelaient entre eux, probablement pour signaler leur présence ou pour évacuer leur peur. Vers 13 heures, ils se trouvèrent enfin dans l'angle de tir de nos hommes. Les soldats furent reçus par un déluge de feu. Le tireur de F.M, Salah Bouguelid avait, à lui seul, fauché un groupe de soldats. Plusieurs d'entre eux furent tués, dont le lieutenant Michel Blanc de la 9ème division d'infanterie, alors basée dans l'Ouarsenis; 7 armes furent récupérées. C'était la débandade au sein des soldats. Un poste émetteur fut récupéré et son porteur, un prisonnier civil du village de Boumellal, libéré. Le colonel Amirouche était présent dans l'action, avec un fusil mitrailleur entre les mains. Il tirait debout; les combattants étaient ravis de voir leur colonel dans l'action, mais ils avaient surtout peur pour lui. C'est pour cela qu'ils faisaient tout pour l'en éloigner. En fin de journée, ce fut le repli, avec un groupe d'officiers et une section d'escorte, vers Zekri, près de Béni Ksila.
La compagnie de région prit, le soir venu, la direction deTifra où les djounoud se mirent à capter des messages à travers le poste émetteur devenu un objet de curiosité et même d'amusement. En le manipulant, les djounoudignoraient qu'ils seraient certainement détectés et même localisés ! Cette maladresse leur coûtera très cher, dès le lendemain.
Il y a de ces batailles que l'on n'évoque qu'avec douleur; celle de Tifra a provoqué une saignée au sein de la troisième compagnie du bataillon de choc que commandait l'aspirant AhcèneIssighi dit «Ajemati». Un combat vraiment inégal qui engagea au cours de cette opération «Brumaire», des milliers de soldats, aidés par l'aviation et plusieurs batteries d'artillerie installées tout autour, face à quelques trois cents combattants de l'ALN.
Deux jours après l'embuscade de l'Akfadou, le gros de la troupe en opération convergea sur le secteur de Tifra. Cette opération de grande envergure nous poussa à envisager trois hypothèses:
Première hypothèse : Le poste émetteur
Le poste émetteur, lors de ses manipulations a été repéré au moyen de la goniométrie: ce qui laissait penser aux militaires qu'Amirouche se trouvait dans les parages, et qu'il tentait de capter des messages français.
Deuxième hypothèse : La visite de deux goumiers déguisés
Deux goumiers étaient venus la veille du poste d'Iznaguène (Semaoune) jusqu'au village Izoughlamène, déguisés en Moudjahidine. Ils avaient demandé à un villageois où étaient installés les combattants de l'ALN; innocemment, il leur donna des renseignements précis. D'autres qu'ils étaient quatre et qu'ils avaient même passé la nuit au village Flih, se faisant passer pour des moussebline en fuite. C'est ainsi qu'ils repartirent à leur poste, après avoir récolté des informations importantes, ils devaient même se douter de la présence d'Amirouche.
Troisième hypothèse : Ralliement
d'un moussebel
Un moussebel du douar se serait rallié à l'ennemi quelques jours aupa¬ravant. Il aurait communiqué des renseignements utiles à l'ennemi.
Le déroulement de l'opération: À minuit, la sentinelle de la compagnie de la région IV ou «324» selon le code français, signala l'arrivée de plusieurs camions au niveau des «trois chemins», sur la RN12 (El Kseur- Adekar -Bougie). Les feux étaient tantôt éteints, tantôt allumés.
Les responsables des deux compagnies n'étaient pas inquiets, au point où ils ne se sentaient presque pas concernés; c'était de la pure folie. Chaque unité campait sur ses positions: elles étaient distantes de 1500 mètres à vol d'oiseau. Leurs chefs étaient rassurés par leur capacité de frappe; ils avaient sous-estime les forces ennemies et surestimé les leurs. C'était là, leur principale erreur !
À 8 heures, la compagnie de région, installée à Tizi Titra, prit position sur la route, située en contrebas du village, en prévision des camions qui devaient arriver du poste d'Adekar ou d'El-Kseur. Les djounoud étaient décidés à réaliser un joli coup de main.
Vers 9 heures, coup de théâtre! Alors que les djounoud avaient leurs armes braquées vers la route, voilà qu'on leur tirait dessus par derrière. Les soldats en provenance d'Adekar, les avaient pris à revers. C'était un piège digne d'un grand stratège; heureusement que les camions n'étaient pas encore arrivés, sinon, ils seraient pris en tenailles. Ce fut la déroute.
Les éléments de la compagnie de région se retirèrent sans n'avoir subi aucune perte; ils prirent la direction de la forêt. Malheureusement, ce ne fut pas le cas pour leurs camarades de la compagnie du Bataillon stationnée à Titra.
Un déluge de feu s'abattit sur eux; devant la riposte, l'ennemi se retira pour laisser place à l'aviation et l'artillerie qui, bombardant tour à tour les deux villages, ainsi que les crêtes supposées occupées par les nôtres. Les chars firent leur apparition à l'entrée de TiziTifra. L'un d'entre eux s'était aventuré jusqu'au cimetière du village. À partir de sa position, il faucha tout un groupe de pièces de la compagnie du bataillon. Les premières victimes commençaient à tomber dans les rangs de l'ALN.
Un obus d'artillerie détruisit un autre groupe, dont Salah Khedis, le com¬missaire politique du secteur. Puis, c'est le bombardement au napalm. C'était l'enfer. Si seulement les soldats s'étaient approchés pour un combat entre fantassins! Quel que soit l'effectif ennemi, il n'y aurait rien à redire. Mais assister, impuissants, à des massacres par des bombardements, provo¬quait la haine contre cette saloperie d'artillerie qui ne cessait de déverser ses obus. Si elle s'arrêtait, c'était pour laisser la place aux avions et inverse¬ment. Ce fut le commencement de la déroute! L'enfer avait atteint son paroxysme.
A la fin de la journée, ce fut le repli dans la débâcle; nos combattants, usés et meurtris, avançaient difficilement. Ils n'avaient presque pas vu de militaires et n'avaient presque pas utilisé leurs armes; ils allaient enfin se retirer, du moins pour ceux qui étaient encore en état de marcher. Pour les rescapés de la 3*me compagnie du bataillon, c'était la retraite, à l'image de celle de Waterloo! Où était passée la fierté de nos combattants? Ils ont payé le prix d'une mauvaise stratégie de leurs commandants de compagnies, et surtout de l'absence de coordination entre eux.
Lorsqu'arriva le soir, il fallut faire le bilan; on constata qu'il était très lourd, car il y avait eu trop de morts: 86 combattants dont 45 de la compagnie de choc, tous déchiquetés ou brûlés au napalm; des dizaines d'autres ont été blessés; informé de cette hécatombe, Amirouche se rendit personnellement sur le champ de bataille, au bout du troisième jour. N'ayant pas confiance en quelqu'un d'autre pour effectuer une enquête et surtout étant donné la gravité de l'affaire, il procéda lui-même à l'interrogatoire des témoins. Pour la première fois, des djounoud avaient vu Amirouche hors de lui, accablé par la douleur devant le nombre de morts; certains diront même avoir vu ses yeux mouillés de larmes qu'il ne put retenir tellement il était enragé.
Il avait constaté que toutes ces pertes auraient pu être évitées, si le responsable de la 3ème compagnie qui, en vrai chef, avait été prudent et prévoyant pour préserver la vie de ses hommes, en faisant preuve d'un minimum de tactique. Il lui suffisait de quitter les lieux, aussitôt que l'ennemi avait été annoncé, à savoir la veille vers minuit; il avait tout son temps pour le faire et s'éloigner du village; ou alors, s'il devait engager le combat, il aurait pu préparer un plan d'attaque, en accord avec le chef de la compagnie de la région IV.
Mais le fond de la pensée de ce chef de compagnie défaillant, il le révélera plus tard; il ne voulait pas quitter le village à l'approche des soldats, pour que lui et ses hommes ne passent pas pour des peureux aux yeux de la population. Il pensait ainsi, préserver l'honneur et la dignité de l'ALN. Par cette faute, il apparut ce jour-là, aux yeux d'Amirouche et même pour tout le monde, comme un chef qui avait manqué de prévoyance. Il était déjà connu et même réputé pour son courage, mais pour diriger des combats de cette envergure et faire face à des milliers de soldats, c'était quelque chose qui le dépassait.
Amirouche chercha vainement à rencontrer l'officier défaillant qu'il s'était promis de sanctionner. D'aucuns diront alors que s'il était en face de lui, il lui aurait tiré une balle dans la tête, tellement il était hors de lui.
Finalement, Amirouche, dégoûté par ce comportement irresponsable, ne chercha même plus à le voir. Il lui communiqua son affectation par mesure disciplinaire en Région II (Bouira).
Tel étaient les combats de l'ALN contre l'une des puissances mondiales de l'époque la France coloniale. Et faute de la vaincre militairement nous l'avons vaincu politiquement, en arrachant notre indépendance.


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