J'ai appris comme tout le monde la mise sur le marché pharmaceutique, du fameux produit RHB. Il s'agirait d'un médicament pour soigner le diabète. Traitement topique, selon son inventeur, Ersatz frelaté selon le corps médical et une partie de la presse. Qui croire ? Au début de cette affaire médiatico-légale, tout le monde s'emballait pour cette panacée. Bien accueillie en premier lieu par les malades diabétiques, cette médication à prétention curative a bénéficié de la faveur des responsables du ministère de la santé. D'emblée, certains médias l'ont présentée comme la panacée universelle, en créant un élan d'espoir sans précédent, dans le milieu des malades atteints par le diabète. Et pour cause ! Cette maladie relativement gravissime est contraignante, nécessite une prise en charge et un suivi régulier, ajouté à un effort de discipline sans relâchement de la part du malade. Or, ce n'est malheureusement pas le cas trop souvent. On comprend dès lors l'effet eurêka, l'euphorie et l'accueil réservé par les malades à cette substance, aussi bien qu'à son créateur, en vertu de son copyright. Et tel un Deus ex machina qui vient dénouer une situation complexe, le découvreur fit naître l'espoir d'une guérison certaine. L'emballement est de courte durée et un revirement soudain se produisit, suivi d'une levée de boucliers et d'un véritable tollé. Une partie de la presse locale à la recherche de scoop sensationnel et d'effets spectaculaires, pour nourrir ses maigres colonnes indigentes, ou indigestes, jette l'opprobre sur ce qui a été, il y a quelques temps, la trouvaille du siècle. Elle se lance dans une violente diatribe, jusqu'aux invectives furibondes, contre l'inventeur de ce médicament, qui n'en sera plus un, dorénavant. Il y a des éléments importants qui méritent quelques observations, sur lesquelles je voudrais insister. Le corps médical habilité à se prononcer sur cette affaire n'a pas diligenté une enquête scientifique, ni apporté une évaluation critique sur le travail de ce "chercheur" et sa production. Une évaluation clinique suppose de longues observations, des essais sur l'état de réactivité des malades, auxquels ce médicament a été administré, puis l'expérimentation du produit mis en cause. L'objectif étant de tester l'innocuité du médicament et de prouver son efficacité auprès des malades informés et consentants. Ces deux facteurs nécessitent un temps suffisant, afin de livrer des résultats objectifs et les conclusions tangibles, à même de conforter l'hypothèse de départ, et les conjectures liées à cette enquête. Or de tout cela, rien n'a été fait de manière sérieuse. Pire ! Certains médecins, eux mêmes praticiens dans le secteur privé et dans des laboratoires commerciaux, crient au loup et brandissent le sceptre de fer, pour chapitrer l'auteur de cette supercherie, par laquelle, selon eux, les malheureux malades furent circonvenus ! En faisant une recherche banale, à portée de chacun de nous tous, sur ces médicastres vociférateurs, qui plus est, certains représentent la corporation, j'ai peiné à trouver dans leur pedigree, la moindre trace d'intervention, ni de publication dans une revue médicale ou scientifique. De quelle autorité relèvent-ils ? Scientifique ? Politique ? Commerciale ? Ces praticiens en question, transformés soudain en parangon des vertus et du nouvel ordre mercantile, constitués en docte aréopage détenteur de savoir, sont eux-mêmes des" commerciaux", s'activant dans leurs laboratoires privés, bénéficiant même pour certains, de subventions publiques, afin d'espérer découvrir quelques miracles, et pouvoir ainsi les exhiber sur le marché juteux de la pharmaceutique algérienne. Concernant le rapport direct des patients et du RHB, la seule preuve par eux avancée, et qui constitue irréfutablement leur défense est le cas isolé du septuagénaire, qui serait décédé à la suite du douteux produit RHB. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Quand bien même le RHB serait la principale cause du décès, l'argumentaire médical demeure peu solide voire infondé. Car à aucun moment, nous n'avons pu être informés, par un rapport détaillé, sur les propriétés pharmacodynamiques d'un tel produit, ni sur le plan expérimental des conséquences pharmacologiques d'innocuité. Et que penser des nombreux malades que nous avons vu et entendu, qui prétendent être en meilleur état de santé, après avoir consommé ce produit ? Eux qui clament urbi et orbi leur soulagement à la suite de sa prescription, par ce vrai ou faux médecin ? Déontologiquement a-t-on créé une cellule d'accueil et d'écoute pour ces malades ? Les a- t on mis sous surveillance et suivi médical ? Si c'est le cas, il faut la publication d'un bulletin de santé complet les concernant, agréé par nos médecins compétents, ceux-là qui font preuve de sérieux et qui ne confondent jamais l'utilité publique et les affaires d'argent. Que ces prétendus défenseurs de malades, au-delà de leur rhétorique démagogique et leur vocifération médiatique nous produisent les conclusions scientifiques, et nous prouvent que le RHB est impropre et dangereux. Ce vent de démagogie commerciale a ses raisons, la plus importante d'entre elles est que cette agitation fébrile, cache le principal mobile qui cadre parfaitement avec la floraison de laboratoires et aussi de cliniques privées ; parmi ces dernières, nombreuses furent sanctionnées par des tribunaux, pour des manquements, des négligences ou des fautes graves commises sur les patients, et dont l'unique souci pour elles est de faire payer les malades, des honoraires élevés, rubis sur ongle. Soyons sérieux ! S'il y a charlatanerie, naturellement qu'il faut sévir contre les auteurs et ceux qui les y ont aidé. Car cette affaire a été menée dans l'aveuglement et la précipitation la plus totale. Sans pondération. Elle sent même la rivalité, sur fond de velléités monopolistiques pour le contrôle du secteur pharmaceutique. D'autre part, le contrefort médical érigé en la circonstance, se constitue en système, sans admettre la moindre action déconstructive, la moindre fissure, la moindre critique. Loin de défendre les intérêts du malade, c'est l'enrichissement personnel qui l'intéresse et prime dans ses activités médico-commerciales. Preuve en est que bon nombre d'entre eux, peu consciencieux, ont ruiné le secteur public et les hôpitaux en faisant chanter les malades, les obligeant à rejoindre le secteur privé. S'il y a arnaque elle n'est pas univoque. Ainsi, la représentativité du corps médical par une coterie d'affairistes n'honore pas notre médecine, déjà discréditée et valétudinaire sous leurs coups de boutoir. La médecine algérienne qui a connu ses moments de gloire a été minée par ceux-là même qui crient à l'escroquerie, à l'imposture. La médecine privée aujourd'hui n'est pas au-dessus de tout soupçon. Notre système hospitalo-universitaire, sans défaillance notable, sombre dans l'obsolescence. Hormis des cas rares de praticiens et chercheurs de qualité, le reste n'est pas à l'honneur de notre régime de santé. La médecine n'est plus une vocation de métier. C'est un investissement dont le seul horizon est le pur profit. La structure hospitalière s'est transformée en industrie des maladies, industrie de la souffrance. Enfin, cette mise au point intervient pour dissiper l'ambiguïté entretenue par la doctrine pernicieuse du savant affairiste. Pour mettre fin à ces monopoles et contre cette dogmatique dommageable, il faut faire la part des choses, faire le choix du savant ou de l'affairiste. Acceptons que de nouveaux talents éclosent et se développent dans le sillage d'un système responsable et porteur. Et défaussons nous des cultures passéistes nourries et formées au sein des idéologies creuses et trompeuses. **Dernière publication : Colonialisme et résistance, anthropologie africaine et littérature afro-américaine, Paris, L'Harmattan, 2016