"The great disaster", de Patrick Hermann et mise en scène par Emmanuelle Péron, qui narre le drame de l'équipage du Titanic lors de son naufrage, le 14 avril 1912, a transporté mercredi au Festival international du théâtre de Béjaïa, son public, en le rembarquant au cœur de cette submersion historique, durant laquelle des migrants clandestins notamment avaient péri. Pièce chorale, mise en scène sous forme polyphonique, "la chronique" s'attache particulièrement à un jeune Italien, Giovanni Pastoré, recruté à la plonge et engagé clandestinement dans le navire pour n'essuyer que les petites cuillères. Ce n'est pas une mince affaire, car à chaque service, il en lave exactement 3177 unités. Seulement, aux premiers soubresauts de ce qui était supposé être un insubmersible, il se retrouve incarcéré dans la cale du bateau, avec tous ses collègues de 3eme classe, impossible de s'en extraire, à cause des amas de ferrailles qui s'accumulaient sur les issues de secours, et les eaux qui l'inondaient et qui le vouaient déjà au voyage éternel. Il en avait conscience et il était terrifié à cette seule idée de mourir dans l'eau, se rappelant que sa grand-mère avant son départ lui conseillait de ne jamais s'aventurer en mer car "elle sentait un mauvais présage". Et puis, souvenir faisant, en attendant que la faucheuse le rattrape, il "sombre" dans ses réminiscences. Il y revoit Cécilia, son amour de toujours, repense à sa vie inaccomplie, s'arrête sur l'épisode de la Nonna, noyée dans la fontaine du village le postérieur pardessus tête, évoque sa Mama radoteuse mais très affective. "Entre fantasmes et fantômes, Giovanni nous projette avec fugacité dans des espaces, des rythmes et des couleurs toujours différentes", commentera E.Perron, qui veut ne garder de la pièce que "le drame humain" de cette traversée. "J'ai voulu être fidèle au texte original de Patrick Hermann, écrit pour dénoncer les boat people en Asie dans les années 70 et qui écumait la mer de Chine". "C'est une pièce politique et un message de résistance contre l'oubli", a-t-elle confié à l'APS, évoquant le phénomène de la migration dont la résonance tragique est d'une actualité brûlante. Assurément, Giovanni n'est pas un héros. Mais, il reste une figure fantasmagorique de l'histoire des travailleurs immigrés. Superbe spectacle sur scène en tous cas, servi, malgré un décor impersonnel, par un texte poétique des plus suaves et un jeu de comédiens abouti.