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Dany Laferriere. Ecrivain « japonais » : « Ce que j'aime, c'est rencontrer des gens »
Publié dans El Watan le 13 - 11 - 2008

Né à Haïti qu'il a dû fuir à 23 ans, il dispose aujourd'hui d'une notoriété mondiale qu'il doit notamment à son rejet des ghettos littéraires.
Après le fameux coup de tête de Zidane, vous aviez passé une nuit blanche à écrire un beau texte…
J'ai entendu l'ensemble des commentateurs sportifs parler sur un ton que je n'aimais pas : « Une fin de carrière indigne d'un grand champion, etc. » J'avais l'impression que nous n'avions pas vu la même chose. Je voyais quelqu'un qui était sorti précisément du jeu pour entrer dans la lourde réalité. J'ai dit en gros que tout individu, quand il a tout donné, doit pouvoir faire quelque chose pour lui, et en ce moment-là, Zidane ne pouvait pas laisser passer cette insulte qui n'a été en fait que la goutte qui a fait déborder le vase. Un mot grec, kéros, désigne le moment où l'individu rencontre son destin. Il peut être quelque chose d'apparemment banal pour les autres, mais fondamental pour lui.
L'humour est au cœur de votre écriture, mais plus comme une philosophie profonde qu'un procédé…
Honnêtement, je ne l'utilise pas, car dans l'utilité, il y a l'idée d'instrumentation de quelque chose en dehors de soi. Je déteste l'ironie, la blague… Je ne me suis jamais cru drôle, ni utilisant l'humour. Ce sont les autres qui le disent. Je ne pense pas avoir mis sciemment un trait d'humour dans mes écrits. Mais on y trouve quelque chose de décalé, un contraste avec la réalité. Bien sûr, par exemple quand j'ai écrit Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer, les gens ont tout de suite pensé à de l'humour. D'ailleurs le vrai titre, élaboré en marchant à Montréal, c'était Comment faire l'amour avec un Nègre quand il pleut et que vous n'avez rien d'autre à faire. C'était trop long. Après, les gens sont venus me voir pour me dire qu'ils me trouvaient provocateur. Je ne suis ni cela, ni humoriste.
Je parlais de la philosophie de l'humour…
Oui, je comprends. Mes livres baignent là dedans, mais c'est plutôt une façon de survivre et pas une posture. On retrouve cela chez de nombreux peuples qui ont connu des tragédies, comme celui d'Haïti… Oui, c'est possible, mais la société haïtienne a un humour plus dense et plus noir. Vous rencontrez un type le 1er janvier 2008 et il vous dit : « Bon, tout compte fait, l'année 2007 était meilleure ». C'est donc plutôt ce genre d'humour désespéré. Je ne pense pas l'avoir, du moins aussi désespéré. C'est toujours une sortie chez moi. Quand je me sens cerné par les nuages noirs, il y a toujours une embellie qui permet de sortir.
Donc, c'est de l'optimisme…
Oui, tout à fait, un optimisme invétéré depuis le moment où j'ai compris que personne ne sortirait vivant de l'histoire ! Après, tous les espoirs sont permis… Une fois, au Salon du livre de Montréal, il y avait des stars qui signaient leurs livres avec de longues files, et il y avait, comme toujours, quelqu'un qui avait écrit un livre qui ne semblait pas très important. Pourtant, une dame en sueur est arrivée en traversant toutes les salles et a finit par lui dire : « je vous cherche depuis une heure et demie. »
Avec Je suis un écrivain japonais, vous avez affirmé votre rejet du nationalisme littéraire. Selon vous, la nationalité d'un livre est celle de son lecteur…
Pour garder mon exemple, je me dis qu'il faudrait accorder la propriété du livre à cette dame qui refuse toute la littérature classique, qui refuse les « bons livres », les livres-vedettes, pour aller chercher ce livre solitaire. Un lecteur japonais qui va acheter un de mes livresme semble plus subversif que moi en tant qu'auteur qui n'a fait qu'écrire au fil de mes inclinations. Alors que lui a dû écarter toute la littérature japonaise dont on fait la propagande autour de lui, ainsi que tous les écrivains occidentaux pour me choisir. Ce geste me semble tellement sympathique que je suis prêt à lui céder la paternité du livre. Dans ce sens, je suis un écrivain japonais publié par Takashi (rire) !
Parmi les écrivains japonais, vous avez choisi surtout Mishima qui était quand même très nationaliste…
Mishima est un oiseau étrange. Il a foncé dans le nationalisme le plus borné, mais c'est un dandy qui avait commencé dans l'occidentalisme le plus fort. Je n'ai pas vu du nationalisme dans son geste (Ndlr : Mishima s'est fait hara-kiri), mais l'obsession présente chez certains écrivains qui disent en sorte : « On ne va pas se payer seulement de mots ». Cette vieille obsession remonte aux philosophes. C'est par elle que Socrate avait accepté de boire la ciguë. Il aurait pu refuser. C'était pour dire : « ce que je disais, n'était pas des paroles en l'air ». Moi, je ne suis ni comme Socrate ni comme Mishima. Je ne boirai pas la ciguë ni ne me ferai hara-kiri. Je m'en tiens aux mots et leur danse me suffit. Il y a chez certains écrivains, un peu plus dans ceux du Tiers-Monde, l'obsession de l'action, de la politique.
Vous ne nous prenez pas au sérieux ?
Eh bien, vous allez voir, on va réagir ! Je trouve ça un peu macho car le jeu grave se trouve dans l'écriture. Il n'est pas dans le théâtre du quotidien.
La mondialisation n'influe-t-elle pas votre pensée sur le nationalisme littéraire. Si vous aviez vécu au XIXe siècle…
J'espère que j'aurais pu penser cela, mais on ne sait rien de soi... Non, autre chose m'a mis en colère : c'est comme si on avait laissé le nationalisme aux écrivains du Tiers-Monde. Même dans les maisons d'édition, on les pousse à chanter la couleur locale, l'actualité, l'exotisme, comme si c'était le seul cadre qu'on leur accordait, alors que la littérature est autre chose. Les lecteurs que nous fûmes, enfants, lisaient pour sortir de soi, de la condition, de la race, de la classe, du genre, de la maison pour aller rencontrer Dumas, Goethe, Mishima et tous les écrivains dans un espace inconnu entre rêve et réalité. L'écrivain fait de même en définissant un lieu qui n'est pas son immédiate réalité, un endroit magnifique où le lecteur et l'écrivain se rencontrent. Ni l'un ni l'autre ne savent où il se trouve. Il faudrait défendre ce territoire et ne pas se laisser avoir par les marchands comme par les politiciens. Cet endroit a été défini par les enfants qui sont les meilleurs lecteurs du monde. C'est un univers. Borges a dit : « Ce qui est bien appartient à l'usage et à la tradition ». De plus en plus, je rêve que la paternité des livres soit donnée à des gens et des lieux. Ce lieu de la littérature est celui où l'on peut se refugier de temps en temps. On a perdu beaucoup en mettant la main sur quelque chose d'aussi fragile que l'imaginaire.
Vous avez travaillé en usine. Cette expérience a-t-elle enrichi votre écriture ?
Je n'aurais jamais pu devenir écrivain si j'étais resté à Haïti. Ma mère s'occupait de moi de A à Z et, du jour au lendemain, je suis tombé dans une usine à Montréal où, si j'étais mort de froid dans la rue, personne ne s'en serait soucié. C'était la chance de ma vie de passer de l'état de prince à celui d'anonyme. Il y a eu donc toute cette chaleur que ma mère m'a donnée, mais écrire demande de la constance. L'usine m'a donné le sens de l'effort, le rythme...
La cadence…
Absolument. Un prince n'a pas besoin de travailler. Je me contentais de rêver et là, il fallait que je pose mon imaginaire et que je travaille. Sinon, j'avais écrit beaucoup de romans oraux.
Connaissiez-vous l'Algérie et sa littérature avant de venir ?
Mes premiers contacts avec l'Algérie son passés par le cinéma : Chronique des années de braise, La Bataille d'Alger. Il y a bien sûr Frantz Fanon. A Montréal, il y a de plus en plus d'Algériens. Et je connais assez bien Yasmina Khadra que j'ai rencontré en Guyane, à New York et dans d'autres endroits. Il me restait aussi des images d'Alger la Blanche et j'ai vu que c'était magnifique effectivement. Mais je suis un touriste furtif si je peux dire. Je n'aime pas regarder. Quand je suis en voyage, mon rêve est de marcher en regardant mes souliers pour que le citoyen de la ville ne sache pas que je suis de passage. Alors, je marche comme lui, sans regarder les paysages. Et comme je préfère les visages aux paysages, ce que j'aime, c'est rencontrer des gens. Je dois dire que je les rencontre dans de bonnes conditions ; les éditeurs, les écrivains et les journalistes ont cette chance-là. Et c'est pour cela que j'ai écrit. Si j'étais milliardaire et que j'étais venu à Alger avec mon argent, je n'aurais jamais rencontré tous ces gens qui me font découvrir des choses. Ce matin j'étais à La Casbah, on m'a montré un endroit où des gens se cachaient pendant la guerre. Cet accès direct aux gens et aux lieux intéressants me suffit pour écrire. Donc si jamais on me donne ça et qu'on me dit de renier mes livres, je le ferai à la seconde même. Le but pour moi n'est pas d'écrire, mais d'envoyer ces livres comme des lettres. Si vous aimez mes livres, alors j'arrive.
Repères
Né à Port-au-Prince en 1953, Dany Laferrière est élevé par sa grand-mère dès l'âge de 4 ans, sa mère craignant qu'il ne soit l'objet de représailles à cause des opinions de son père, opposant au régime dictatorial de François Duvalier dit Papa Doc. A 11 ans, il retourne chez sa mère, et après le lycée, il devient chroniqueur culturel dans un hebdomadaire et une radio. En 1976, l'assassinat de son ami, le journaliste Gasner Raymond, par les Tontons Macoutes, la milice de Papa Doc, le pousse à s'exiler. Il arrive à 23 ans à Montréal, travaille en usine jusqu'en 1985, année de sortie de son premier roman Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer qui lui assure un succès immédiat et sera adapté au cinéma. Il s'installe quelque temps à Miami mais revient en 2002 à Montréal. Editorialiste à Radio Canada. Il est l'auteur d'une quinzaine de livres, romans, récits et nouvelles. Il a réalisé un film en 2004, Comment conquérir l'Amérique en une nuit. Il a été invité à Alger par le CCF.


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