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Le bourourou de Saïd Zanoun : un vampire kabyle
Publié dans El Watan le 29 - 06 - 2013

L'édition du théâtre radiophonique de Saïd Zanoun sous le titre de Tighwist N Bourourou, suivi de Bourourou yehya-d (Le hululement de Bourourou et La résurrection de Bourourou) est sans doute un apport important à la littérature écrite amazighe. Ce théâtre date des années 1950/1960 et la publication de sa version transcrite de 2009 aux éditions du Haut commissariat à l'amazighité.
Dans la première partie, Le hululement de Bourourou, Salem décide de mettre fin à ses jours : il n'en peut plus de cette vie qui l'a doté d'un physique disgracieux.
Même sa femme, Meryem, (épousée en secondes noces après son veuvage) lui a avoué qu'elle l'a épousé pour son argent. Salem se rend au cimetière pour creuser sa tombe, car il ne veut pas être redevable de cette dernière corvée. Surpris par le gardien du cimetière, Sahari (Saâd Hari), il lui avoue son intention de mettre fin à ses jours. Sahari le dissuade de finaliser son fatal projet. Pour le convaincre, il lui fait part de ses mésaventures : c'était un grand chercheur en médecine qui a été victime d'une cabale. Il a déserté son monde et s'est réfugié dans ce cimetière comme gardien.
A deux, ils échafaudent un plan. Ils simulent un accident de la route et mettent dans la voiture de Salem un cadavre déterré qui sera carbonisé. Officiellement, Salem est mort. Le docteur Saâd Hari travaille dans un laboratoire aménagé discrètement en sous-sol dans le cimetière. Salem devient son cobaye. Il lui change son sang contre celui d'un hibou. N'était-il pas surnommé Bourourou, après tout ? Et voilà le pauvre Salem transformé en véritable Bourourou. Il lui pousse même des plumes et des griffes !
Salem consacre les premiers moments de sa nouvelle vie de monstre à la vengeance : il tue son épouse, Meryem, qui l'avait humilié, en lui arrachant le cœur ! La police se trouve devant le «mystère de la chambre close» ! La porte est verrouillée de l'intérieur et la fenêtre donne sur un vide d'une hauteur de trois étages.
Le commissaire, Amara, étant en congé, c'est l'inspecteur Bouzid qui mène l'enquête ce qui lui coûtera la vie : il meurt des mains de Bourourou qui agit sous l'influence du professeur Saâd Hari, qui lui fait arracher aussi d'autres cœurs. Le créateur de ce monstre finira par périr lui aussi, le cœur arraché par les griffes de Bourourou qui se retourne contre lui. Bourourou finit par disparaître après avoir exposé volontairement son corps au feu nourri des policiers. La police pensait s'être débarrassée du monstre qui commençait à terroriser la population.
Dans la seconde partie, Bourourou yehia-d (Bourourou réssuscite), le personnage resurgit et arrache le cœur d'un chien en se promettant de s'en prendre aux personnes qui le méprisaient pour sa laideur. Le commissaire Amara se lance alors sur les traces du monstre. La «résurrection» de Bourourou met en émoi la population et met en difficulté la police qui ne peut débarrasser la ville de la créature maléfique du docteur Saâd Hari. Bourourou finit par trouver le fils de Saḥari, le docteur Slimane, à qui il demande de réparer la «bêtise» de son père. Il veut redevenir humain. Il le presse car il sent qu'il ne peut pas se passer d'arracher les cœurs des humains.
L'entêtement du commissaire Amara retarde l'intervention pour tenter de «ré-humaniser» le monstre. Le commissaire ne veut pas prendre de risques et veut le mettre hors d'état de nuire le plus tôt possible. La population est terrorisée et les médias ne ménagent aucunement la police à laquelle ils reprochent l'absence de résultats. Comme tous les grands policiers du monde de la fiction, le commissaire Amara, enquêteur de talent, a un comportement atypique : il emprunte des mouchoirs à tous les gens qu'il croise, familiers ou non, pour soulager sa sinusite ! Au commissaire Maigret sa pipe, à lui ses mouchoirs ! Mais sa persévérance, ainsi que celle de son second, l'inspecteur Aziz, finiront par payer : la population sera délivrée du monstre et cela met fin au récit plein de suspense.
Cette création artistique tient du policier et du fantastique. En lisant le texte on peut penser à quelque histoire extraordinaire d'Edgar Poe dont l'œuvre a peut-être nourri l'esprit de Saïd Zanoun, au même titre que d'autres œuvres du même genre(1). L'auteur a fait du petit oiseau qui symbolise la peur, le hibou ou Bourourou, un monstre qui arrache le cœur de ses victimes. Ce monstre est une création d'un scientifique qui a expérimenté clandestinement ses découvertes avec un résultat terrifiant : la naissance du «vampire» kabyle ou Bourourou. La monstruosité du personnage n'empêche pas le lecteur de ressentir par moments de la pitié pour lui : n'était-il pas victime de l'immoralité d'un scientifique ?
En lisant ce texte, transcrit du théâtre radiophonique, on peut entendre des voix le dire à l'antenne. Ce qui donne sans doute une dimension esthétique différente à cette création. Et comme l'une des particularités du théâtre radiophonique consiste en la mise en imagination de la scène et des acteurs par l'auditeur, on peut ajouter une autre projection à la première pour les lecteurs aux esprits fertiles.
Cet ouvrage est un enrichissement pour la littérature écrite amazighe. En plus de l'histoire qui est bien structurée dans son genre et d'une écriture élaborée(2), on peut noter l'inscription de cette création dans une universalité qui fait tant défaut à la littérature écrite d'expression amazighe. Saïd Zanoun a su transposer dans sa création artistique sa culture imprégnée d'universalité, que ce soit au niveau de la forme, du genre ou de l'expression.
Il est dommage que ce livre ne soit pas disponible dans le commerce. Dans le cadre de la promotion du livre amazigh, le HCA met sa production à titre gracieux à la disposition des bibliothèques, des enseignants, etc. Pour toucher un public plus large, les éditions du HCA devraient réserver des quotas de leur production pour une commercialisation en librairie afin que des lecteurs potentiels qui n'ont pas accès à leur réseau de distribution, puissent découvrir et lire les ouvrages qu'ils publient.

1- Le commissaire cite des auteurs comme Edgar Poe, Mary Schelly (créateur du personnage de Frankenstein) et Bram Stocker (créateur du personnage de Dracula), p. 52.
2-Même si on peut déplorer de nombreuses coquilles et des incorrections linguistiques.
Nasserdine Aït Ouali est docteur en littérature, Université Paris 8.


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