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L'exercice de la fonction de contrôle des finances publiques en Algérie : Entre exigence démocratique et volonté politique
Publié dans El Watan le 11 - 04 - 2010

D'une manière générale, le contrôle est considéré comme un fait naturel dans une société, puisque son but premier est de réguler les comportements qui ont des effets sur autrui, et son défaut peut mener au pire.
Ainsi, on considère que tout ce que l'humanité a enduré comme guerres et malheurs à travers son histoire était dû, surtout, à l'abus de pouvoir des gouvernants, et que, finalement, le principe de la séparation des pouvoirs s'était imposé comme un mécanisme de contrôle général permettant de déterminer les prérogatives de chaque pouvoir et de coordonner son exercice au profit du bien-être de la société. Pour ce qui est du contrôle des deniers publics, c'est justement à la suite des conflits entre pouvoirs exécutifs et pouvoirs législatifs en Europe que ce contrôle commençait à s'élaborer peu à peu et à prendre forme pour devenir, avec la Révolution française, en 1789, un droit acquis aux représentants du peuple (pour débattre notamment des dépenses publiques, et ce, avant même l'apparition du budget et des comptes de l'Etat, tels que connus aujourd'hui, et leur vote par le Parlement).
Par la suite, la conception, les compétences et les pouvoirs du contrôle des finances publiques ont évolué concomitamment à l'évolution du rôle de l'Etat et son interventionnisme dans tous les domaines, nécessitant alors plus de discipline budgétaire. Dans les régimes démocratiques (caractérisés notamment par l'application effective du principe de l'alternance au pouvoir), le contrôle obéit à la règle de l'égalité de tous devant la loi.
En effet, dans ces régimes, le dirigeant, quel que soit son rang, lorsqu'il accepte de prendre une responsabilité, se soumet en même temps et de facto au principe nécessitant de rendre compte de sa gestion. D'essence éminemment démocratique et de portée politique, ce principe signifie que le dirigeant est avant tout comptable de ses actes devant les citoyens électeurs-contribuables. Et c'est l'efficacité des mécanismes de contrôle à tous les échelons de l'Etat, relayée par l'indépendance réelle de la justice, qui donne à ce principe sa portée pratique. C'est en effet la mise en œuvre effective du principe nécessitant de rendre compte dans une démocratie qui donne à voir à l'opinion publique, par exemple, des chefs d'Etat, des Premiers ministres, des ministres et autres hauts responsables « épinglés » par les institutions de contrôle et par la presse pour mauvaise gestion, ou poursuivis en justice pour dilapidation de deniers publics.
Les Algériens ont peut-être été étonnés d'apprendre, récemment, que l'ex-président de la République française, Jaques Chirac, est actuellement poursuivi en justice pour détournement de fonds publics et qu'il risque cinq ans d'emprisonnement (en réalité, les faits remontent au début des années 1980, quand Jacques Chirac était maire de Paris. Il aurait engagé une vingtaine de personnes comme chargés de mission, la plupart d'entre elles étant des membres de son ancien parti, le RPR. Pour les mêmes faits, son adjoint aux finances, l'ex-Premier ministre, Alain Juppé, a déjà été sanctionné de 14 mois de prison et d'un an d'inéligibilité). Mais pour les citoyens français, il est tout à fait normal que M. Chirac leur rende compte (à travers la justice) de l'emploi des fonds publics dont il avait la responsabilité de gestion.
Dans les Etats démocratiques, le contrôle des finances publiques est érigé en véritable système englobant une multitude de structures, de formes et de procédures qui concourent à la réalisation d'un même objectif : empêcher ou déceler les irrégularités, fraudes, gaspillage et autres anomalies entachant la gestion des fonds publics et qui aboutissent à la même finalité : informer le citoyen sur la manière dont sont utilisés ces fonds. C'est donc ce dernier qui est le « consommateur » final du contrôle. Autrement dit, le contrôle dans ces pays n'est pas une fin en soi, mais une demande, une exigence citoyenne. Dans ce sens, les gouvernants sont tenus, pour satisfaire cette exigence, par une obligation de résultats (et non pas de moyens), c'est-à-dire faire en sorte que la fonction de contrôle soit assurée effectivement et efficacement. Mais qu'en est-il de la fonction de contrôle en Algérie ?
Le passé : Son héritage...
En matière de finances publiques, l'Algérie avait hérité, après son indépendance, de l'ensemble du droit budgétaire et du système de comptabilité publique alors en vigueur en France et dans ses colonies. Moyennant quelques aménagements et adaptations, les règles de ce droit et la réglementation de cette comptabilité sont toujours appliquées pour l'établissement des budgets et l'exécution des opérations financières des organismes publics qui y sont soumis. Si on prend le cas du budget de l'Etat, les principes du droit budgétaire retiennent surtout le caractère d'autorisation du budget par le Parlement. Mais pour que cette autorisation budgétaire soit respectée par le gouvernement, il faut que la comptabilité publique rende compte de la manière dont sont exécutées les recettes et les dépenses par celui-ci.
Ainsi, devient-il possible de constater la conformité, ou la disparité, de l'exécution du budget aux autorisations budgétaires. C'est essentiellement sur cette idée d'autorisation que le droit budgétaire est fondé. Et tout le système de la comptabilité publique est conçu pour répondre à l'exigence du respect de cette autorisation, c'est-à-dire pour contrôler la conformité de l'exécution du budget aux autorisations. Par conséquent, la reddition de comptes par le gouvernement (en ce qui concerne le budget de l'Etat) et par tous les gestionnaires (ordonnateurs et comptables) des autres organismes publics concernés est la première manifestation de ce contrôle budgétaire. Mais cette reddition de comptes restera une simple formalité si elle n'est pas suivie d'une véritable appréciation de la régularité de tous les actes d'une gestion qui aboutit, en cas d'irrégularités constatées, à la détermination d'une responsabilité et donne lieu, selon le cas, à une sanction ou à une réparation.Maintenant, se pose la question : ce contrôle est-il bien assuré en Algérie ?
Ses bricolages...
Au lendemain de l'indépendance, le jeune Etat algérien commençait à s'institutionnaliser peu à peu en se donnant une Constitution, après l'élection d'une Assemblée constituante. S'agissait-il d'une véritable organisation ternaire des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) où le contrôle s'exprimait déjà par un état d'équilibre entre ces différents pouvoirs ? Difficile à dire, au vu de la très courte durée de cette expérience (entre 1963 et 1965), même si on connaît les conditions dans lesquelles s'étaient déroulées les élections de la Constituante et la mainmise du président Ben Bella pour le choix de sa composante et sur son fonctionnement (faut-il rappeler ici la démission avec fracas du premier président de cette assemblée pour protester contre cet état de fait ?) Le régime issu du coup d'Etat du 19 juin 1965 donnait l'impression d'octroyer plus d'importance au contrôle des fonds publics. Ainsi, en plus du contrôle exercé par les différents services du ministère des Finances, il y avait un foisonnement de structures de contrôle parallèles à ceux-ci, notamment celles créées par les autres ministères.
L'Assemblée populaire nationale (APN), élue pour la première fois en 1977, a été aussi investie d'une fonction de contrôle. Mais il faut préciser que, de l'aveu même de son président de l'époque, elle ne dirigeait pas son contrôle contre le gouvernement (et ne constituait donc pas un contrepouvoir pour celui-ci). En réalité, tous ces contrôles peuvent être remis en cause quant à leur efficacité pour garantir le bon emploi des fonds publics, parce qu'il y manquait l'essentiel : l'objectivité. En effet, ces contrôles étaient en fait exercés par l'administration, par elle-même et pour elle-même. Autrement dit, celle-ci était en même temps juge et partie.
Et ses dérapages...
A propos de juge justement, il fallait attendre l'année 1980 pour que la fonction de juge des comptes fut instaurée, avec la mise en place de la Cour des comptes, bien que sa création remontât à quatre ans auparavant (par la Constitution de 1976). Pourtant, on était devant un véritable paradoxe : d'un côté, l'Algérie appliquait le système de la comptabilité publique dont le jugement des comptes des comptables publics est une partie intégrante, et de l'autre, il manquait le code de cette comptabilité et la juridiction chargée de ce jugement (qui représentent, en quelque sorte, l'ossature du système). Mais il est nécessaire de faire remarquer tout de suite que l'année même (1990) où l'Algérie s'était dotée d'un code de la comptabilité publique, le gouvernement (de M. Hamrouche, qui en était l'initiateur) avait décidé de supprimer les attributions juridictionnelles de la Cour des comptes, c'est-à-dire que celle-ci n'avait plus la compétence pour juger les comptes des comptables publics (alors que cette compétence est sa raison d'être historique en tant que juridiction financière).
Un autre paradoxe : d'une part, la Cour des comptes était chargée (par la loi n° 90-32) d'« apurer » les comptes des comptables publics et d'autre part, elle ne pouvait pas statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de ces mêmes comptables en cas d'irrégularités constatées dans leurs comptes, puisque l'apurement des comptes ne peut pas se concevoir, dans le système de la comptabilité publique, sans l'existence d'une juridiction financière statuant en dernier ressort sur ladite responsabilité. Encore un paradoxe, autrement plus grave : les irrégularités budgétaires relevées par la Cour des comptes lors de l'« apurement » des comptes étaient sanctionnées par le juge pénal (articles 64, 65 et 66 de la loi n°90-32).
Or, le droit budgétaire n'a jamais retenu la responsabilité pénale des comptables publics en raison des irrégularités budgétaires qu'ils peuvent commettre dans le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses publiques, mais uniquement leur responsabilité personnelle et pécuniaire (qui s'apparente à une responsabilité civile autrement plus sévère, puisqu'elle est engagée par le simple fait de constater l'irrégularité, sans chercher une quelconque faute du comptable, et sa mise en jeu entraîne en principe la réparation totale du préjudice ; obligation est faite au comptable concerné de récupérer le montant de la recette non recouvrée à tort ou de la dépense payée irrégulièrement, ou de payer ce montant, le cas échéant, de ses propres deniers).
Pour l'anecdote, cette grave erreur juridique était, disait-on à l'époque, l'« œuvre » d'un ... haut magistrat de la Cour suprême (un paradoxe de plus), en l'occurrence M. Medjhouda, devenu secrétaire général du gouvernement de M. Hamrouche. En effet, quand il était enseignant à l'ENA (dans les années 1980), M. Medjhouda ne cessait de répéter à ses élèves de la section judiciaire que l'existence de la Cour des comptes en tant que « juridiction parallèle » représentait une grave atteinte au principe de l'unicité de juridiction en Algérie, et que cette cour était pour lui une sorte d'avatar dans le système judiciaire. Lorsque l'occasion lui a été donnée (en tant que SG du Gouvernement et responsable donc de la confection des projets de textes législatifs et réglementaires), il n'avait pas trop hésité à rétablir la « norme juridique » bafouée.
Parce que M. Medjhouda ne pouvait voir à l'époque en la Cour des comptes que la « juridiction parasite » ; il n'avait certainement jamais pris la peine de lire le chapitre sur l'exécution du budget de l'Etat dans n'importe quel ouvrage de finances publiques (du système latin bien sûr, toujours appliqué en Algérie) pour comprendre que le contrôle juridictionnel est une partie intégrante de ladite exécution, que la juridiction qui l'exerce est une institution originelle et que cela n'a donc rien à voir avec l'unicité ou la dualité de juridictions. C'est à dessein qu'on a choisi de se focaliser ici sur la Cour des comptes. Ce choix est justifié par le fait que la Cour des comptes est l'institution supérieure de contrôle des finances publiques - ISC, qui existe d'ailleurs dans pratiquement tous les Etats modernes (sous des dénominations très variées) et dont l'indépendance, sa collaboration avec le Parlement et la publication de ses rapports sont parmi les principales recommandations des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE...) en matière de transparence et de bonnes pratiques des finances publiques.
Qu'elle soit une juridiction (dans les pays qui ont adopté le système latin de responsabilité personnelle sur les actes de gestion) ou non (dans les pays appliquant le système anglo-saxon de responsabilité objective), cette institution est généralement dotée des attributions les plus étendues pour contrôler la régularité et la sincérité des comptes publics et apprécier la rationalité et la pertinence des décisions des pouvoirs publics compétents en matière d'utilisation des fonds publics (par rapport au principe de la conformité aux lois et par rapport aux normes de l'efficacité, de l'efficience et de l'économie). L'ISC est généralement mandataire du Parlement et effectue son contrôle en son nom, constituant ainsi un instrument efficace pour celui-ci dans ses missions de contrôle de l'activité gouvernementale et d'évaluation des politiques publiques.
La publication des rapports de l'ISC, dont l'objectivité est difficilement remise en cause (de par son indépendance), est une source importante d'informations de la population sur l'action gouvernementale. A l'instar de plusieurs pays en développement, l'Algérie s'est engagée, depuis quelques années déjà, dans la voie des réformes de la gestion publique à travers un ambitieux plan d'action appelé « Modernisation des systèmes budgétaires » basé essentiellement sur l'adoption (prochaine) du budget par programmes. Selon le projet, la budgétisation se fera dans un cadre pluriannuel (à moyen terme) et sera axée sur les résultats (attendus des programmes, en rapport avec les objectifs fixés et les ressources mobilisées pour leur réalisation).
En ce qui concerne la fonction de contrôle et sa place dans ce projet de réforme, ce dernier insiste notamment sur le rôle du Parlement pour la conception de la politique budgétaire de l'Etat, son contrôle et son évaluation. Dès lors, on peut se demander si l'Etat algérien, qui s'apprête à appliquer le nouveau système de gestion budgétaire, sera en mesure d'assurer une telle fonction de contrôle et d'évaluation. Autrement dit, le Parlement et l'ISC seront-ils prêts à jouer pleinement leur rôle dans ce système ? S'il est relativement aisé d'affirmer d'ores et déjà que le Parlement continuera probablement à jouer son rôle de figurant dans lequel il s'est toujours accommodé, il est en revanche nécessaire de rappeler certains faits révélateurs concernant la place et le rôle de l'ISC, c'est-à-dire la Cour des comptes, réservés depuis trois décennies déjà à cette institution de l'Etat. Ainsi, le cas de cette institution peut à lui seul résumer parfaitement la problématique de la fonction de contrôle en Algérie.
Voilà donc une institution qui devait tout d'abord exister en tant que telle (c'est-à-dire juridiction financière) depuis l'indépendance du pays parce que faisant partie intégrante du système de gestion des finances publiques (qu'on a fait le choix d'adopter tel quel) mais qui n'allait voir le jour que 18 ans après cette indépendance, ce qui dénote déjà un manque de volonté flagrant de la part des décideurs de l'époque quant à l'instauration et à la promotion d'un contrôle sérieux des deniers publics.
En effet, qu'est-ce qui avait empêché le défunt président Houari Boumediène, par exemple, de mettre en place, de son vivant, la Cour des comptes, après l'avoir lui-même créée juridiquement en 1976, « laissant » ainsi le soin à son successeur, l'ex-président Chadli Bendjedid, de le faire, ce qui a frappé l'initiative du sceau de la suspicion dont l'institution n'a jamais pu se défaire, puisque dans l'imaginaire des Algériens, la Cour des comptes a été créée spécialement pour régler leurs comptes aux hommes de Boumediène par le régime de Chadli ? Pourtant, le Dr Ahmed Taleb Ibrahimi, qui fut le premier à l'avoir présidée, affirmait à l'époque que c'était sur sa proposition - relative au comblement d'un vide qui n'avait que trop duré en matière de contrôle des finances publiques - que Chadli avait accepté de mettre en place la Cour des comptes.
Mais qu'importent les bonnes intentions des hommes, faisons parler plutôt les faits objectifs. De fait, au lieu de la consolider, lui donner la place qu'elle mérite dans l'édifice institutionnel de l'Etat et la laisser capitaliser sa petite expérience pour en faire d'elle une véritable ISC, on a vite fait de la casser, après l'avoir utilisée, malgré elle, pour exécuter le sale boulot (les fameux règlements de comptes du début des années 1980). En effet, après l'avoir marginalisée pendant quelques années, on lui a « bricolé », en 1990, un statut qui n'existe nulle part au monde, avec des compétences réduites au minimum et surtout « tordues » (on l'a chargée de l'apurement des comptes des comptables publics sans pouvoir se prononcer sur leur responsabilité personnelle et pécuniaire, comme mentionné plus haut) et extravagantes (on l'a chargée également d'« apurer » les comptes administratifs des ordonnateurs, ce qui est totalement absurde dans le cadre du système de la comptabilité publique).
Le présent et ses ratages
En 1995, et sous la pression du FMI (l'Algérie était alors sous programme d'ajustement structurel) qui exigeait de l'Etat plus de rigueur et de transparence - et donc plus de contrôle - dans la gestion des finances publiques, une ordonnance (n° 95-20) fut promulguée par l'ex-président, Liamine Zeroual, pour, disait-on, réhabiliter la Cour des comptes dans ses prérogatives juridictionnelles et administratives en matière de contrôle des fonds publics. Mais sans vouloir trop supputer ici sur les intentions réelles des dirigeants de l'époque à ce sujet, il faut seulement noter que pratiquement rien n'a été fait pour rendre effective cette réhabilitation (doter l'institution de moyens humains, financiers et matériels adéquats, notamment). Maintenant, après l'arrivée au pouvoir du président Bouteflika, la Cour des comptes vit son plus mauvais temps.
Ses magistrats (ou ce qui en reste, après les départs massifs des années 1990 et la perte de la quasi-totalité de ses compétences), ignorés, mal aimés et mal payés (leurs traitements n'ont subi aucune augmentation depuis la promulgation de leur statut particulier en 1995), vivent cette situation dans leur chair. Mais quel est donc cet Etat, supposé de droit, qui fait tout pour marginaliser une catégorie de ses commis et lui fait subir une flagrante injustice ? Cette question pousse à poser une autre plus lancinante : l'Etat en Algérie existe-t-il par ses institutions ou par ses hommes ? Car, s'agissant de la Cour des comptes, il n'est un secret pour personne de dire que son problème est avec le président de la République lui-même qui, dit-on, n'en voulait pas entendre parler, parce qu'il en a gardé de très mauvais souvenirs, estimant qu'il était lui-même victime des règlements de comptes dirigés contre lui par le régime de Chadli par l'intermédiaire de la Cour des comptes.
Mais ce que le commun des Algériens ne sait peut-être pas, c'est que la Cour des comptes était, à l'époque, placée expressément sous la haute autorité du président de la République (article 3 de la loi n° 080-05), c'est-à-dire dépendant directement de Chadli. Et alors ? Alors, comme on le sait, Chadli et ses hommes n'ont jamais été inquiétés par Bouteflika au sujet de cette « forfaiture », au contraire. Pourquoi donc vouloir s'acharner sur un mort (la Cour des comptes n'est plus maintenant que l'ombre d'elle-même), d'autant plus que ce dernier (« le mort ») ne faisait, de son vivant, qu'exécuter les ordres de sa tutelle (la présidence de la République) ? Faut-il ajouter, au demeurant, que même les magistrats chargés à l'époque d'instruire le dossier du président Bouteflika ne sont plus maintenant soit de ce monde soit à la Cour des comptes.
A travers le cas de cette institution, on peut dire que la fonction de contrôle en Algérie reste encore très problématique. En effet, plus qu'un problème d'institutions et de moyens, le contrôle est avant tout une question de mentalités, de culture et de pratique au quotidien. De fait, tant que les dirigeants, au sommet d'abord, ne se sentent pas concernés par le contrôle et ne sont pas obligés de rendre compte de quoi que ce soit et à qui que ce soit, tout le monde fera tout dans son petit coin et à sa manière pour échapper à ce contrôle. Cela nous ramène alors à ce point central : déterminer le contrôle politique comme l'élément essentiel pour arriver à la bonne gouvernance en faisant apparaître sa relation avec la culture qui en embrasse l'existence.
L'avenir et son douteux présage
A cet égard, il est utile de rappeler certains traits saillants des conclusions qui ont sanctionné les travaux du premier colloque de l'« Organisation arabe pour la lutte contre la corruption » tenu les 7 et 8 février 2007 à Beyrouth (Liban) sous le thème « Le contrôle : ses législations et ses mécanismes dans les pays arabes. » L'accent a été ainsi mis sur les facteurs essentiels qui ont participé, historiquement, à l'absence du contrôle politique au sein des régimes arabes : l'atrophie du principe de rendre compte par les gouvernants dans l'héritage historique, culturel et sociologique arabe, la notion erronée selon laquelle l'unité de la nation implique forcément l'unité du pouvoir, ce qui a remis en cause la légitimité de la séparation des pouvoirs, l'ancrage dans l'héritage arabo-musulman de l'idée d'obéissance/allégeance aux gouvernants, le non-développement de la culture constitutionnelle au profit de la domination de l'Etat et du pouvoir sur la société civile, l'absence de justice sociale, mauvaise distribution des richesses (rentes), le règne de la corruption dans la vie politique et le fait de considérer l'arrivée au pouvoir comme un butin, l'évacuation du rôle de l'éducation et de l'enseignement fondamental dans le changement des mentalités qui dominent les comportements du citoyen qui ne considère généralement pas que la corruption, le favoritisme, le népotisme et le régionalisme sont des menaces pour la société mais des phénomènes « naturels », donc spontanément tolérables, la perception qui influe négativement sur ses comportements vis-à-vis de la société et ses institutions en cherchant avant tout à privilégier son intérêt personnel au détriment de l'intérêt général ou aux dépens des droits d'autrui, ce qui participe à l'échec des mécanismes de contrôle à tous les niveaux. Et c'est l'action populaire organisée, suggérait-on, qui pourrait relever ce défi par la pression continue sur les régimes pour les amener à se soumettre au principe de la participation populaire au pouvoir.
M. M. : 2° post-graduation
Faculté des sciences économiques, commerciales et de gestion - université de Ouargla


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