Le président ivoirien Alassane Ouattara a été officiellement investi, hier à Abidjan, candidat de son parti à la présidentielle d'octobre. Il briguera ainsi un troisième mandat, jugé inconstitutionnel par ses opposants. «Je vous investis ce 22 août comme candidat du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix, ndlr) à l'élection présidentielle du 31 octobre 2020», a déclaré la première vice-présidente du parti au pouvoir, Henriette Diabaté, citée par des médias, s'adressant à A. Ouattara, devant des milliers de partisans rassemblés au stade Houphouët-Boigny. Elu en 2010 puis réélu en 2015, le chef de l'Etat a initialement annoncé en mars son intention de ne pas se représenter et de passer le relais à son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Mais celui-ci est décédé le 8 juillet d'un infarctus, contraignant A. Ouattara à revoir ses plans et à annoncer qu'il briguerait un troisième mandat. L'annonce le 6 août de sa candidature a provoqué des manifestations qui ont dégénéré en violences pendant trois jours, faisant six morts, une centaine de blessés et 1500 déplacés. En outre, 69 personnes ont été interpellées, selon un bilan officiel. Comme la précédente, la Constitution, révisée en 2016, limite à deux les mandats présidentiels. Les partisans de Ouattara affirment que cette révision a remis le compteur des mandats à zéro, mais ses adversaires jugent anticonstitutionnelle une troisième candidature. «Constitutionnellement, le président Alassane Ouattara ne peut pas avoir un troisième mandat. Il ne peut pas être candidat et il le sait», a indiqué le n°2 du principal mouvement de l'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Maurice Kakou Guikahué. «C'est une candidature dangereuse qui arrive dans un contexte volatil», a observé de son côté l'opposant et candidat à la présidentielle Pascal Affi N'Guessan, ancien Premier ministre du président Gbagbo, chassé du pouvoir en 2011 à l'issue de plusieurs mois de crise post-électorale. Le syndrome de 2010 A la tête d'une faction du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par L. Gbagbo, Affi N'Guessan a appelé A. Ouattara à «renoncer à ce troisième mandat afin de sortir dignement de l'arène politique», disant craindre dans le cas contraire «que l'avenir ne soit sombre, aussi bien pour lui que pour la Côte d'Ivoire». La crainte de violences, à l'approche du scrutin du 31 octobre, est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui a fait 3000 morts et vu Alassane Ouattara accéder au pouvoir. Le rejet par la Commission électorale des recours de l'ex-président Laurent Gbagbo et de l'ancien chef rebelle Guillaume Soro contre leur radiation des listes électorales pourrait accroître encore les tensions générées par la 3e candidature de Ouattara. Guillaume Soro, se dit candidat même s'il vit en exil après sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour «recel de détournement de deniers publics» et son entourage a annoncé sa volonté de faire appel devant les tribunaux. L'ex-chef rebelle, qui a aidé Ouattara à accéder au pouvoir, est aussi accusé de «tentative d'insurrection» dans le cadre d'une procédure toujours en cours en Côte d'Ivoire. Quant à Laurent Gbagbo, acquitté en première instance par la Cour pénale internationale (CPI), il est à Bruxelles et dit vouloir revenir au pays, ses partisans espèrent qu'il se présentera à la présidentielle. Le président Ouattara devrait s'appuyer sur son bilan économique et les «bons» chiffres de croissance. Il a promis plus de retombées de cette embellie pour les classes les plus démunies d'ici la fin de l'année. Toutefois, ses opposants évoquent un climat politique toujours très tendu, une croissance peu partagée et une corruption très présente. Son ancien allié, l'ex-chef d'Etat Henri Konan Bédié (1993-1999), candidat du PDCI, sera son principal adversaire.