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Odette Laban
« Maurice a rejoint le FLN sans l'accord du PCA »
Publié dans El Watan le 14 - 04 - 2005

Le 1er novembre 1954, nous étions à Biskra. Il faisait encore chaud et nous dormions sur la terrasse. C'est là que nous avons entendu l'explosion de la première bombe à la gare. Maurice avait contribué à la préparation du 1er Novembre.
Avec les engrais chimiques qu'on recevait pour les palmiers de la ferme, il fabriquait, à la demande de Larbi Ben Boulaïd, de la poudre, Maurice était chimiste de formation. Ben Boulaïd, qui avait une ligne de cars Arris-Biskra, venait régulièrement à la maison. Par l'intermédiaire de son avocat, maître Stibbes, Ben Boulaïd avait fait appeler Maurice auprès de lui. Maître Stibbes est allé au siège du parti à Alger pour faire part de la demande de Ben Boulaïd. Le parti avait refusé, il parlait alors de paix en Algérie. Maurice voulait prendre le maquis, il était Algérien, mais il souhaitait l'accord du parti, le Parti communiste algérien (PCA). Il était discipliné. Maurice n'approuvait pas la position d'alors du PCA. André Marty l'avait dénoncé comme déviationniste, quelle souffrance pour Maurice. Il avait reçu un blâme et était menacé d'exclusion. Il voulait, malgré tout, l'assentiment du parti pour pouvoir prendre les armes. Quelques mois plus tard, l'administration coloniale nous signifiait l'ordre d'expulsion, d'abord du département. Au moment où nous avions reçu cet ordre d'expulsion de l'administration française, Maurice était entré dans la clandestinité. Il savait qu'on l'arrêterait. Michel, notre fils, qui avait huit ans, et moi sommes venus en France. J'étais dans le désarroi total, sans soutien, sauf d'un ami, qui était bouquiniste à la rue des Saints-Pères. Il m'a beaucoup aidée, jusqu'à sa mort. Je n'avais pas un sou. Il m'a fallu chercher du travail, j'en ai trouvé un dans une entreprise anglaise à Alfortville, qui vendait des accessoires de chaudières de chauffage central. J'étais chargée de tracer, à l'aide de petites punaises en couleurs, sur une immense carte de France, les trajets des chauffeurs de camion qui transportaient ces ustensiles, et de leur trouver les plus courts chemins, moi qui n'étais jamais venue en France. Il ne fallait surtout pas parler de Maurice. Pour mes employeurs, j'étais une pauvre femme abandonnée avec un enfant. Avec l'aide de cet ami parisien, j'avais pu trouver une chambre. Le matin du 5 juin 1956, jour où Maurice a été tué, j'étais à peine arrivée au travail que le directeur m'appelait dans son bureau. Je pensais que cela avait un rapport avec le fait que les jours précédents j'avais incité les autres employés à former un syndicat. La direction le savait. Il s'était contenté de me demander si tout allait bien. Je ne comprenais pas, jusqu'au moment où j'ai eu un appel téléphonique de mon fils. Michel avait entendu la nouvelle à la radio. C'est lui qui m'avait informée de la mort de son père. Je n'avais pas eu le temps de lire le journal dans le train, en allant au travail. Mon directeur me rappelle - il avait intercepté la communication - et il me dit : « De la graine comme vous, on n'en veut pas ici. » J'étais tellement assommée que je n'avais même pas réagi pour lui dire que j'avais des droits. Michel, après m'avoir téléphoné, est allé, aussitôt, au siège du Parti communiste (PC). Je n'ai jamais été informée de la façon dont Maurice a été tué. Un mois après la mort de Maurice, le PCA se joignait au FLN dans la guerre d'indépendance.
Je suis revenue en France
Pour ma part, l'activité que j'ai eue avec le FLN, c'était en France. Michel, également, a transporté, tout jeune, des armes, des sacs. Il le savait. J'étais en relation avec Omar Ouzzegane, qui était emprisonné à Fresnes. A l'indépendance, il avait pris le ministère de l'Agriculture. Il me fit appeler. J'ai fait mes bagages, me disant que ma place était en Algérie. J'étais bien contente de retrouver mon pays. J'ai rencontré Daniel Timsit, qui était au cabinet de Ouzzegane. J'ai trouvé un appartement au Telemly, j'ai inscrit Michel au lycée à Alger. Tout était réglé pour moi. Je redevenais Algérienne. Jusqu'au moment où Ben Bella fait promulguer la constitution du nouvel Etat, inscrivant l'islam comme religion de l'Etat et du peuple algérien. J'en discute avec Ouzzegane, et je lui dis que moi je n'ai pas de religion, et que je ne peux travailler dans un ministère alors que je ne suis pas d'accord avec la ligne politique gouvernementale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, j'avais été emprisonnée, ainsi que la plupart des membres de la section communiste de Biskra. En 1962, j'ai revu plusieurs d'entre eux. Ils me disent, sauf un, que Maurice a été impatient. J'ai reçu, un jour, une lettre de l'un de ces camarades, Boukhlif, dans laquelle il me demandait si je pouvais le mettre en contact avec des architectes, dans la perspective de la construction de villages agricoles. Je prends attache avec un de mes amis, du nom de Depussé, qui avait participé à la construction de la Tour Montparnasse. On se rend en Algérie. Au terme de notre visite, l'architecte Depussé propose de recevoir quelques élèves dans son cabinet afin de les former. Le projet ne s'est pas fait. Je sens encore aujourd'hui que chez Michel, tout cela n'est pas encore cicatrisé. L'absence du parent qui disparaît dans des conditions tragiques est dure à supporter. C'est une plaie qu'il ne faut pas triturer. Il ne se passe pas un jour que je ne parle pas de son père. Pour Michel, son père est mort pour une véritable Algérie populaire. L'égalité, avant tout, c'était le combat de Maurice. Il avait mené des grèves d'ouvriers embauchés par son père dans leur propriété. Michel espérait que cette égalité se réaliserait à l'indépendance. C'est une énorme déception pour Michel, pour moi-même.
Le temps est passé là-dessus
Je suis retournée en Algérie quelquefois à titre privé, puis à l'invitation du gouvernorat d'Alger en 2000. Je suis allée en avril 2002 à Biskra avec ma petite fille, à l'invitation de l'association Les amis de Biskra pour l'inauguration de la rue Maurice Laban. A cette occasion, j'ai trouvé qu'il y a eu tout de même des avancées notables, des ponts ont été construits là où l'oued en crue emportait corps et biens, la palmeraie est bien entretenue. L'hôtel Royal était devenu le siège de la wilaya, l'hôtel du Sahara tombait en ruine. Je n'ai pas vu la pauvreté qui existait du temps de la colonisation. Les gens qui parlent de paupérisation, aujourd'hui, ne se rappellent pas de l'exploitation des enfants et des adultes. Le colon De Viel Lanoux avait 20 000 palmiers. C'est énorme ! Il avait obtenu de l'administration coloniale l'autorisation de faire travailler les enfants, il a fallu le dénoncer. Cela a été une bataille terrible. C'est Maurice qui l'a menée. Mon voyage à Biskra en avril 2002 relève d'un concours de circonstances. Un jour, Hachemi Troudi, un ancien ami de Biskra, découvre le livre de Jean-Luc Einaudi sur Maurice, il téléphone à l'éditeur. Hamid Hasni, un voisin de Biskra, très proche de nous, l'apprend - on s'était perdus de vue en 1957. Il m'écrit et a tout fait pour que j'aille à Biskra. J'ai su que le nom de Maurice a été donné à une rue de Biskra, Hamid me l'a confirmé. J'ai vu notre maison de Biskra de l'extérieur. Elle était assez détériorée. J'ai eu de la peine de la voir dans cet état. Les fenêtres de la maison donnent sur deux façades. L'une de ces façades était celle de ce que j'appelais la grande maison, où habitait une trentaine de familles. Comme il y a cinquante ans, j'ai été entourée d'un bataillon d'enfants, mais ceux-là étaient bien nourris, bien portants. Delphine avait pris une caméra, elle a tout filmé. Avant de partir, son père lui avait recommandé ce qu'il fallait filmer : la grande maison, son école, il n'allait pas à l'école européenne, mais à l'école indigène.


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