Le marché du halal est évalué à plus de cinq milliards d'euros par an. Les musulmans pratiquants consomment environ 350 millions d'euros. Abbas Bendali, directeur de Solis, cabinet d'études marketing spécialisé dans les sondages ethniques, analyse les grosses tendances de ce secteur. -Vous avez évalué la dépense des musulmans pratiquants pendant le Ramadhan à 350 millions d'euros. Comment êtes-vous arrivé à ce chiffre ? Cette évaluation repose sur des enquêtes en face-à-face que nous conduisons auprès d'échantillons représentatifs des populations concernées, notamment les Maghrébins de France.Ces déclarations sont ensuite pondérées par la taille des différents segments de consommateurs et calibrées sur des grilles de structure de la consommation des produits alimentaires. Pour finir, nous prenons également en compte, dans notre calcul, la proportion de la population pratiquante et sa présence pendant cette période en France métropolitaine. -Quels sont les produits les plus consommés et pourquoi ? Le mois de jeûne est marqué par une hausse sensible de la consommation dont le niveau varie en fonction des types de produits. Ces dépenses concernent pour l'essentiel les achats de viande qui vont peser fortement dans le budget des ménages, mais aussi les produits d'épicerie, les produits laitiers, les produits frais et les boissons. Lors de notre dernière enquête, nous avons étudié un panier de 15 produits de consommation courante.Les produits saisonniers, associés traditionnellement au Ramadhan, présentent un pic de ventes avec une forte contribution de cette période à leur chiffre d'affaires : les feuilles de brick, les dattes, le lait fermenté et les soupes traditionnelles du Maghreb, la harira et la chorba. D'autres produits vont également bénéficier d'un fort impact pendant cette période, dopés éventuellement par une météo clémente, comme les sodas, colas, boissons fruitées et les jus de fruits du rayon frais. Des produits dont la consommation est régulière tout au long de l'année vont accroître également leurs performances commerciales, il s'agit des fromages à pâtes fondues, des produits de charcuterie, des yaourts nature ou aux fruits, du couscous, des bouillons en cubes et des sauces à base de tomate. -La consommation est-elle régulière ? Cette structure de consommation varie en fonction d'un certain nombre de paramètres, l'âge et l'activité professionnelle notamment, qui vont influer sur les modes de consommation. A titre d'exemple, les plus jeunes, les 18-34 ans, achètent davantage de soupes liquides ou déshydratées de type chorba ou hrira, que leurs aînés pour lesquels ces produits sont encore élaborés majoritairement de manière domestique.De même, les céréales et les cornflakes, les barres chocolatées, les jus de fruits frais ou les yaourts, séduisent les plus jeunes, notamment comme constituants de la dernière collation avant le début du jeûne, en place de plats traditionnels. Ces nouvelles tendances de consommation conjuguent à la fois praticité pour les actifs, plaisir de consommer, respect des traditions et échanges culinaires interculturels. -Que représente le marché halal en France ? Nous estimons ce marché à 4,5 milliards d'euros pour les achats courants auxquels il faut rajouter 1 milliard d'euros pour la consommation hors domicile, notamment la restauration rapide. L'essentiel de ce marché est capté aujourd'hui par la viande brute, mais les ventes des produits élaborés à base de viande, comme la charcuterie, les plats cuisinés ou les sauces chaudes ont considérablement progressé au cours des 3 dernières années. Le marché du halal reste encore largement dominé par les boucheries musulmanes, mais les enseignes de la grande distribution s'intéressent de plus en plus à ce marché et développent des offres à destination des musulmans. -La polémique sur le halal durant la campagne électorale présidentielle a-t-elle eu un impact sur le marché du halal ? Cette polémique brutale, dans un contexte exacerbé par l'élection présidentielle, a heurté les musulmans de France. Elle a sans doute également conduit à freiner ou différer certains projets de lancement de produits sur le 2e trimestre. En revanche, à l'aube de ce mois de Ramadhan, nous constatons que l'ensemble des acteurs économiques, industriels et distributeurs sont particulièrement actifs avec des actions marketing dans les réseaux de distribution, des catalogues particulièrement fournis et des campagnes publicitaires dans les grands médias, l'affichage et la télévision notamment. -Selon votre étude, avez-vous observé un regain de religiosité ? Il est difficile de mesurer l'intensité de la pratique religieuse, qui reste par définition du domaine de l'intime. Nous pouvons l'approcher néanmoins à travers l'évolution des comportements comme la pratique du jeûne, l'observation du rite halal, le pèlerinage à destination des Lieux Saints, le développement des salles de prière ou la construction des mosquées. Sur le moyen terme passé, tous ces indicateurs sont en progression.
