Cnep-Banque: ouverture d'une nouvelle agence à Tipaza    Agression sioniste à Ghaza: le pape dénonce le déplacement forcé des Palestiniens    Athlétisme/Mondiaux-2025: l'Algérien Yasser Triki qualifié pour la finale    Basket/Coupe du monde: victoire de la sélection algérienne face au Venezuela    Enseignement supérieur: 4.112 postes budgétaire alloués au recrutement de professeurs pour l'exercice 2025    Sayoud passe en revue les orientations prioritaires avec les cadres centraux    Education: lancement de la procédure de mutation des enseignants par voie d'échange au sein de la même wilaya    Le ministre de la Santé reçoit l'ambassadeur de la République populaire de Chine en Algérie    Agression sioniste: 20 agences humanitaires internationales appellent l'ONU à intervenir pour mettre fin au génocide à Ghaza    Festival international du film d'Imedghassen: le film algérien "Nya" remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction    Séisme de 3 degrés dans la wilaya de Médéa    HCLA: réunion pour l'installation de la commission du projet de "l'Atlas linguistique algérien"    Contribuer à la réalisation des objectifs de la neutralité carbone    Le Luxembourg a l'intention de reconnaître l'Etat de Palestine    Israël utilise des armes non conventionnelles pour rendre la ville de Ghaza inhabitable    La police arrête deux femmes aux moeurs légères    Evaluer objectivement l'impact de la Foire commerciale intra-africaine (IATF-2025) sur l'économie algérienne    L'Algérie participe au 34e Salon international de l'Agro-alimentaire et des boissons    Quand le discours sur le séparatisme musulman sert à occulter la massive ghettoïsation juive    CAN de hand U19 féminin : Un niveau technique «très acceptable»    Lancement du 2e module de la formation licence CAF A, la semaine prochaine    250 mètres de câbles électriques volés dans la localité de Zouaouria    Coup de filet à Mostaganem Arrestation de 8 individus dont une femme, saisie de cocaïne et d'armes blanches    La sélection algérienne en stage en Ouzbékistan    El Bayadh Décès du Moudjahid Kherrouji Mohamed    Une « métrothèque » inaugurée à Varsovie    Malika Bendouda prend ses fonctions    Mémoire vivante du cinéma algérien    APN : M. Bouden participe en Malaisie aux travaux de l'AG de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN    Agression sioniste contre Doha: "un crime odieux que l'histoire retiendra"    Journée internationale de la démocratie: l'UIPA appelle à intensifier les efforts face aux défis entravant la pratique démocratique    Les massacres d'Ouled Yaïch à Blida, un autre témoignage de l'horreur du colonialisme    Le CSJ participe en Egypte aux activités du programme "The Nile Ship for arab youth"    Foot/Mondial (qualifs-U20): la sélection algérienne en stage à Sidi Moussa    Nouveaux ministres et innovations    Ouverture de la session parlementaire ordinaire 2025-2026    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mais vous, d'où regardez-vous ?
Elisabeth Leuvrey. Cinéaste et photographe
Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2014

Un photographe, une cinéaste, le Sahara et un film. Et quel film ! Après La Traversée, Elisabeth Leuvrey revient avec son cinéma sensitif et nous parle d'At(h)ome, dont la projection algérienne devrait bientôt arriver…
- Quelle est l'origine du film ?

Au départ du projet, il y a la démarche du photographe de Bruno Hadjih et spécifiquement son travail mené ces dernières années dans le Sahara. Depuis notre rencontre en 1994, son regard et son engagement me touchent et m'accompagnent. Il se trouve qu'en 2010, alors que s'annonçait proche le contexte commémoratif des 50 ans de la fin de la guerre de libération, avec Bruno Hadjih nous nous sommes questionnés. Comment souhaitions-nous «commémorer» cet épisode de notre histoire commune ? Issus des deux camps du conflit et enfants héritiers de l'histoire coloniale franco-algérienne, pouvions-nous commémorer «ensemble» et qu'avions-nous à commémorer ? C'est ainsi que nous est venu le désir commun d'At(h)ome. Je connaissais les images qu'avait faites Bruno Hadjih récemment sur les lieux du plus grave accident nucléaire du Sahara, survenu à la suite de l'explosion de la bombe de Béryl le 1er mai 1962. J'ai découvert par la suite ses photographies des internés des camps du Sud, rencontrés, in fine, là où l'a conduit sa quête. L'enquête m'a sidérée. J'ai trouvé passionnant son regard porté ainsi, 50 ans plus tard, sur un même territoire éprouvé par l'histoire, le temps et les époques et sa proposition de «prendre acte» d'un certains nombres de conséquences contemporaines déroutantes…

- L'Algérie est une géographie cinématographique qui vous sensibilise, déjà dans La Traversée et maintenant At(h)ome. Y a-t-il chez vous, dans vos intentions, un désir de recoller les morceaux d'un puzzle d'un pays toujours aussi complexe, d'en comprendre son sens ?

Je dirais qu'il y a un désir de mise à jour ou de mise à plat de la complexité des épisodes qui traversent l'histoire de l'Algérie. C'est dans le bain du cinéma que je «plonge» mes impressions pour qu'apparaissent l'image ou les fragments d'images d'un pays qui est le théâtre d'une histoire complexe. Au sens où, en photographie, on plonge le support «impressionné» par la lumière qui traverse le négatif, dans le bain du révélateur pour qu'apparaisse l'image. Il y a quelque chose de cet ordre-là. Mon enfance en Algérie algérienne, mon histoire familiale en Algérie coloniale, ma relation intime avec le pays m'ont fortement impressionnée et ont aussi déterminé le regard qu'aujourd'hui je porte à travers le médium que j'ai choisi et qui est le cinéma. Et puis je dirais qu'il y a aussi la volonté de refuser les discours univoques. En présentant La Traversée à Alger, il y a quelques années, un spectateur à l'issue de la projection m'a interpellée : «On sait les films qu'on est capable de produire sur la question de l'émigration, de l'exil. On sait aussi la façon dont en France ils traitent la question. Mais vous, d'où regardez-vous ?» La remarque de ce spectateur m'a énormément donné à réfléchir et, d'une certaine façon, m'a fait prendre conscience de la place que j'occupe et depuis laquelle je peux essayer de me tenir pour regarder. S'y tenir pour prendre le large des territoires et des patries pour La Traversée. S'y tenir encore pour prendre acte des histoires qui irradient un territoire au Sahara.

- La forme, cette mise en scène qui entoure votre film, s'est-elle imposée dès le début du projet ?

La question de la forme cinématographique à trouver pour At(h)ome s'est posée de manière capitale dès le départ : comment «faire» un film à partir d'un matériau principalement photographique ? Comment raconter une histoire à partir d'images fixes ? Les circonstances initiales du projet et le contexte de l'autoproduction sont deux paramètres qui ont imposé leurs contraintes tout au long de la réalisation. A chaque étape du processus, l'enjeu était de tirer parti de ces contraintes pour faire les choix formels au plus près des intentions de départ. Le film s'est construit sur deux ans, par petites étapes, au fur et à mesure de la récolte des matériaux. Au tout début, il y avait donc les photographies de Bruno Hadjih et des images DV «amateur» faites lors de ses voyages au Sahara. Ensuite, j'ai réalisé en France, avec lui, un long entretien audio autour de ses images, de sa démarche artistique et de son engagement. Devant la teneur de ce travail, il était important que le film s'élabore sur un rythme, un tempo, qui soit propice à laisser le temps au spectateur de recevoir à la fois la force des images et des sons du film. Les images du film sont à la fois des photographies argentiques à la chambre, à l'esthétique forte et des images-mouvements assez statiques pour lesquelles parfois le spectateur peut se demander s'il s'agit ou non d'un plan fixe. Le mouvement y est parfois imperceptible, d'autre fois, il aide au passage d'une séquence d'images fixes à une autre.
Cet équilibre fragile a été la difficulté majeure et le formidable exercice formel à mener pour ce projet. L'écriture sonore est élaborée sur le même rapport de forces à trouver entre l'information et la perception. En effet, beaucoup d'informations nous sont données dans At(h)ome. Certaines, inaudibles (car non dites), n'en demeurent pas moins difficilement «entendables». Il fallait installer un environnement sonore permettant à cette parole d'être entendue. Il était aussi important dans un film construit essentiellement à base d'images fixes de «tenir» l'attention du spectateur. Le travail du montage-son, fait d'incidents sonores et de «climats» qui varient, a nécessité de longs mois de recherche et de création.

- Quelle serait votre propre résonance avec l'Algérie du passé ? J'ai parfois l'impression que ce regard sur le passé n'a pas été aussi bien questionné ?

Plutôt que de parler de résonance, de ce qui résonne, j'aimerais plus spécifiquement parler ici de ce qui irradie, d'une forme d'irradiation à laquelle on se retrouve exposé, malgré soi, quand la mise en histoire, la mise en récit du passé, n'a pas pu se faire. Donner à voir l'invisible en rendant audible ce qui échappe à l'entendement, c'est tout le défi imposé en concevant At(h)ome. Plaçant toute ma confiance dans le cinéma, j'ai souhaité les photographies de Bruno Hadjih comme des espaces-temps par lesquels le spectateur pénètre un monde, suivant un itinéraire ponctué d'étapes qui le conduit de surprises en stupeurs. Le point de départ est certes historique, mais l'histoire contée nous rattrape au présent et vient nous chercher là où nous sommes - at home - pour un face-à-face avec des retombées sans frontière. Le projet At(h)ome s'inscrit dans cette démarche et tente d'aller plus loin d'une certaine façon en proposant une unité de lieu pour parler tant de l'histoire coloniale que de ses retombées et «prendre acte» de surcroît d'un épisode de l'histoire contemporaine algérienne. De l'essai à l'accident, des retombées environnementales au «recyclage» des lieux du passé, l'unité de lieu produit un véritable télescopage de l'histoire qui engendre un trouble chez le spectateur, plus habitué il est vrai au «confort» des regards univoques portés sur l'histoire. Ce trouble est aussi un risque à ne pas négliger de prendre quand il s'agit de donner, à ceux à qui ont la refuse, la parole. Se placer à hauteur d'homme, c'est bien souvent accepter le face-à-face, c'est se poser la question de la dignité humaine.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.