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Une saison inédite
PARUTION. LE DERNIER BOUDJEDRA
Publié dans El Watan le 12 - 04 - 2014

Sorti il y a trois jours à Paris, un roman original et fort...
Le nouveau roman de Rachid Boudjedra, intitulé Printemps, est vraiment un événement littéraire car il étonne par sa poétique et reste fidèle à cette écriture exigeante qui caractérise l'auteur, sans oublier les nombreux textes que l'auteur a dépoussiérés pour rafraîchir les mémoires. Cet important intertexte puisé dans le patrimoine universel, et particulièrement en relation avec l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane, vient fertiliser le roman pour l'inscrire dans la modernité tout en lui donnant une continuité historique féconde. Ainsi, Rachid Boudjedra devient une sorte de conservateur de bibliothèque qui, de roman en roman, fait découvrir à ses lecteurs des trésors insoupçonnés.
Dans Printemps, sorti il y a trois jours à Paris*, le personnage principal est une jeune femme de trente ans. Elle répond au doux nom de Teldj, c'est-à-dire «neige» en arabe. Comme à son habitude, l'auteur travaille sur la symbolique des noms avec des recours heureux à l'onomastique, comme si le nom du personnage peut donner rapidement des indications sur son devenir narratif.
Par conséquent, la couleur blanche qui caractérise le nom de Teldj devient dans ce roman le symbole de la pureté et de la lumière qui peut guider vers des lendemains enchanteurs. Rapidement, la mécanique de l'intrigue se met en place et le lecteur découvre que Teldj est professeure de langue et de civilisation arabes. Devenant une sorte d'Ibn Batouta au féminin, son métier lui permet de beaucoup voyager et de multiplier les conquêtes féminines. Le viol commis sur elle par un vieux satyre dans le fournil d'une boulangerie quand elle avait sept ans a été déterminant dans son orientation sexuelle. Sa compétence et son érudition lui font décrocher un poste d'enseignante à Shanghaï. La découverte de l'Empire du Milieu fait accroître en elle le désir de tout connaître de cette grande civilisation. Dans son appartement à Alger, dont le propriétaire loue une partie de l'immeuble à une myriade d'étrangers venus faire fortune en Algérie, elle n'arrête pas de ruminer ses souvenirs érotiques. L'héroïne qui habitait son imaginaire amoureux était son étudiante chinoise May. Ses orgasmes galactiques ravivent des cauchemars qui ont un lien avec la guerre de libération et les deux séismes qui ont secoué la ville de Chlef. Mais l'événement le plus lancinant reste la décapitation de sa mère, Selma, par un de ses collègues dans la clinique Debussy au centre de la capitale, où elle exerçait comme sage-femme durant les années noires du terrorisme.
Cet arrière-plan de l'histoire familiale qui se confond avec l'histoire du pays est un des thèmes récurrents chez Boudjedra, mais à chaque fois retravaillé à l'aune des développements et des mutations que connaît la société algérienne et les événements internationaux. Tous les protagonistes du roman deviennent comme des réceptacles qui revendiquent les péripéties d'un pays qui n'a jamais été épargné ni par la providence ni par ses responsables. Printemps semble vouloir s'inscrire dans la continuité de La répudiation et Le désordre des choses, deux romans fondateurs dans l'œuvre de Boudjedra. Les interactions entre le passé et le présent amènent Teldj à se poser des questions sur le devenir politique de l'Algérie et sur certains ratages historiques qu'elle veut mettre en avant quand les manifestations commencent en décembre 2010 en Tunisie puis en janvier 2011 en Egypte. C'est par hasard que Teldj, qui n'a pas la télévision, découvre dans la presse l'information suivante : «Emeutes sanglantes à Sidi Bouzid en Tunisie, après le suicide par le feu d'un marchand de légumes ambulant».
Connaissant l'histoire de l'Afrique du Nord depuis ses débuts, elle tempère les ardeurs de ses interlocuteurs sur l'issue de ces révoltes qui naissent sans maturation politique ou assise idéologique. L'auteur écrit à cet effet : «Teldj avait passé plusieurs nuits à discuter politique dans un restaurant du centre-ville où elle avait ses habitudes et ses amis. L'un d'entre eux disant : ‘‘Et cette presse occidentale qui parle de printemps arabe alors qu'on est en plein mois de janvier''… C'est quoi ça ? C'est cette sémantique démentielle et perverse ? C'est quoi aussi cette symbolique printanière alors que le monde patauge dans la gadoue, le plasma et le sang… Et puis les journalistes qu'ils envoient là-bas… ils feraient mieux d'apprendre l'arabe d'abord !». L'enthousiasme de certains ne prend pas le dessus sur la lucidité de Teldj, ce qui correspond d'ailleurs parfaitement aux positions publiques de l'écrivain sur ce sujet. Avec pédagogie, la «créature» de Boudjedra rétablit la vérité des faits et fustige dans ses propos la méconnaissance de l'histoire chez beaucoup de ses contemporains. Elle pointe du doigt l'emballement médiatique et les maladresses sémantiques inventées par la presse étrangère pour frapper les esprits. Elle met aussi en garde contre l'impensé théorique qui se nourrit de l'accumulation des frustrations, lesquelles conduisent souvent à l'émeute et aux différents saccages improductifs. Teldj convoque sans attendre ce qui s'est passé en Algérie, en octobre 1988, pour dire combien il était prématuré de considérer cette révolte des jeunes des pays arabes comme porteuse de lendemains enchanteurs.
Pour étayer sa démonstration, elle fait surgir au milieu de son argumentation une multitude de dépêches qui rappellent l'horreur des années noires et le sort que réservent les islamistes aux acquis démocratiques. Ces petits flash-back sont des aide-mémoire qui donnent à l'histoire son rôle de phare pour éclairer le présent et baliser la projection dans l'avenir. Les propos de Teldj regardent le monde avec un œil neuf, expurgé des clichés et des idées reçues que les grandes puissances resservent à toutes les sauces. Et, c'est dans cet ordre d'idées qu'elle rencontre sur la terrasse de son immeuble son alter-ego, l'Espagnole Nieve, dont le père, fuyant le régime franquiste, fut à une époque réfugié politique en Algérie. Une passion amoureuse naîtra de ce voisinage heureux entre les deux jeunes femmes. Teldj décide de raconter à son amie l'Algérie et les événements internationaux à l'aune de son expérience et de celle de son père Salim, vieux militant marxiste, victime de tortures avec ses camarades en octobre 88. Nieve écoute religieusement son amante lui dérouler deux siècles d'histoire, enjambant l'époque coloniale et la période de l'indépendance. Le père de Nieve ne lui avait jamais raconté son expérience algérienne et ce retour à Alger pour travailler dans la maintenance du métro de la capitale ressemble à un désir de recoller les morceaux de son histoire familiale et à combler des cases laissées béantes par le temps et l'oubli. Teldj découvre que le frère jumeau de Nieve, Pablo, voue sa vie à restaurer et à conserver les manuscrits en arabe de Tombouctou. C'est l'occasion pour Teldj d'évoquer l'âge d'or de la civilisation musulmane jusqu'à l'époque des révoltes de la rue arabe. Teldj allèche par sa passion Nieve qui a envie de se plonger dans ce patrimoine, surtout ce traité de Maïmonide dont l'auteur parle tout le temps, à savoir «Le guide des égarés».
Rachid Boudjedra offre aux lecteurs une lecture de l'histoire universelle contemporaine très originale. Printemps est un ouvrage qui combine l'essai et le récit pour l'inscrire dans la grande tradition des romans allemands du début du XXe siècle. 
*Rachid Boudjedra, «Printemps», Ed. Grasset, Paris, avril 2014.


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