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Improbable ménagerie
«Comme une carpe» de Randa El Kolli
Publié dans El Watan le 10 - 05 - 2014

Fraîcheur et originalité de pièces qui se lisent comme un roman...
Aquoi reconnaît-on d'abord un dramaturge ? Sans doute au fait que, d'une pièce à l'autre, on retrouve un univers, en dépit des variations de situations et de personnages. Bien sûr, ce n'est pas le seul critère mais il est essentiel à la dimension théâtrale d'une écriture.
Randa El Kolli, la trentaine tout juste passée et trois pièces écrites (ou plutôt publiées) à son actif, montre déjà que son travail a pris la consistance d'un véritable univers. Son recueil de pièces, Comme une carpe* le laisse aisément penser, au point que les trois textes qu'il contient sont qualifiés de «trilogie», bien qu'il faudrait attendre le quatrième pour savoir s'il ne s'agit pas d'une quadrilogie ou, plus simplement, de la manière dont l'auteure voit le monde et le réinterprète pour le jeu théâtral.
La première de ces pièces, D'où vient le cygne ? réunit trois femmes qui n'ont rien à voir avec l'exubérance des Trois Grâces. Leur monde est celui du désenchantement, de l'inquiétude dans une atmosphère oppressante où elles confient leurs vies et leurs rêves. Anonymes, elles doivent se contenter d'un numéro pour les distinguer, de Femme 1 à Femme 3, comme sur les pages d'un livret de famille où sont prévues les pages Première épouse, Deuxième, etc. Du ciel tombent des cygnes qui vont lier leurs récits à l'urgence du présent. «Sobhan Allah, dit l'une d'elles. Je te dis que je les ai vus, des millions de cygnes, ils tombaient tous du ciel. J'ai eu peur, tellement peur… c'était… c'était… L'apocalypse…».
La description de ce phénomène étrange est paradoxalement si réaliste qu'on peut s'amuser à penser que la dramaturge en a puisé la consistance d'une réelle chute de neige à Sétif où elle est née et vit. Les trois femmes, éplorées, vont s'attacher à recouvrir de linceuls noirs (faute de blancs) les cygnes défunts, espérant leur éveil. Cygnes, signes ? «Le cygne, c'est la gaité qu'on a assassinée», dit l'une d'elles.
La deuxième pièce, Pour que le chat miaule !, nous entraîne dans un imbroglio entre des personnages aussi anonymes : Homme, Femme, Garçon, Fille. Ils discutent, se disputent, s'imputent des choses, allant du vaste monde au quotidien, du savoir à leur vécu, se balançant des citations autour du mot «équilibre», parlant de ses significations, de ses usages, de ses applications.
Cette recherche déséquilibrée de l'équilibre, tantôt intellectuelle, tantôt prosaïque, va se voir greffée d'une obsession pour un quatrième personnage-objet : un chat qui «refuse» de miauler. Ils attendent désespérément qu'il exerce enfin ses prérogatives vocales. Cet animal va devenir leur centre d'intérêt mais aussi le dépositaire de leurs drames individuels et collectifs. Le miaulement noué s'avère insupportable, suggérant le poids du non-dit qui mine notre société et l'incapacité d'énoncer clairement les faits et les idées.
Le cri de la girafe, troisième pièce, est inspiré de La perspective Nevski de Gogol. Il en reprend le stratagème narratif à travers une rue, quelque part en Algérie, où comme dans le modèle, se croisent et se recroisent des figurants puisque la distribution ne retient que trois personnages : Femme, Jeune homme et Jeune femme. La Femme va écorcher l'anonymat jusque-là observé puisqu'elle va se nommer, mais en se désignant, tour à tour, comme Mehdia, puis Malika, puis Samah… Elle relate ces personnages, se posant comme une sorte de coryphée, ce personnage du théâtre grec antique qui annonce, décrit, commente… Dans ce texte, le contexte algérien est plus apparent que dans les deux autres, bien que dans ceux-ci il affleure constamment.
Ce contexte est celui des années noires qui marque tout le recueil, de manière symbolique ou directe. Rien d'étonnant puisque son auteure avait environ 10 ans quand ce qu'on nomme la «tragédie» nationale avait commencée. Randa El Kolli vient nous confirmer dans notre conviction que les auteurs de sa génération exprimeront avec plus de force que leurs aînés cette sombre période, pour l'avoir vécue à des âges où les événements s'inscrivent dans la profondeur des êtres. L'autre pôle d'inspiration de cette jeune et talentueuse dramaturge est, sans conteste, la situation de la femme dans l'ensemble de ses dimensions… Rien d'étonnant non plus puisque l'auteure la vit en tant que personne. Elle puise donc bien dans son vécu le fond de son inspiration. Mais elle a compris qu'une œuvre se construit surtout avec de l'imaginaire, lequel transmute la réalité en significations non immédiates mais dotées de valeurs éthiques et esthétiques durables. Sinon, la littérature et la dramaturgie se résumeraient à du journalisme amélioré !
Son écriture s'appuie sur une fraîcheur qui sait donner aux drames un humour de sens. Les jeux de mots, l'alternance entre langages intellectuels et expressions populaires, le rythme, la surprise, les réparties, etc. annoncent un potentiel dramaturgique prometteur et une originalité qui manque souvent à notre théâtre. Enfin, comment ne pas voir un signe dans ce recours détaché, mais central, au règne animal ? Le recueil réfère à une carpe, la première pièce aux cygnes, la deuxième à un chat et la troisième à une girafe. Dans cette ménagerie improbable, Randa El Kolli suggère une zoologie bien humaine. De quoi lui donner des ailes pour aller encore de l'avant.
* «Comme une carpe» de Randa El-Kolli. Théâtre, 136 pages. Collection Masrah. Ed. Apic. Alger.


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