L'agitation politique des partis de l'opposition à coup de conclaves, de déclarations et autres initiatives politiques, est inversement proportionnelle au calme dont fait preuve le pouvoir. Celui-ci ne se sent même pas obligé de répondre à ces appels de «détresse» lancés par l'opposition ou alors de décliner une feuille de route, si tant qu'il en ait une. De fait, le pouvoir ne donne pas l'impression d'être bousculé.En témoigne la permanence de sa capacité d'oppression et de répression face à des partis qui encaissent naïvement sans le pousser à sortir du confort que lui offre la rente de situation. «Avec ces initiatives émanant de l'opposition, le pouvoir trouve son compte. Ne s'est-il d'ailleurs pas offert six mois de sursis avec l'initiative du FFS !» glisse l'ancien ministre et ambassadeur Abdelaziz Rahabi, en connaisseur du sérail. Il est donc plus juste de dire que les offres de service de l'opposition constituent du pain béni pour le pouvoir en termes de gain du temps. Des pis-aller. Le pouvoir politique ne fait pas cas, d'après lui, des initiateurs de ces propositions de sortie de crise pour la simple raison qu'il refuse d'admettre qu'il y a crise. La charge de Amar Saadani contre le FFS et sa conférence du consensus, après l'avoir couvert d'éloges une semaine auparavant, souligne assez bien cette attitude à la limite du mépris. C'est que le pouvoir agit comme une machine à broyer les adversaires en leur faisant croire qu'il les écoute et les respecte selon la vieille recette qui consiste à séduire puis abandonner. «Il gère au jour le jour, à son gré, en tenant compte plus des fluctuations des cours du pétrole que des mutations de sa propre société», estime M. Rahabi. Des initiatives en pis-aller La multiplication des foyers de tension sociaux n'est pas non plus un motif d'inquiétude pour le régime, qui «laisse passer la vague parce qu'il dispose d'une couverture financière pour deux à trois années», pense M. Rahabi. Face à une opposition qui capte des signaux rouges de la société, le pouvoir, lui, ne panique point et «gère» la situation par des «promesses de l'emploi et du logement». A-t-il finalement un projet de réformes, une feuille de route de nature à mettre un peu de mouvement dans le statu quo ambiant ? «Le pouvoir, ou plus exactement le président de la République, n'a aucun agenda politique mis à part le fameux chantier de la révision de la Constitution ouvert en 2011 et pour lequel il a organisé des consultations sans pour autant le mener au bout», commente Abdelaziz Rahabi. «Je pense qu'il n'a pas d'agenda de réformes politiques et économiques sérieuses et consensuelles», ajoute-t-il. Pour l'ancien ministre, «il y a clairement une crise de l'institution du pouvoir, voire une vacance du pouvoir en Algérie». Qu'est-ce qui lui permet alors d'afficher un tel détachement à l'égard de la situation ? «Vous savez, il pratique ce que les diplomates appellent ‘l'effet balancier' en s'ouvrant à l'extérieur et en fermant à l'intérieur ; c'est-à-dire accepter par exemple de jouer le gendarme au Sahel dans la lutte antiterroriste et maintenir le statu quo dans le pays», explique l'ancien ambassadeur. L'effet balancier Le chassé-croisé des responsables étrangers à Alger n'est pas signe, aux yeux de M. Rahabi, d'un surcroît de poids diplomatique de l'Algérie. «L'Algérie apparaît comme un parfait client pour les Occidentaux, qui ne se gênent pas à ériger l'immobilisme algérien en stabilité, dès lors que les responsables n'incommodent pas leurs partenaires par les questions qui fâchent, comme la colonisation israélienne et la question sahraouie.» Vu sous cet angle, M. Rahabi n'hésite pas à comparer le régime de Bouteflika à celui de Moubarak, plus soucieux de plaire à l'Occident que de se faire l'écho des préoccupations de son peuple. L'ancien ambassadeur se montre plus sévère à l'égard du président Bouteflika, qualifiant son agenda international de «celui d'un simple fonctionnaire, qui plus est à caractère commercial». Au plan interne, le pouvoir – qui s'exprime via ses relais politiques que sont ses deux béquilles politiques, le FLN et le RND – reste maître du jeu. Face une opposition brouillonne et manquant de punch, il réussit à garder le cap de son immobilisme en accusant ses contempteurs de vouloir opérer un putsch. Le fait est qu'il a su, grâce à une formidable propagande médiatique, maquiller sa faillite managériale en l'imputant à la déprime pétrolière ! C'est dire que les «sept vies» du régime Bouteflika s'expliquent moins par le génie de ses serviteurs que par la naïveté et l'angélisme politique dont fait preuve une opposition happée par la mécanique qui lui est imposée.