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Pourquoi filme-t-on ?
Cinéma . exploration et introspection
Publié dans El Watan le 13 - 06 - 2015

Lors des festivals de cinéma comme celui de Cannes qui s'est terminé le mois dernier, les cinéastes n'échappent généralement pas à cette question à la fois banale et insolite : «Pourquoi filmez-vous ?».
A l'évidence, le journaliste est à l'affût de confidences croustillantes qui pourraient lever le voile sur quelques secrets que l'on n'arrive pas à éventer dans la vie ou l'œuvre du cinéaste en question. Sauf que les réponses des cinéastes peuvent ajouter une nouvelle couche pour mieux cacher d'autres secrets.
Les parades sont diverses. Nous avons ainsi les dandys qui font leur coquette en répondant : «Je ne sais rien faire d'autre». D'autres, talentueux et un brin provocateurs comme Jean-Luc Godard, préfèrent dire :
«Je fais du cinéma pour séduire les femmes». La provocation est une forme de lutte contre l'hypocrisie. Comment ne pas donner du crédit à Godard quand on sait que tout le monde court derrière la notoriété qui engendre du pouvoir, lequel ouvre, entre autres, les portes de la séduction. La question n'est pas «pourquoi filmez-vous ?» mais «quel cinéma faites-vous ?» Après tout, choisir de devenir cinéaste obéit aux mêmes ressorts que d'autres professions.
Par goût et amour du métier, par culture et compétence, parfois par un heureux hasard, au détour de rencontres. Il est donc plus intéressant d'interroger les facteurs que je viens de citer qui vont déteindre sur la nature du cinéma que l'on fait. Le fatras de la morale et du dandysme n'ont jamais été des socles pour l'art. Seules l'honnêteté intellectuelle et la recherche du beau et de la vérité sont les carburants de la création.
Je vais tenter, sans tomber dans le narcissisme, de décrire mon cheminement et les rencontres qui ont été des passerelles entre le métier de prof que j'ai exercé et le cinéma. Je peux dire, sans faire preuve à mon tour de coquetterie, que c'est le cinéma qui est venu à moi.
Je suis entré par effraction dans le petit monde d'un certain cinéma sans avoir à l'esprit l'ambition d'y faire comme on dit «carrière». Je me suis nourri des mythes des héros de ce7e art et cela me suffisait. Je reviendrai plus loin sur ces mythes.
Ce sont tous les chemins de traverse, de l'enfance jusqu'à l'engagement politique au sens noble du terme, qui donnent une idée du cinéma que l'on fait. En farfouillant dans un coin de ma tête où se lovent les souvenirs de mon enfance, je m'aperçois que j'étais pauvre mais un «privilégié» dans cette Algérie colonisée, où le prix d'un ticket de cinéma n'était pas à la portée des bourses des autochtones. Moi si, car mon oncle était projectionniste et l'entrée était gratis pour moi.
Un second facteur m'a fait tomber dans le «piège» de cet art : la fréquentation du ciné-club de la cité universitaire à Paris. Ce ciné-club fonctionnait non-stop le week-end et des films de tous genres étaient discutés en présence de sommités du cinéma, Duché, futur-ex directeur de la FEMIS de Paris (grande école de cinéma) et les cinéastes de la Nouvelle Vague avec J. L. Godard, la vedette de cette «corporation»…
La fréquentation de ce milieu et mes connaissances du cinéma algérien m'ont mis le pied à l'étrier : articles dans les Cahiers du Cinéma sur les films de mon pays, figuration modeste dans un film sur l'Algérie... Entre-temps, mes voyages dans les camps de réfugiés palestiniens et la rencontre avec Ezzedine Kalak, le représentant de l'OLP à Paris (Ndlr : assassiné en 1978), m'ont «guidé» vers la réalisation collective d'un film pour lever l'embargo médiatique sur la lutte du peuple palestinien.
Commence alors l'aventure du cinéma militant avec L'Olivier, premier film documentaire en France. Ce cinéma militant se voulait une parole politique et artistique en solidarité avec ceux qui étaient interdits de parole. Un cinéma d'artisans, loin «d'un art par ailleurs une industrie», selon la fameuse phrase d'André Malraux.
Il y a belle lurette hélas que l'aspect artistique d'un film est devenu un facteur parmi les autres dans cette interminable chaîne de production qui va de l'écriture du scénario jusqu'à la vente des pop-corn dans les salles de cinéma. Les films qui échappent au rouleau compresseur de cette chaîne-là le doivent à des cinéastes de talent qui ont la chance de rencontrer des producteurs qui prennent des risques.
De cette collaboration sortent de grands films qui s'imposent dans un marché dont la raison de vivre est la rentabilité. Il ne faut pas être naïf, les grands films viennent majoritairement de pays où le cinéma est une industrie et les films sont rentabilisés selon la sacro-sainte loi du marché. Les Glauber Rocha et autres Youcef Chahine ne sont pas légion dans les pays pauvres et, qui plus est, soumis à la censure et à la morale bigote.
Je filme donc parce que nourri et fasciné par cet art moderne. Je filme parce que j'ai sauté sur l'occasion de faire connaître le sort et l'injustice que subit le peuple palestinien.
Et cette solidarité me paraissait couler de source, car je viens d'un pays qui jusqu'en 1962 n'avait pas de carte d'identité. Il a été libéré à la suite d'une guerre qui a été efficacement secondée par un travail artistique (littérature, peinture, cinéma).
Des militants artistes comme René Vautier, Jean Sénac ou Kateb Yacine étaient pour moi des points de repères. Il m'était donc «naturel» de considérer le cinéma comme un vecteur pour porter la parole des peuples comme les Palestiniens (ou les Namibiens en 1988) qui n'avaient pas de carte d'identité.
Le passage à l'acte a été provoqué par la petite musique du cinéma qui sommeillait en moi.
Et cette musique n'était autre que ces images qui avaient peuplé et enrichi mon imaginaire qui se nourrissait du réel restitué dans l'obscurité de la salle de cinéma, réel qui paraissait à l'enfant que j'étais plus vrai que nature. Comme par exemple les images du Napoléon d'Abel Gance avec ces immenses armées, ces chevaux, ces costumes, ces fumées, ces bruits et ces fureurs de la guerre. Enfant, je ne connaissais pas l'existence du Napoléon de Guerre et Paix.
De toute façon, je ne maîtrisais les subtilités d'aucune langue pour pénétrer et apprécier le roman de Tolstoï. En revanche, le cinéma me parlait. Il résolvait à ma place un tas de questions que je ne pouvais pas saisir avec précision. L'insolente beauté par exemple de Sylvana Mangano dans Riz amer ! Dans un roman, j'aurais pu lire la phrase suivante : «la jeune fille qui travaille dans une rizière est belle et danse bien». Mais cette phrase n'aurait pas remué mes entrailles.
En revanche, la séquence du film où Silvana Mangano «offre» au spectateur son corps moulé dans un short et dansant d'une manière à couper le souffle à Vittorio Gassman qui la dévore des yeux, ce spectacle-là, aujourd'hui encore me bouleverse. Tout ça pour dire que les mots sont un héritage des langues elles-mêmes façonnées par l'histoire des peuples. Les mots sont des abstractions qui sont des trésors inestimables pour cultiver tous les champs de la science.
En dépit de l'amour pour les mots, j'ai préféré voyager à travers le cinéma où l'étrangeté des ailleurs et des cultures qu'il met en scène me réjouissent et me font toucher du doigt des horizons jusqu'ici insoupçonnés.
De toute manière, je me rassurais en me disant que le cinéma avait, entre autres, le privilège de faire appel aux mots qui, utilisés d'une autre manière qu'en littérature, pimentent les films. Mais la raison qui me pousse à vouloir filmer, c'est le plaisir que je ressens en transformant une suite de mots qui noircissent les feuilles d'un scénario en des personnages bien vivants sur un écran.
Envelopper des idées et des mots avec la chair de personnages, dans des lieux et des décors qui, par des sortes de passe-passe font voyager notre esprit dans le temps, ce voyage-là est à la fois une «nourriture terrestre» et une ivresse pour l'esprit.
Une dernière chose : un film est rarement une aventure solitaire. Comme il est le fruit d'un travail collectif, sa fabrication engendre un rapport à l'autre, aux autres.
Ce sont ces échanges techniques et artistiques avec les autres qui nous grandissent et assurent une place à chacun. Et comme on le dit si bien à la fin d'un générique : «Sans X et Y, ce film n'aurait pas pu se faire». Ceux qui ont vécu l'aventure d'un film et notamment dans des contrées lointaines, où l'équipe vit ensemble le jour comme la nuit connaissent les émotions de fin de tournage. Le bonheur de s'être fait des amis et la tristesse de les perdre car d'autres aventures vont les happer…
A travers les pérégrinations que je viens d'évoquer, la question «pourquoi filmez-vous ?» s'avère inséparable de «comment et quoi filmez-vous ?» Cela se vérifie chez le spectateur qui engrange dans sa mémoire, non pas tous les films qu'il a vus, mais ceux dont le fond et la forme, intimement liés, l'ont marqué et l'ont fait grandir, comme disent les psys.
J'aimerais répondre à cette double interrogation sur le tournage d'un film par un double souhait : continuer à filmer pour ressentir toujours du plaisir sans dévier du chemin de l'éthique de l'art et faire des films pour faire reculer les ténèbres qui font de l'ombre au soleil
auquel chacun a droit.


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