Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et l'Unicef ont rendu publique, mardi dernier, l'enquête par grappes à indicateurs multiples, (MICS4). Ce rapport détaille des centaines de statistiques qui rendent compte de la situation des enfants, des femmes et des ménages au niveau national. Et si elle a pour objectif «d'informer des progrès réalisés vis-à-vis des Objectifs de développement pour le Millénaire ainsi que les objectifs nationaux de développement et en particulier ceux qui touchent au bien-être des familles, des enfants et des femmes», comme expliqué dans le volumineux document, les données permettent aussi et surtout d'avoir une réelle et pleine mesure de l'état des lieux de la société algérienne et des conditions de vie dans certains domaines. On apprend ainsi que la couverture sanitaire et scolaire s'étend à quasiment toutes les familles à travers le territoire national, que 12,4 % des enfants sont en surcharge pondérale et que de nombreux efforts restent à faire, notamment pour ce qui a trait à l'éradication de la violence au sein des familles. Mais au regard de cette enquête, on remarque aussi et surtout la persistance du fossé géographique entre le Nord et le Sud concernant le développement humain et social. Des disparités qui se manifestent tant en termes de prise en charge sanitaire, qu'en termes de sensibilisation à certaines questions. Voici quelques-uns des résultats auxquels est parvenue cette enquête.
Mortalité néonatale et infanto-juvénile Les cinq dernières années avant l'enquête MICS4 (2008-2012), le taux de mortalité infantile est estimé à 21 décès pour 1000 naissances vivantes ; le taux de mortalité juvénile s'établit désormais à 3 décès pour 1000 enfants ayant atteint leur premier anniversaire. Le risque de décéder entre la naissance et le 5e anniversaire est estimé à 24 décès pour 1000 naissances vivantes. La mortalité néonatale se situe à 16 décès pour 1000 naissances vivantes et la mortalité post-néonatale à 6 décès pour 1000 naissances vivantes. Globalement, il est à remarquer que la majorité des décès de moins de cinq ans surviennent durant la première année de vie (89%). Parmi ces derniers, près des trois quarts surviennent le premier mois (73%). La mortalité infantile passe de 14‰ chez les enfants résidant dans le Nord-Centre à 32‰ parmi ceux qui résident au Sud. Elle est également plus élevée en milieu rural (25‰) par rapport au milieu urbain (19‰). Etat nutritionnel Près d'un enfant sur 30 âgé de moins de cinq ans en Algérie a une insuffisance pondérale modérée et/ou sévère (3%) et 1% sont classés comme ayant une insuffisance pondérale sévère. 12% des moins de cinq ans (près d'un enfant sur neuf) accusent un retard de croissance modéré ou sévère ou sont trop petit pour leur âge, et 4% sont modérément ou sévèrement émaciés ou trop maigres pour leur taille. La surcharge pondérale concerne 12% des enfants de moins de cinq ans. Les garçons sont légèrement plus concernés par le retard de croissance modéré ou sévère que les filles (13% pour les garçons et 11% pour les filles). Les enfants de moins de 6 mois enregistrent un taux plus élevé d'insuffisance pondérale (7%). Chez les enfants âgés de 12-23 mois et de 24-35 mois c'est le retard de croissance qui est plus élevé par rapport aux enfants plus jeunes et plus âgés (14%). La prévalence de l'émaciation est importante chez les enfants âgés de moins de 6 mois (13%) et la surcharge pondérale est plus fréquente chez les enfants âgés de 12-23 mois (18%). Alors que l'on ne note pas de différences importantes selon le milieu de résidence ou le niveau d'instruction de la mère, c'est au niveau de l'espace territorial qu'interviennent les disparités avec 5% d'insuffisance pondérale au Sud et 2% au Nord-Centre. Utilisation de sources d'eau améliorées Environ 86% des ménages boivent de l'eau issue d'une source améliorée. Cette proportion atteint 87% en milieu urbain et 84% en milieu rural. L'utilisation d'une source d'eau améliorée est la plus faible dans le Sud avec une proportion de 55%. L'eau du robinet demeure la première source d'eau améliorée dans tous les espaces de programmation territoriale, à l'exception du Sud où 50% des ménages utilisent l'eau de robinet tandis que 44% consomment l'eau provenant des camions citernes, considérée comme une source d'eau améliorée. Les ménages les plus riches ont accès aux sources d'eau de boisson améliorées à 94% contre 78% pour les ménages les plus pauvres. Utilisation d'installations sanitaires améliorées En Algérie, 95% de la population a accès à des installations d'assainissement améliorées. Ce pourcentage est de 97% en milieu urbain et de 92% en milieu rural. En zone urbaine, 91% de la population est rattachée au réseau d'évacuation des eaux usées et, à un degré moindre, à des fosses septiques (4%). En revanche, les installations les plus courantes en zones rurales sont les toilettes à chasse avec connexion à un système d'égout (58%) ou à une fosse septique (22%). Le rattachement au réseau d'évacuation des eaux usées est de 98% pour les ménages les plus riches contre 29% pour les plus pauvres.
Fécondité L'Indice conjoncturel de fécondité (ICF), estimé pour la période de trois années avant l'enquête, est de 2,7 enfants par femme. Son évolution dans le temps est marquée par une légère augmentation allant de 2,6 enfants par femme pour la période 1998-2003 à 2,7 pour la période 2004-2012. L'ICF enregistre son plus haut niveau dans les régions du Sud et des Hauts-Plateaux Centre avec respectivement 3,5 et 3,3 enfants par femme contre 2,1 enfants par femme pour le Nord-Est qui enregistre le plus bas niveau qui correspond au niveau de remplacement des générations. Le taux de fécondité des adolescentes (taux de fécondité par âge spécifique des femmes âgées de 15-19 ans) est défini comme le nombre de naissances chez des femmes de 15-19 ans durant les trois années précédant l'enquête, divisé par le nombre moyen de femmes âgées de 15-19 ans pendant la même période exprimé pour 1000 femmes. Ce taux est de 10‰ au niveau national. Le milieu rural (2,9 enfants par femme), le Sud (3,5 enfants par femme), les femmes sans instruction (3,4 enfants par femme) et les ménages les pauvres (3,1 enfants par femme) se caractérisent à la fois par les indices conjoncturels de fécondité plus élevés et de forts taux de fécondité des adolescentes de 15-19 ans (12,5‰ dans le rural, 19,6‰ dans le Sud, 38,7‰ pour l'adolescente sans instruction, 11,6‰ dans le quintile le plus pauvre). Grossesse précoce Environ 1% des femmes âgées de 15-19 ans ont déjà eu une naissance vivante, 0,8% sont enceintes de leur premier enfant, soit un total de près de 2% d'adolescentes qui peuvent être considérées comme ayant déjà commencé leur vie féconde. En Algérie, avant l'âge de 15 ans, la proportion des femmes ayant eu une naissance vivante est nulle. Le même constat peut être fait pour les femmes âgées de 20-24 ans qui ont eu une naissance avant l'âge de 18 ans dont la proportion n'atteint pas 1% de l'ensemble de ces femmes, quel que soit le milieu de résidence. Contraception 57% des femmes mariées au moment de l'enquête utilisaient une méthode de contraception, dont près de 48% d'entre elles recourent à des méthodes modernes. La pilule demeure la méthode la plus utilisée en Algérie avec une proportion de 43% des femmes mariées, suivie de loin par le dispositif intra-utérin (DIU) avec seulement 2% de ces dernières. La prévalence de la pratique contraceptive est la plus élevée dans les Hauts-Plateaux Est (61%), suivis par le Nord-Ouest et le Nord Centre (59%). La plus faible prévalence est enregistrée au Sud avec 49%. Les adolescentes sont beaucoup moins susceptibles de recourir à la contraception que leurs aînées ; seules 29% des adolescentes mariées âgées de 15-19 ans utilisent une méthode contraceptive contre 45% des 20-24 ans et 67% des femmes mariées âgées de 35-39 ans. La proportion de celles utilisant la contraception, toutes méthodes confondues, passe de 52% chez les femmes sans instruction à environ 61% chez celles ayant le niveau secondaire. Accouchement Près de 97% des naissances survenues au cours des deux années précédant l'enquête ont eu lieu avec l'assistance d'un personnel qualifié. En milieu urbain, 98% des femmes ont bénéficié, à l'accouchement, d'une assistance qualifiée contre 95% en milieu rural. Cette proportion atteint son niveau le plus élevé dans le Nord-Centre et le Nord-Est avec 98% et le plus faible dans le Sud avec 91%. Les femmes d'un niveau d'instruction supérieur et celles appartenant aux ménages les plus riches recourent à l'accouchement assisté de façon quasi universelle (99%). Plus des deux tiers des accouchements (70%) survenus au cours des deux années précédant l'enquête ont eu lieu avec l'assistance d'une sage-femme. L'intervention des médecins à l'accouchement n'a concerné que 27% des naissances. Celle des accoucheurs traditionnels est insignifiante et n'excède pas 1% ; elle est cependant un peu plus élevée en milieu rural. Plus de 88% des accouchements sont survenus dans les structures du secteur public et environ 9% au niveau des établissements privés. L'accouchement à domicile ne concerne que très peu de femmes puisque 1% seulement des naissances se sont produites à domicile et il s'agit généralement des femmes n'ayant effectué aucune visite prénatale (8%). En outre, 16% des femmes interrogées ont accouché par césarienne.
Education et apprentissage de la petite enfance Près de 17% des enfants âgés de 36-59 mois suivaient au moment de l'enquête un enseignement préscolaire (17% chez les garçons et 16% parmi les filles). Cette proportion est de 23% en milieu urbain et 7% en milieu rural. La fréquentation de l'école maternelle est plus répandue parmi les enfants âgés de 36-59 mois vivant dans le Sud (27%) et le Nord-Est (23%). Les Hauts-Plateaux Centre et Ouest enregistrent les taux de fréquentation les plus faibles avec respectivement seulement 6% et 8% des enfants âgés de 36-59 mois. Le taux de fréquentation du préscolaire augmente avec l'élévation du niveau d'instruction des parents. La proportion des enfants âgés de 36-59 mois fréquentant le préscolaire atteint 35% parmi ceux et celles dont la mère est de niveau supérieur contre 5% seulement chez ceux et celles dont la mère est sans instruction. Ce taux passe de 7% dans les ménages les plus pauvres à 31% parmi ceux et celles qui évoluent dans les ménages les plus riches. Il est intéressant de noter que la proportion des enfants fréquentant l'école maternelle à l'âge de 36-47 mois est de 9% et celle des enfants à l'âge de 48-59 mois est de 24%. Garde de l'enfant L'enquête a révélé que 4% des enfants âgés de 0-59 mois (tableau ci-dessus) étaient laissés sous la garde d'autres enfants âgés de moins de dix ans, tandis que 4% étaient laissés seuls durant la semaine précédant l'interview pendant plus d'une heure au moins. En combinant les deux indicateurs de garde, il ressort que 6% des enfants ont été laissés sans garde adéquate pendant la semaine précédant l'enquête, soit seuls soit sous la garde d'un autre enfant. Il n'existe pas de différence entre les sexes ou entre zones urbaines ou rurales. De même, on ne constate pas d'écart important selon le niveau d'instruction de la mère ou selon le quintile de richesse des ménages. Par contre, des écarts notoires sont relevés selon l' Espace de programmation territoriale (EPT) d'appartenance. La proportion des enfants laissés avec une garde inadéquate au cours de la semaine précédant l'enquête varie entre 9% dans l'EPT Nord-Ouest et 3% dans l'EPT Haut-Plateaux Est. Fréquentation de l'école primaire et secondaire Parmi les enfants ayant l'âge d'entrer à l'école primaire fixé à 6 ans en Algérie, 93% sont admis en première année (93% chez les filles et 94% parmi les garçons). Environ 98% des enfants d'âge scolaire primaire fréquentent l'école primaire. Dans ce cadre, il est à souligner qu'aucun écart significatif selon le sexe, l'espace territorial, le milieu de résidence et/ou le quintile de richesse n'est observé. Le ratio net de fréquentation de l'école secondaire (cycles d'études moyennes et secondaires) est de l'ordre de 79%. Les enfants fréquentant l'école moyenne et secondaire dont les mères ont atteint le niveau d'instruction supérieur sont de l'ordre de 95% contre seulement 72% pour ceux dont les mères n'ont aucun niveau d'instruction. Le pourcentage d'enfants entrant en première année et qui atteignent la cinquième et dernière année de l'école primaire est de 98%. L'Indice de parité entre les sexes (IPS) obtenu à partir des ratios nets de fréquentation ajustés de l'école primaire et de l'école moyenne-secondaire révèle un IPS de 1 au primaire ne dénotant aucune différence dans la fréquentation scolaire primaire des filles et des garçons. Dans l'enseignement scolaire moyen et secondaire, l'indice de parité est plutôt en faveur des filles que des garçons (106 filles scolarisées contre 100 garçons). Cet indice est homogène même dans les ménages les plus pauvres et parmi les enfants dont la mère n'a aucun niveau d'instruction. Travail des enfants Environ 6% des enfants âgés entre 5 et 14 ans sont concernés par le travail, qui touche plus les garçons que les filles (respectivement 7% contre 6%). Il est relativement plus important chez les enfants âgés de 5-11 ans (8%) que ceux âgés entre 12 et 14 ans (2%). Il est estimé à 8% parmi les enfants âgés entre 5 et 14 ans en milieu rural contre 6% en milieu urbain. Selon le niveau d'instruction des parents, 4% des enfants dont la mère est universitaire travaillent. Les enfants évoluant dans les ménages les plus pauvres sont plus exposés au travail avec une proportion de 8% contre 4% de ceux issus des ménages les plus riches. Discipline de l'enfant Près de 86% des enfants âgés de 2 à 14 ans ont reçu une quelconque forme de punition physique ou psychologique durant le mois précédant l'enquête de la part de l'interviewée elle-même ou d'un des membres du ménage. Les punitions psychologiques constituent la méthode correctionnelle la plus courante utilisée par les parents. La proportion des enfants qui ont reçu des punitions physiques sévères est de 23%. Mariage et polygamie Le mariage des moins de 15 ans concerne 1% du total des femmes en âge de procréation âgées de 15-49 ans et 1% de celles âgées de 20-49 ans. En ce qui concerne la proportion de femmes mariées avant d'atteindre l'âge de 18 ans, elle est de 6% des femmes âgées de 20-49 ans. Cependant, la précocité du mariage semble affecter particulièrement les anciennes générations du fait que la proportion augmente avec l'âge de la femme, passant de 0,1% pour les femmes âgées de 15-19 ans mariées avant l'âge de 15 ans à 3% pour les femmes âgées de 45-49 ans. Le même constat peut être fait pour les femmes mariées avant l'âge de 18 ans. La proportion est de 3% parmi les femmes âgées de 20-24 ans et augmente régulièrement pour atteindre 17% des femmes âgées de 45-49 ans. La polygamie est relativement peu répandue, en ce sens que la proportion de femmes mariées avec des hommes polygames est estimée à 3%. La proportion des femmes mariées à un conjoint polygame augmente avec l'âge, passant de 1% chez les femmes de 15-19 ans à 6% chez celles de 45-49 ans. Violence familiale Dans l'ensemble, 59% des femmes estiment qu'un mari a le droit de frapper ou de battre son épouse pour diverses raisons. Des différences notables sont observées selon le milieu de résidence : une plus grande acceptation du phénomène en zone rurale avec une proportion de 66% contre 55% en zone urbaine. Il est à noter que les femmes actuellement mariées ou mariées par le passé semblent être relativement plus nombreuses (respectivement 62% et 60%) à justifier cette pratique en comparaison avec les célibataires (56%). En outre, ce phénomène touche beaucoup moins les plus jeunes que les plus âgées : 55% pour les femmes âgées de 15-19 ans et 64% pour les femmes âgées de 45-49 ans. Les femmes sans niveau d'instruction ou vivant dans les ménages les plus pauvres justifient cette violence à hauteur de 76% et de 70% respectivement. Handicap Au total, 7% des ménages enquêtés comptent, parmi leurs membres, des personnes qui présentent soit un état physique ou mental qui limite leurs activités normales, soit un handicap. La proportion des personnes se trouvant au moment de l'enquête en situation de handicap, c'est-à-dire présentant un état physique et ou mental, depuis 6 mois ou plus, qui les empêche ou limite leur participation à des activités normales propres à des personnes de leur âge, s'élève à 1% (2% parmi les hommes et 1% chez les femmes). Cette proportion augmente sensiblement avec l'âge. Elle est de l'ordre de 4% chez les 60 ans et plus contre moins de 1% chez les 0-4 ans et les 5-19 ans. Les 60 ans et plus constituent plus du cinquième (22%) des personnes présentant un handicap contre 6% chez les 0-4 ans. Selon le milieu de résidence, la proportion de personnes souffrant de handicap est quasiment la même, autour de 1% tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Selon les EPT, les résultats montrent que cette proportion est relativement importante dans l'EPT regroupant les wilayas du Sud du pays (2%). La répartition des personnes ayant déclaré qu'elles présentent un état qui limite leurs activités normales selon le type de déficience montre que 31% d'entre elles ont des problèmes de mouvement et de locomotion (34% parmi les hommes et 27% chez les femmes) et 28% ont des problèmes de compréhension et de communication (29% chez les hommes et 26% parmi les femmes). Les problèmes d'ouïe sont évoqués par 6% des personnes et ceux de la vue par 11%. Les données de l'enquête montrent également que près d'un quart (24%) des personnes en situation de handicap présentent plus d'une déficience (20% chez les hommes et 30% parmi les femmes).