L'ancien chef d'état-major des Unités républicaines de sécurité de la Sûreté nationale a été placé sous mandat de dépôt par le parquet de Mostaganem, qui a placé sous contrôle judiciaire d'autres cadres de la police. La défense dénonce «une machination judiciaire» en riposte aux manifestations des policiers en octobre 2014, alors que du côté de la Sûreté nationale, on évoque une affaire de «détention illégale de documents confidentiels pour porter atteinte à la sécurité et à la défense nationale». L'ancien chef d'état-major des Unités républicaines de sécurité (URS) —dissoutes quelques semaines après la marche spectaculaire des policiers sur le palais d'El Mouradia, le 13 octobre 2014 — Rachid Belouar, divisionnaire de son état, ainsi que d'autres cadres : l'ex-directeur des renseignements généraux de Mostaganem, le divisionnaire Belouadeh Belabdi ; le commissaire principal Djillali Djeffal, ancien chef de la sûreté de daïra de Maghnia, qui avait été révoqué après l'affaire de l'ancien chef de sûreté de wilaya de Tlemcen (poursuivi et condamné), pour laquelle il a été acquitté sans pour autant être réintégré ; le commissaire principal Khadim Yettou Mohamed Djani, ex-adjoint du chef de la sûreté de wilaya de Mostaganem (suspendu dans le cadre de cette affaire) ; Belahoual Messaid Abdelkader Fergag, divisionnaire, ancien chef de la sûreté de wilaya de Sidi Bel Abbès et de Mostaganem (avant d'être mis à la disposition de l'inspection générale de l'Ouest) ; et le divisionnaire Bachir Dahmani, ex-chef de la sûreté de wilaya d'Adrar, admis à la retraite après l'affaire de l'assassinat d'une policière dont le cadavre a été dissimulé. Ils ont été inculpés par le tribunal de Mostaganem en vertu de deux articles 74 et 67 du code pénal qui évoquent «la haute trahison, la détention de documents confidentiels et l'atteinte à la défense nationale». Des faits pour lesquels ils risquent une peine criminelle de 5 à 10 ans. Le juge d'instruction, après avoir entendu l'ensemble des mis en cause, a placé sous mandat de dépôt l'ex-chef des URS et sous contrôle judiciaire les autres prévenus. Quel lien cette affaire peut-elle avoir avec la marche des «bleus» sur la présidence de la République, qui avait poussé l'opinion publique à retenir son souffle durant plusieurs jours ? Pour des sources proches de la sûreté nationale, «il n'y en a aucun». Elles commencent par s'interdire tout commentaire sur l'affaire, avant de préciser que celle-ci avait été mise devant le parquet de Mostaganem à la suite d'«une procédure judiciaire formellement instruite par le service de police judiciaire compétent», pour des faits de «détention illégale de documents officiels par des fonctionnaires publics». Ce qui constitue, révèlent nos interlocuteurs, «une infraction punie par la loi et qui engage la responsabilité de celui ou ceux qui se sont rendus auteurs d'infractions contre les devoirs de leurs fonctions», avant de conclure : «Il est pourtant notoirement connu que tous les fonctionnaires des institutions et établissements publics sont interdits, de par leurs obligations statutaires, sous peine de poursuites judiciaires, de détenir des documents de service ou de révéler les faits dont ils ont obtenu connaissance à l'occasion de leur exercice. Cette obligation s'applique également aux fonctionnaires ayant cessé leurs fonctions.» Plainte contre la police pour «violation de domicile et falsification» Des déclarations que conteste avec virulence maître Tayeb Belarif, avocat de l'ex-chef d'état-major des URS, l'ancien divisionnaire Rachid Belouar. Pour argumenter sa position, il revient sur les circonstances et les détails de cette affaire, en se référant à la procédure et aux documents contenus dans le dossier judiciaire. D'emblée, il annonce son intention de déposer plainte contre les policiers pour «violation de domicile et falsification de documents» après la perquisition des éléments de la sûreté nationale effectuée au logement de fonction de Rachid Belouar, le 9 novembre dernier. L'avocat dénonce «une série de graves violations» de la procédure avant de revenir à l'origine de l'affaire qui, selon lui, «a été fomentée pour accréditer la thèse du complot contre le directeur général de la Sûreté nationale». Me Belarif explique : «Après les manifestations d'octobre 2014, une enquête a été menée par l'inspection générale de la DGSN, qui a eu pour conséquence la mise à la retraite d'office de deux cadres dirigeants des URS, dont le chef d'état-major, Rachid Belouar, et la révocation de deux autres pour déstabilisation des institutions de l'Etat.» L'avocat poursuit son récit : «Du mois de mars 2015 jusqu'à novembre dernier, rien n'indiquait que le premier responsable des URS allait être inquiété. Il est rentré chez lui, à Mostaganem, où ses occupations se limitaient à des rencontres conviviales avec ses anciens collègues et la prise en charge d'une épouse souffrant d'une lourde dépression. Le 5 novembre, un de ces derniers lui demande d'aller voir le chef de sûreté de wilaya qui, selon lui, avait besoin de le voir. Aucune convocation ne lui a été adressée. Il s'est présenté tout de suite, sans changer sa tenue de sport, parce qu'il était confiant. Une fois sur place, il apprend que le service de la police judiciaire a ouvert une enquête. C'est clairement indiqué dans le rapport préliminaire, non daté et qui ne porte pas le nom de son signataire mais uniquement son grade. Il est écrit : «Des informations nous sont parvenues sur les agissements de l'ancien chef des URS, qui à la tête d'une cellule qui complote et manigance contre l'institution de la DGSN et la personne de son directeur général.» Belouar a été maintenu en garde à vu alors que les six autres cadres sont convoqués pour être entendus.» Me Belarif indique en outre que pendant la garde à vue de son mandant, «prolongée d'ailleurs par le parquet», les policiers ont procédé «à une première perquisition dans son domicile à Mostaganem, où ils ont récupéré quelques documents liés aux événements de Ghardaïa qui avaient été gérés par ses éléments et, de ce fait, tous les rapports et analyses y afférents sont restés à son niveau en tant que premier responsable des URS ; ces documents n'ont pu être restitués en raison de l'absence de passation de consignes après la dissolution brutale de ces structures». Il poursuit : «A Alger, son frère, qui est également commissaire principal de police, est convoqué pour aller assister à une autre perquisition dans le logement de fonction du mis en cause, aux Bananiers. A sa surprise, la serrure de l'appartement était déjà changée et les lieux avaient été fouillés. Une liste d'effets personnels de Belouar a été remise à son frère. Le 9 novembre, nous apprenons par le juge d'instruction qu'aucun mandat n'a été délivré pour procéder à une telle mesure. Raison pour laquelle une plainte pour violation de domicile et falsification de documents a été déposée.» Me Belarif est formel : dans le dossier, «il n'y a aucune preuve sur un quelconque complot. Les policiers ont présenté un listing de numéros de téléphone que Belouar a appelé à une période donnée, sans pour autant présenter un seul témoin, ou à la limite un seul enregistrement de communication qui pourrait prouver ne serait-ce qu'une allusion à un complot. Tout a été monté juste après la visite du secrétaire général de la DGSN à Mostaganem, pour faire croire que les événements d'octobre 2014 étaient dirigés contre la personne du directeur général, alors que Belouar, en tant que chef d'état-major des URS, avait rédigé un rapport sur le moral assez bas des troupes, notamment celles dépêchées à Ghardaïa, qui étaient trop sollicitées». L'avocat révèle par ailleurs que l'ex-chef d'état-major des URS a derrière lui «une carrière de 30 années au sein de la police, il est passé par plusieurs services avant d'être nommé régional des URS à Ouargla, puis muté à la police des frontières d'Oran, à sa demande, puis rappelé à Alger en 2012 pour diriger l'état-major des URS. Le but de cette affaire est de dégager toutes les responsabilités du DGSN par rapport à la contestation des policiers».