Hada Houa Bayti (C'est ma maison), le nouveau spectacle de l'Irakien Jawad Al Assadi, présenté mardi 10 mai au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi à Alger, invite la poésie algérienne sur scène. Hada Houa Bayti (C'est ma maison), le nouveau spectacle de l'Irakien Jawad Al Assadi, présenté mardi 10 mai au Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi à Alger, invite la poésie algérienne sur scène. Les textes de Kateb Yacine, Malek Haddad, Slimane Djouadi, Brahim Seddiki, Nacerddine Haddid, Lakhdar Berka, Allaoua Koussa, Mohamed Lamine Saïdi et Mohamed Zabour ont été sélectionnés par Ahmed Abdelkrim pour élaborer un texte assez original. Texte révisé par Abdelrazak Boukebba, lui-même poète et romancier. Jawad Al Assadi s'est bien cassé la tête pour mettre en scène ce texte dense et difficile à la fois. Pour éviter que la pièce ne tombe dans la narration -parce que la poésie c'est d'abord des mots-, le metteur en scène a fait appel au chorégraphe Slimane Habbes et au musicien Abdelkader Soufi, pour élaborer un spectacle vivant, agréable sur le plan visuel et sonore, malgré certaines lourdeurs. L'espace est ouvert, presque dépouillé, mais au fond, il y a un mur. Un mur noir qui bloque la perspective, qui empêche d'aller plus loin, qui rend presque le rêve impossible et qui suggère l'idée de l'enfermement... De la mélancolie qui se dégage du montage poétique, Jawad Al Assadi tire la sève douce-acide de son spectacle. Nedjma de Kateb Yacine est représentée par une femme couverte de blanc, symbole de la pureté. Nedjma est convoitée par l'orphelin, l'amoureux, l'artiste…Ils viennent tous pleurer à ses pieds, implorer sa pitié. Chacun avec ses cassures, ses blessures et ses espérances. Nedjma écoute sans réagir, se libère de son burnous banc et se met à danser. La liberté n'a pas de prix. Arrive ensuite le départ et ses tourments ! Des hommes et des femmes, habillés en imperméable, sans pantalons, pieds nus et tirant des valises à roulettes rouges et blanches, débarquent sur scène, le pas déterminé, l'allure sérieuse et le ton coléreux. C'est une chorégraphie qui tente de symboliser l'exil des artistes et intellectuels en Algérie et dans les pays arabes, forcés au départ par les tenants de la haine et de l'ignorance. Le tableau suivant évoque un autre drame. Un homme de théâtre veut sortir retrouver ses amis au café, les comédiens, la vie ordinaire. Son épouse tente de le dissuader. «Je t'en supplie, ne sors pas, ils t'attendent, vont te tuer», crie-t-elle. Un coup de pistolet, plusieurs coups, des rafales…. Devant la tombe de l'artiste réduit au silence, ses amis viennent déposer des roses rouges ou blanches. Ils pleurent, rappellent des souvenirs.Les mots ressemblent à des larmes ou peut-être à des lames. Jawad Al Assadi a voulu, aidé par la scénographie légère de Brahim Khalil Zaiter, célébrer le corps avant les mots. D'où les contorsions, les gestuelles intensifiées, les voix élevées, les semi-nudités. Le metteur en scène, qui a bien utilisé l'éclairage, a plutôt bien dirigé les jeunes comédiens, Farida Zabchi, Amirouche Rebat, Samia Tabbouche, Mohamed Bouafia, Rachid Belakili, Kameleddine Ferad et Boumediène Bella. Des comédiens soumis à un véritable exercice scénique. Par contre, le chant de Amel Sekkak et Abdallah El Kourd a surchargé le spectacle, dénaturé presque le propos dramatique. Hada Houa Bayti s'approche plus de la performance théâtrale qu'une pièce poétique. Le fil dramatique y est ténu, presque invisible. «Il fallait mettre en scène un tissage poétique complexe, en respectant la profondeur, l'esthétique et la magie des textes. ‘‘Hada houa bayti'' pour dire que cette maison vaste, ce pays est celui des poètes comme Kateb Yacine et Malek Haddad qui ont su puiser de la bonne source. Cette maison à plusieurs portes est également celle du monde arabe. Il y a certes de la noirceur dans ce spectacle, mais il y a aussi un certain plaisir qui se dégage des mots et des corps. Reste que la situation actuelle du monde arabe est plus que dramatique. Situation amère et douloureuse. Donc, qu'on ne me demande pas de pré-fabriquer le bonheur», a souligné Jawad Al Assadi. Selon lui, le tableau sur l'assassinat d'un dramaturge évoquait notamment Abdelkader Alloula et Azzeddine Mejdoubi, assassinés durant les années des violences en Algérie. «C'était également une manière d'évoquer les drames de l'Irak et ceux des intellectuels et artistes arabes assassinés, écrasés par le terrorisme, le salafisme et le radicalisme religieux», a-t-il appuyé. Jawad Al Assadi, homme de théâtre et poète, a mis en scène plusieurs pièces, dont Le bain baghdadi, Raas al mamlouk Jaber et Layali al hassad. Il a eu plusieurs travaux avec les théâtres palestinien, syrien, irakien et libanais.