Raâfat El Hagan est mort. Mahmoud Abdelaziz s'en est allé. Il y a plusieurs semaines qu'il était hospitalisé en raison d'une maladie dont les médias égyptiens n'avaient pas précisé la nature. Par fierté, il ne voulait pas que ses amis et ses admirateurs le voient dans cet état. Autre que celui qui fait rêver : le cinéma et la télévision. Les enfants de la télévision du Monde arabe et notamment ceux d'Algérie sont tristes. Le monde du cinéma est en deuil aussi. Les téléphages et cinéphiles algériens, quand on prononce «Raâfat El Hagan» à la place du nom de scène, Mahmoud Abdelaziz, expriment trois maîtres mots : respect, grandeur et magie. Il avait crevé le petit écran, dans les années 1980, dans la série à succès Raâfat El Hagan en incarnant le rôle de sa vie. Celui d'un espion infiltré en Israël et, par conséquent, campant une sorte de «champion» d'un panarabisme cathodique par procuration. Natif de la ville côtière d'Alexandrie, en 1946, Mahmoud Abdelaziz, dans les années 1970, après avoir décroché un diplôme en agronomie, laisse choir une carrière «rangée» dans le secteur de l'agriculture pour faire ses premières armes à la télévision. Magistral dans le film Ibrahim Al Abyad Le passage du petit au grand écran fut un bond qualitatif. Car exhalant une aura. Celle des grands acteurs égyptiens avec cette épaisseur et dimension encore une fois magique. Celle des Omar Sharif, Izet Alaili, Ahmed Zaki… Et il le prouvera dans sa filmographie d'un troisième âge déclinant maturité, sagesse et magnétisme. Un vieux brisquard ayant fendu l'armure. Durant une carrière qui a duré 42 ans, il a accumulé une riche et dense filmographie. Il a à son actif 90 films sous la direction de prestigieux réalisateurs. Comme Daoud Abdel Sayed à travers une comédie réaliste, satirique et sociale ou encore ce rôle dans le film Al Kit-Kat où il joue un non-voyant excentrique rêvant de conduire une motocyclette. Ou encore dans le long-métrage intitulé Le Magicien où il incarne Radwan Al Kashef, un père célibataire tombant amoureux de… sa voisine de palier. Une épouse abandonnée par son mari devant élever son fils unique. Un film prémonitoire, aussi. Où il parle de la mort et de sa disponibilité à quitter ce bas-monde en paix avec lui-même. «Celui qui a vu la mort n'a pas peur d'elle. Celui qui sent la mort qui l'accompagne, sa vie sera changée…» Dans le film Ibrahim Al Abyad, Mahmoud Abdelaziz est magistral. Un parrain ayant cette force tranquille et gérontologique dans le milieu interlope de la pègre aux bords du Nil. Là, Mahmoud Abdelaziz joue dans la cour des grands. La dimension, sans démesure, d'Anthony Hopkins. Une dimension internationale. A la fin de sa carrière, Mahmoud Abdelaziz reviendra à ses premières amours, la télévision. La série Raâss El Ghoul avait capté toute l'attention des anciens et de la nouvelle génération de téléspectateurs égyptiens, durant le mois du Ramadhan, en juin 2016. Il était une sorte de père spirituel dans le monde du cinéma égyptien. Il était aussi agitateur de talents. Il était ouvert aux nouvelles et jeunes figures, sans distinction. Il laisse derrière lui une veuve, Poussy Chalabi, présentatrice a la télévision, et deux fils, Mohamed, producteur de téléfilms, et Karim, acteur ayant déjà donné la réplique à son défunt père. «Cette année, j'ai perdu deux amis proches de mon cœur. Nour Cherif et Mahmoud Abdelaziz. Je suis très triste. Une telle perte. Je suis sans voix», témoigne l'acteur Hussein Fahmy. Le regretté Mahmoud Abdelaziz devait être inhumé à Alexandrie après une prière à la mosquée Echourta à Cheikh Zayed, dans la circonscription de Gizeh. Chapeau bas, l'artiste !