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Subversif malgré lui
Hadji Miliani . Sociologue culturel
Publié dans El Watan le 18 - 02 - 2017

Des musiciens de rue à M'dina J'dida au siècle dernier à la voix «autotune» d'aujourd'hui, il y a un monde. De quoi parle-t-on quand on parle du raï ?
Quand les gens parlent du raï, c'est ce qui s'entend aujourd'hui et qui est devenu plus ou moins viral (Charlomanti, Zahouania, Khaled, Bilel, Raïna Raï ou Rimitti, etc.). Cela a peu avoir, évidemment, avec la rahba, les meddahs, les groupes de Diwan Salhin, Shab el baroud de la fameuse bande Zahwaniya et le bédouin qui participent de la vie culturelle à M'dina J'dida au début du XXe siècle. Mais les codes y sont, certains rythmes persistent et des paroles sont parvenues à nous, bon gré, mal gré.
Vous décrivez le melting pot musical des siècles derniers et dans lequel le raï a évolué. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A la fin du XIXe et au début du XXe siècles, la colonisation a mis en présence, brutalement, des groupes sociaux et des pratiques culturelles dissemblables. Des ruraux de différentes régions, des ethnies, des populations du pourtour méditerranéen (Italiens, Calabrais, Maltais, Mahonnais, Espagnols), des Français des régions de l'Hexagone (Bretons, Corses, Lorrains, Alsaciens) se côtoyaient même s'ils ne se mélangeaient pas toujours. Ils évoluaient dans un bain linguistique et musical qui imprégnait les rues et les maisons. Il faut ajouter à cela les musiques enregistrées que déversaient à tue-tête certains cafés et où l'on pouvait aussi bien entendre Cheikh El Afrit, Mohamed Abdelouahab, Cheikh Madani que Rina Ketty.
Sous des dehors de légèreté, cette musique a porté les souffrances du petit peuple. Peut-on parler d'un raï «engagé» ?
Pour pasticher une formule célèbre, disons que le raï est plutôt dégagé des positionnements avérés. Il cultive davantage le pragmatisme du vécu populaire sans être dans des combats à visée idéologique et politique élaborés et intentionnels. J'ai toujours affirmé qu'il était subversif malgré lui, en disant crûment les faits à hauteur du vécu individuel dans lequel se reconnaissait un nombre important de personnes, ici ou ailleurs. Il est «constatataire» plus que «contestataire». Cela suffit pour qu'il dérange pas mal de monde, bien-pensants et militants professionnels.
Depuis les années 1980, le raï connaît un destin national (voire international). Quel est le secret de ce rayonnement ?
Le raï, malgré ses réussites, son assise, ses vedettes et ses jeunes loups, n'est toujours pas admis malgré les liftings moraux qu'on a tenté de lui faire subir. Il dénote dans les faits qu'il appartient aux «mauvais genres». On veut bien faire un petit tour de danse à ses sons, mais il rebute les élites artistiques qui le trouvent trop brut de coffrage et pas du tout sérieux. Quant aux institutionnels, s'ils le tolèrent pour des ambiances festives et footballistiques, ils répugnent à s'afficher avec dans un univers de la représentation nationale dominé par le look technocrate branché ou celui de la religiosité compassée.
D'où vient l'essoufflement actuel de l'innovation que vous évoquez dans votre article ?
Il y a essoufflement du raï du point de vue de l'innovation parce que les modes de production et de diffusion du genre et de la musique en général ont été profondément bouleversés ces deux dernières décennies. On est passé d'un monde de l'art propre au genre (au sens défini par Howard Becker avec des musiciens, paroliers, cabarets, éditeurs, diffuseurs et consommateurs) à un monde désormais dominé par l'éclatement médiatique, la numérisation musicale, l'accès au téléchargement et l'immédiateté de YouTube. Il y a donc une forte implication du virtuel et un turn-over de plus en plus rapide qui ne permet pas de marquer des tendances fortes ou de laisser mûrir des nouvelles expressions.
La «festivalisation» du raï connaît des difficultés en Algérie, contrairement au voisin marocain. Qu'est-ce qui bloque ?
Depuis 1985, la «festivalisation» du raï a été avant tout une question politique. C'est surtout pour contrer la forte médiatisation de la presse française de ce genre (qui avait acquis une popularité nationale importante) qui l'associait aussi bien à la jeunesse, à la permissivité qu'à la critique du pouvoir politique en place. Les différentes tentatives durant les années 1980 de pérenniser cette première manifestation tournèrent court.
Il a fallu attendre qu'en 1991, une association d'artistes et de journalistes mettent en place un festival qui fut soutenu par les services de sécurité pendant la décennie noire et sporadiquement par les autorités locales qui n'ont jamais admis son autonomie. L'institutionnalisation des festivals par le ministère de la Culture au début des années 2000 fut fatale au Festival du raï. Après deux éditions, le wali d'Oran lui préféra un festival local, celui de la chanson oranaise, moins sulfureux et politiquement plus correct.
Depuis, le raï fut délocalisé à Sidi Bel Abbès avec une médiatisation plus faible. En fait, aussi bien le monde de la culture que les autorités n'ont pu admettre depuis l'opération menée par le colonel Snoussi en 1986 et 1987 (dans le cadre de l'OREF) que le raï soit le vecteur d'une internationalisation de la culture algérienne.
L'approche patrimoniale du raï est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle pour cette musique ?
L'approche patrimoniale est fondamentale pour le raï. Elle l'a été à ses débuts puisqu'aussi bien certains de ses interprètes que nous-mêmes, en tant que chercheurs, avons mis l'accent sur la profondeur et les racines multiples de ce genre dans la tradition culturelle.
Il fallait reconstituer les filiations historiques pour établir des repères attestés et par la même de légitimer au regard de ceux qui le minoraient, voire le stigmatisaient. Aujourd'hui, le fait que l'Etat algérien engage une procédure de reconnaissance patrimoniale de certaines composantes de ce genre au niveau international est une bonne chose. Cela renforce symboliquement la légitimation du raï qui reste encore méprisé et dévalorisé. Cela permettra, si on y met les moyens, de préserver des formes qui tendent à disparaître pour de multiples raisons. 

*Hadj Miliani, «La chanson oranaise : une synthèse historique» paru dans Productions et réceptions culturelles ; littérature, musique et cinéma, sous la direction de H. Miliani, CRASC, 2016


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