A Tamanrasset, une association fait de plus en plus parler d'elle. Son nom : Green Tea. Elle a commencé comme association locale qui active dans le domaine de la santé sous l'appellation : «Green Tea. Des jeunes contre le sida et la drogue». Depuis juin 2016, elle est devenue nationale. «L'association a été créée en 2011, à Tamanrasset, autour de la thématique de la lutte contre le sida et la toxicomanie. Nous nous occupons de tout ce qui est prévention, sensibilisation et mobilisation des jeunes autour de cette thématique», explique son président, le Dr Mohamed Guemmama, 37 ans, médecin néphrologue. Sur le choix du nom, qui signifie littéralement «thé vert», Mohamed explique : «Le thé, c'est rassembleur, on le prend partout en Algérie. On l'a choisi également car c'est le symbole du partage. On prend rarement le thé seul, c'est toujours un moment de communion et de convivialité.» «Nous sommes la première association à caractère humanitaire en Algérie», précise le Dr Guemmama. «Hormis le Croissant-Rouge qui est une organisation à part, je n'en connais pas d'autre. On œuvre dans l'humanitaire dans tous les sens du terme, y compris pour intervenir en situations d'urgence, en cas de catastrophe naturelle par exemple. Nous offrons des services médicaux, nous allons nous lancer dans le secourisme. Mais nous ne sommes pas pressés. Nous sommes en train d'écrire notre stratégie comme association nationale pour les dix années à venir.» Le Dr Mohamed Guemmama affiche un parcours pour le moins exceptionnel. «J'ai fait mes études à l'université d'Alger», confie-t-il. «J'ai fait par la suite mon résidanat à l'hôpital Maillot de Bab El Oued, j'en garde d'ailleurs un très bon souvenir. J'ai fait ma spécialité en néphrologie, hémodialyse et transplantation rénale. Maintenant, j'exerce à l'EPH (établissement public hospitalier, ndlr) de Tamanrasset.» Avant d'entamer son résidanat, Mohamed a exercé le métier de journaliste. Et ce n'était pas qu'une simple pige puisqu'il a travaillé pendant cinq bonnes années à la Télévision nationale. «J'ai travaillé comme journaliste reporter à l'ENTV de 2006 à 2010. J'ai même été présentateur du JT de 18h (en tamachek, ndlr).» Et ce n'est pas tout. Le Dr Guemmama a également suivi des formations très pointues à l'étranger, formations qui seront déterminantes dans ses choix et dans sa façon d'appréhender le travail associatif. «J'ai un diplôme de promotion de la santé que j'ai obtenu en Belgique», dit-il. Après Bruxelles, Mohamed suit une autre formation en Afrique du Sud sur les stratégies de lutte contre le sida. Récemment, il a participé à un autre programme, cette fois aux Etats-Unis, centré sur le travail auprès des réfugiés et des personnes migrantes. L'une des facettes du rôle de Mohamed, comme il le précise, est la formation des formateurs, un profil qu'il a développé à la faveur de son séjour belge. «Moi, je suis formateur pour tout ce qui est management associatif, risque management, people management, gestion du cycle de projet et évaluation de projets associatifs. Ce sont des services qu'on offre aux associations», explique-t-il. Au service des populations vulnérables Comme nous le disions, Green Tea est très impliquée dans la prévention et la sensibilisation autour de la thématique du sida. L'association mène, plus largement, un travail de «plaidoyer» en s'attachant à «promouvoir l'accès au droit à la santé», y compris bien sûr pour les migrants. En 2015, l'ONG a mis en place le «projet Target d'appui à la réponse au VIH/sida en Algérie», «target» signifiant cible en anglais. «A travers le projet Target, on a ciblé des populations vulnérables. On a ciblé les nomades, les migrants et les travailleurs du sexe. C'est la population la plus exposée, surtout les jeunes et les femmes», relève Mohamed Guemmama. Il convient toute de suite de préciser — comme le fait au demeurant Mohamed — que, contrairement aux allégations racistes colportées ça et là, et contrairement à ce qu'affirmait dernièrement Me Ksentini, la population migratoire n'a jamais constitué un «facteur de propagation du sida en Algérie». Le Dr Guemmama le répétait encore récemment dans une déclaration à El Moudjahid : «La plupart des malades atteints du sida à Tamanrasset sont des Algériens. Ce ne sont ni des émigrés ni des migrants.» Green Tea a ainsi joué un rôle significatif dans les campagnes de dépistage du sida, en partenariat avec les institutions de santé publique, notamment le centre de dépistage volontaire (CDV) de Tamanrasset. Selon les derniers chiffres enregistrés par le CDV, «5044 personnes, dont 808 migrants subsahariens issus de 13 nationalités, ont été dépistées» en 2016 «contre 3482 en 2015», rapporte Liberté (édition du 6 février 2017). «Il y a tout un travail de sensibilisation qui est fait en amont, parce qu'il faut savoir que le dépistage est volontaire. Nous avons des éducateurs communautaires qui préparent le terrain», souligne Mohamed Guemmama. «Parfois, on arrive à faire 70 prélèvements en une seule journée», se félicite-t-il. Selon notre interlocuteur, ces résultats doivent beaucoup à l'approche suivie dans les campagnes de sensibilisation sur le VIH/sida, et qui s'appuie sur les «stratégies communautaires». «Dans la stratégie communautaire, il faut étudier d'abord les communautés, identifier leurs besoins, étudier tout ce qui est ethnique, et créer des outils adaptés à l'histoire, à l'ethnie et à la culture des gens. Par exemple, dans certaines campagnes, on te donne un préservatif. Ici, tu ne peux pas le distribuer, ça ne marche pas», insiste le jeune médecin. Il révèle dans la foulée : «Nous avons créé un centre spécialisé pour les femmes. Le centre est géré par une directrice qui est éducatrice communautaire. En plus des éducateurs communautaires, nous avons également des relais communautaires. Les relais sont issus de la population ciblée. Ce centre marche très bien parce que les femmes s'y sentent à l'aise. Dans notre culture, le contact entre femmes est plus facile.» Ce centre offre divers services : information, promotion de la santé, ateliers de sensibilisation sur les MST (VIH, hépatite B et syphilis). «On a par ailleurs des psychologues pour les femmes victimes de violences sexuelles. L'agression, en général, ça reste secret. Il faut créer un climat particulier pour en parler», dit Mohamed. Un autre centre de proximité, réservé aux jeunes et aux adolescents, a été ouvert par l'association. «Les deux centres sont situés dans des quartiers populaires à Tamanrasset», indique Mohamed. L'une des toutes dernières réalisations de l'association est l'ouverture d'une clinique associative qui offre des consultations gratuites.