Ifsan, kinésithérapeute, exerçant dans un hôtel à Bouchaoui (Alger), est originaire d'Imadghassen, une commune de l'Akfadou (Béjaïa), c'est la musique qui l'a sauvé et c'est aussi le soutien précieux de son père, qui l'a beaucoup encouragé à ne pas fléchir et à aller de l'avant. Parce qu'il a toujours cru en lui et surtout respecté son choix : faire de la musique. Ifsan a survécu à un drame, une tragédie. Le terrorisme sanguinaire. Le 24 décembre 1997, dans leur domicile, à Baïnem (Alger), sa sœur, son mari, leurs deux enfants, son beau-père et sa belle-mère ont été égorgés. Faire son deuil n'était pas facile. Il était profondément affecté. Surtout en voyant sa mère des mois et des années pleurer et chanter des complaintes funéraires en tamazight, «achouik». Alors il sortait dehors retrouver ses amis au café, jouer aux dominos, radoter…pour oublier ce drame et fuir la réalité. Grâce à un moral d'acier, Ifsan a continué à vivre en s'adonnant à sa passion vitale, la chanson. La première inspiration d'Ifsan était la chanson kabyle à la radio. Tout petit, il collait son oreille au récepteur pour mieux écouter et apprécier Slimane Azem, Idir, Ferhat Mehenni, Matoub Lounès, Aït Menguellet, le groupe Ideflawen. «Je les reprenais. Je fredonnais des titres de la musique kabyle», se souvient-il. «Isefra»(poésie) Au sein de l'association culturelle et sportive Imadghassen du village, il apprendra à évoluer dans un cadre collectif et pédagogique. Mais ce n'est qu'en 2001 qu'Ifsan se découvrira une nouvelle passion, la poésie. A l'issue du Printemps noir en Kabylie, la mort de 127 manifestants et celle du jeune Massinissa, victimes d'une féroce répression, marquée encore une fois par une autre tragédie, il commencera à consigner des textes. «J'étais au lycée, j'avais 17 ans et j'ai manifesté comme tout le monde. Je suis sensible à ce qui m'entoure. Alors, j'ai commencé à écrire sur des bouts de papier. Une sorte de motivation poétique… Je noircissais des carnets, des serviettes en papier… J'étais très inspiré…», confie-t-il. Ce qui aboutira à la publication de son premier album intitulé Ma.tebxid.iyi (Si tu as besoin de moi), chez Melodivision, en featuring avec le compositeur Sofiane Hadja. Avec leurs propres fonds. Et avec le concours et le soutien de Smaïl Ouroufal et de Thanina Takhaïlit. «C'est Smaïl Ouroufal qui m'a appris à chanter techniquement. C'était le chef de section de la chorale de l'association…», remercie-t-il. Au nom du père et des ancêtres Dans ce premier opus d'Ifsan figurent, entre autres, les titres Louiza, Iniyid (Dis-moi), Zine Ahur (Beauté pure) et Thamaghra (La fête). Avec le texte Kert Ayarach a negh (Réveillez-vous), Ifsan signe des lyrics responsables sur un rythme martial et soutenu par une chorale d'enfants âgés de 6 à 7 ans qu'il dirige dans le village : «Le pays est précieux/avant la politique/il faut trier le bon grain de l'ivraie/l'avenir, c'est la jeunesse… Il faut continuer/il faut travailler, participer, bouger…» Un album mêlant folklore kabyle, chaâbi et autres rythmes «danse». Ifsan prépare un deuxième album intitulé Tafrat (Lettres). La chanson-titre évoque un soldat écrivant une lettre d'amour à sa fiancée. Téléphone, un titre qui parle de l'ampleur de l'usage des smartphones par opposition à la nostalgique lettre d'amour écrite à la main. Un CD qui va sortir chez Melodivision en mars 2018. «Les thèmes que je traite dans mes chansons sont l'amour, la nostalgie, la culture, les racines, les traditions kabyles. J'aime la culture kabyle. Celle de mes racines, de mes ancêtres. Je joue à la guitare, au mandole et je compose. Nous cherchons des notes et ça finit en studio. Je voudrais participer dans la région et à travers l'Algérie. Si on fait appel à moi pour me produire», indique Ifsan.