On est doublement réjoui d'être enfin arrivé au Potsdamer Platz à Berlin, quartier général du festival, parce que l'endroit est un ensemble architectural impressionnant, un style systématiquement ultra moderne, et aussi parce que c'est là que commence l'inlassable course aux projections. Berlin. De notre envoyé spécial Le dispositif est tel qu'il suffit de traverser une rue pour voir un film immédiatement après l'autre. Le 57e festival offre dans ses deux principales sections 26 films en compétition (dont 19 word-première) et 50 films au Panorama. La question est de savoir si on a le temps de voir les films du marché, des rétrospectives du forum des jeunes créateurs. Pour l'Ours d'or, à Berlin comme ailleurs, règne déjà le temps de la rumeur, des paris sur des auteurs qui ne sont pas loin qualitativement l'un de l'autre : Clint Eastwood, André Téchiné Jacques Rivette, Jiri Menzol, Park Chan-Woo. C'est l'Américain Paul Schrader qui préside le jury international, qui aura aussi à juger des films du Brésil (notamment celui de Cao Hamburger sur les Brésiliens de gauche pendant la dictature militaire, forcés à l'exil en Algérie, Cuba, ailleurs), d'Argentine, de Corée, de Chine, d'Italie, d'Allemagne... Au Panorama, une approche originale de la sélection réunit des films faits par des acteurs : Antonio Bandéras, Julie Delpy, Maria de Médeiros, Kasri Momoi, la section Panorama qui démarre avec la compétition a sélectionné aussi 17 documentaires longs métrages. La section du Forum international aligne des films quasiment politiques. Amir Mohamed, cinéaste de Malaisie, montre dans Apa Khabar, une histoire du parti communiste malaisien pourchassé et interdit et dont les dirigeants se sont réfugiés dans un village de l'autre côté de la frontière en Thaïlande. Au plus fort de la guerre froide, le parti communiste malaisien, formé à l'époque de la lutte contre l'occupation japonaise, a été assez puissant pour former une guérilla à la suite de son interdiction. Les Américains faisaient la guerre au Vietnam et subventionnaient en même temps les gouvernements anticommunistes en Asie du Sud-Est. En malaisie, la tactique américaine, c'était de faire interdire le parti communiste et pousser de l'avant les formations pro-islamistes. Tout récemment, le nationaliste Mahthir, alors Premier ministre, un élégant et honnête politicien, a tranché son conflit avec Washington en envoyant en prison un de ses adjoints Anouar Ibrahim, islamiste pur et dur, formé à Chicago (il est intéressant de rappeler qu'un département de l'université de Chicago a formé avec la bénédiction des autorités fédérales et la CIA, un maximum d'activistes islamistes sous prétexte qu'ils doivent lutter contre les formations communistes dans leur pays, au Maghreb, en Asie, en Orient) c'est le retour à la case politique pour le forum qui, on le sait déjà, le traitait d'inépuisable (du temps d'Ulrich Grégor) en faveur du cinéma engagé. Cette année, visiblement, la manifestation s'offre un nouveau souffle. L'une des plus remarquables qualités du Festival de Berlin, c'est son organisation impeccable. Le journaliste qui débarque d'Alger ou de San Francisco est reçu avec une gentillesse désarmante : en quelques minutes, l'envoyé spécial passe de l'hôtel plutôt chic où il loge au service de presse où badges, documents, programmes sont déjà prêts. Entre deux programmes, juste pour le plaisir de revoir cette ville exceptionnelle, on file vers le quartier tout proche qui garde le tragique souvenir de Check Point Charlie. Mais cela est à présent un souvenir oublié. Des couples d'amoureux, des jeunes, des vieux se promènent dans un quartier normal, dans une ville tout à fait normale et pourtant combien saisissante dans tous ses aspects .