Malgré sa délicatesse, le marché des métaux précieux, notamment de l'or, n'a pas échappé aux réseaux de contrebande. En l'absence d'une réglementation et d'un contrôle rigoureux, ce marché est complètement désorganisé. Pour preuve, l'ampleur vertigineuse prise par l'informel ces dernières années. Si auparavant on parlait de quelques « dellaletes » ou vendeuses de bijoux en or, aujourd'hui, ce commerce parallèle est bel et bien organisé. Au niveau de l'Agence nationale pour la distribution et la transformation de l'or et autres métaux précieux (Agenor), on confirme cet état de fait. Avec cette précision : on ne connaît ni l'origine exacte ni la teneur en métaux et encore moins la qualité des bijoux en or qui circulent sur le marché. « Le marché des métaux précieux, particulièrement de l'or, n'est pas organisé. Il est soumis à la contrebande. Certes il y a des approvisionnements légaux mais il y a aussi des produits qui entrent de différentes manières à travers nos frontières », indique ce cadre d'Agenor. « Nos frontières sont perméables. Nous trouvons sur le marché informel de l'or en provenance du Mali, de la Lybie et de la Mauritanie », ajoute-t-il. Selon les informations avancées par ce responsable d'Agenor, même le circuit formel est déstructuré. « Le marché n'est pas connu. Nous ne pouvons pas estimer la demande comme il est difficile d'identifier les besoins. Même les sources d'approvisionnement ne sont pas, dans certains cas, connues, eu égard au nombre d'acteurs qui interviennent dans le secteur », signale le même interlocuteur. Selon lui, le marché manque de traçabilité. Conséquence de cette concurrence déloyale : de nombreux artisans bijoutiers ont mis la clé sous le paillasson. L'anarchie qui règne dans ce secteur n'est que la conséquence de l'ouverture du marché des métaux précieux, d'une manière générale, aux privés. D'après le représentant d'Agenor, « il n'y a aucune stratégie de commercialisation ». Il faut préciser que l'Agence n'a pas plus le monopole sur l'importation des métaux précieux, obtenu en 2006. Depuis 2009, des privés se sont spécialisés dans l'importation de l'or et sa revente sur le marché national. Ces derniers sont soumis à un agrément délivré par le ministère des Finances. Selon les informations avancées au niveau d'Agenor, ils sont une soixantaine de particuliers à y activer. « Nous ne pouvons pas savoir où nous nous situons vu que la demande locale n'est pas identifiée », a expliqué le même responsable. Il va sans dire que la courbe des importations est depuis 2009 ascendante. Si les quantités importées n'étaient pas importantes à l'ouverture du marché d'or, elles se sont accrues à partir de 2011 en vertu des deux accords que l'Algérie a signé respectivement avec l'Union européenne et la Zone arabe de libre- échange. « Avec le démantèlement dégressif des taxes, il y a eu des demandes d'agrément à l'importation très importantes de la part des particuliers. Ils ont commencé à importer surtout des bijoux finis. C'est à partir de là que le privé a inondé le marché avec des quantités énormes », précise le cadre d'Agenor. Plusieurs artisans ont fermé boutique Les grands perdants de l'ouverture du marché de l'or ne sont que les artisans. Ils n'ont pas pu résister à cette concurrence « déloyale ». Et pour cause, les importateurs profitent du démantèlement tarifaire alors que l'artisan est soumis au payement des poinçons ainsi que d'une TVA de 17% à l'achat de lingot d'or. Cela s'est même répercuté sur la production nationale du produit fini. « Les quantités d'or importées sont constituées beaucoup plus de produits finis. Généralement les privés importent de l'Italie et de la Turquie. Ce qui fait que l'artisan algérien ne peut pas concurrencer ces produits car il n'a pas encore développé ses méthodes de fabrication », explique le même cadre. Hausse vertigineuse de l'importation de lingots Selon les statistiques des services des Douanes, la valeur globale des importations des métaux précieux durant le premier semestre 2013 était de l'ordre 207 millions de dollars dont 193 millions pour les lingots d'or. En 2012, l'Algérie a importé des quantités de métaux précieux pour un montant global de 53 millions de dollars dont 31 millions de dollars de lingots d'or. Durant l'année 2011, la valeur des importations globales des métaux précieux était de 12 millions de dollars. Elle était encore plus faible en 2010 avec 9 millions de dollars. Agenor a importé, durant le 1er semestre de l'année en cours, 2 tonnes d'argent et une soixantaine de kg de lingots d'or.