Prohibition Face à la répression, au lendemain de la révolution islamique de 1979, tous les projets culturels ainsi que toutes initiatives de création et de renouveau ont été suspendus. Il y a eu, en effet, à la suite de la prise du pouvoir par les mollahs, un net recul, un immobilisme. Censure et répression ont aussitôt commencé à sévir sur la population civile, notamment sur l?élite intellectuelle. L?intelligentsia iranienne a été réduite au silence. Tout discours inassimilable à l?énoncé officiel, énoncé véhiculé et imposé par la nouvelle institution politique, était irradié. Certains créateurs se sont tus, tandis que d?autres ont été contraints à quitter leur pays, de le fuir, voire de s?exiler, là où ils pourront foisonner et créer selon leur propre inspiration. D?autres, en revanche, ont préféré rester en Iran, dans un climat d?insécurité et de peur, dans un pays où la liberté d?expression et de création est surveillée, contrôlée, voire réprimée au cas où elle dépasserait les limites que l?institution lui a fixées. Les artistes iraniens ont développé un langage et un imaginaire, tout en l?adaptant à leur nouvel environnement. «On ne peut pas être plus censuré qu?en Iran, et malgré tout, les artistes ont développé leur langue qui n?est pas conformiste», dit Rosa Issa, la commissaire de l?exposition «Proximité lointaine», ouverte jusqu?au 9 mai à la Maison des cultures du monde, à Berlin, en Allemagne. Cette exposition, qui regroupe un programme culturel à la fois pluriel et complet, offre au visiteur un large aperçu sur la création artistique et le foisonnement culturel en Iran face à la répression. Parastou Farouhar, une graphiste, symbolise dans ses travaux «ce goût méticuleux de la dérision : anodins à première vue, ils s'avèrent être des couteaux et des scènes de violence.» Une réalisation, qui est une installation, montre une femme en tchador s'essayant avec grande difficulté à la danse disco, au jardinage et au ski nautique... Sur une photographie sont alignées des femmes voilées avec des ustensiles de cuisine en guise de visages. Un triptyque photographique de Mitra Tabrizian illustre les «complots» de l'Histoire iranienne au XXe siècle, et comment ils ont abouti à l'oppression de la femme, ajoute la commissaire. A gauche, le coup d'Etat fomenté par la CIA en 1953, avec la bienveillance du clergé pour chasser du pouvoir les nationalistes, à droite la Révolution islamique de 1979, au centre, la femme en tchador érigée en modèle. La difficile condition des femmes est aussi illustrée par une planche dessinée de Marjane Satrapi, connue en France, où elle vit, pour sa série de BD autobiographiques Persépolis. Lors de cette programmation culturelle, les cinéphiles ne seront pas en reste, avec une trentaine de films des dernières années, parmi lesquels plusieurs ?uvres d'Abbas Kiarostami. Les cinéastes, pour la plupart, ont choisi de rester et de continuer de travailler en Iran, malgré la répression car y réaliser un film avec peu de moyens est aisé une fois l'autorisation reçue. «Le cinéma iranien est devenu à la mode en Occident justement en raison de son style dépouillé, qui est un message de sincérité», précise Rosa Issa. Enfin, des pièces théâtrales et des concerts viennent émailler la programmation et donner un regard sur la culture en Iran.