Rappel n En cette période faste, les sociétés nationales avaient pu émerger avec force grâce à l'image qu'elles se donnaient d'elles-mêmes. L'on songe à la Sonitex pour le textile, à la Sonipec pour la fabrication des chaussures, à l'Onaco spécialisée dans la commercialisation des produits agroalimentaires et à la fameuse Sempac, l'une des plus grandes entreprises de l'époque qui fabriquait et distribuait la farine et la semoule. Ces sociétés regroupaient des milliers de travailleurs grâce aux efforts consentis par la politique «d'industries industrialisantes» de l'époque, en leur assurant d'abord un moyen de subsister pour ensuite les adapter à une politique sociale très à la mode où le chômage et les licenciements étaient quasiment bannis. Chaque entreprise se taillait des parts de marché très conséquentes et la concurrence étrangère n'était même pas à l'ordre du jour. De même que chaque entreprise assurait par sa production les besoins des algériens avec des prix abordables du moment que le pouvoir d'achat était au plus haut niveau. Les entreprises accordaient des primes aux travailleurs pour les fêtes de mariage, les fêtes religieuses et des prêts qui pouvaient être remboursés à long terme pour d'autres besoins. Ce temps-là semble bien consommé, car la plupart de ces entreprises ont pratiquement disparu. Et avec elles disparaît également une pério où tout était accessible au moindre effort. Les «années glorieuses» de Boumediene ont cédé le pas à une nouvelle ère où l'on parle d'économie de marché. Il s'ensuit la fermeture de presque un pan entier de ces sociétés nationales avec son lot de licenciements, de précarité et de misère sociale qui alimentent l'Algérie d'aujourd'hui. Fini le rêve des «vaches laitières» de la belle époque à laquelle se substitue une période où tout est disponible, mais hors de portée. Les simples employés de bureau, ouvriers d'entreprises et cadres moyens, ayant fait le bonheur de l'Algérie durant les années du socialisme bien ambiant, sont dans l'impasse. Ils vivent la déchirure et l'amertume d'un changement qui a bouleversé les mœurs et bousculé les habitudes. De nos jours, ils se taillent une petite place à l'ombre en attendant des jours meilleurs. Pis encore, c'est tout le paysage qui a changé en l'espace de quelques décennies. A commencer par le chômage qui se fait menaçant telle des métastases qui rongent un organe. Les anciens cadres ou les retraités d'aujourd'hui regrettent cette époque, où la garantie de l'emploi passait avant toute autre considération. Autre fait qui a son importance, c'est la rupture de la chaîne de solidarité entre travailleurs. Même si tout le monde n'était pas syndiqué à l'époque, l'aide sociale ne se rompait aucunement. C'est peut-être cette rupture qui explique le malaise social de nos jours dans les entreprises. Les algériens consomment, aujourd'hui, la suppression de la «politique sociale» comme un échec, voire une frustration pour le simple travailleur.