Après un mois d'hostilité gratuite et d'énervement à tous les vents, l'Aïd arrive enfin pour délivrer les rues algéroises de cette image négative forcée par le manque et la frustration. Retour donc au calme. Plus d'effervescence aux entrées des boucheries et de boulangeries. Tout le monde est propre. Tout le monde affiche sourires et meilleurs sentiments possibles. L'Aïd, fête des gâteaux, des réconciliations, du pardon et accessoirement de la solidarité. Solidarité avec les défavorisés de la société. Hôpitaux, centres pour personnes âgées, association villages d'enfants de Draria sont donc pris d'assaut pour des dons, des manifestations de solidarité, comme chaque année lors des rendez-vous festifs. Mais à y regarder de plus près, ces actions de solidarité donnent à voir un peu plus que du simple altruisme orné de générosité et de bienfaisance. Des enfants euphoriques qu'on tente de regrouper sur le gazon. Au centre, des paquets de jouets avec le logo de Nedjma et du Croissant-Rouge algérien sont bien mis en évidence. Tout autour, les bénévoles et représentants venus distribuer ces cadeaux affichent de grands sourires à la caméra et aux flashs des photographes. On est au centre SOS village d'enfants à l'occasion de l'Aïd El Fitr, où les enfants suivent sans comprendre l'agitation qui les entoure. Le secrétaire général du Croissant-Rouge algérien, Boudrakour Hacene, précise : «Nous avons effectué des actions tout au long du mois de Ramadhan avec des points de restauration et de distribution de paniers alimentaires. Pour l'Aïd, on effectue des visites à travers les hôpitaux pour la distribution de vêtements, de jouets et de gâteaux. Nous, aujourd'hui, on est là en partenariat avec Nedjma pour distribuer des cadeaux aux enfants de SOS village d'enfants de Draria.» De son côté, Ruot Gérard Aïssa, représentant SOS-KDI en Algérie et premier responsable de SOS village d'enfants, ne semble pas très content de leur arrivée ni de celle de la presse d'ailleurs. Il expliquera : «La moindre des politesses est de s'annoncer. Nous avons nous-mêmes un programme pour nos enfants. Même si votre présence ne dérange pas, il aurait fallu s'organiser autrement.» D'emblée, le ton est donné et l'hostilité est déclarée entre les différents intervenants, dont chacun tentant de mettre en valeur ses louables intentions et sa plus grande légitimité dans cette action à mener. Après moult échanges et tentatives de conciliation entre adultes, les enfants ont enfin été remis sur le devant de la scène, regroupés autour des paquets offerts… spécialement le temps de cette photo prise pour immortaliser ce moment de solidarité. Solidarité qu'on serait tenté d'assimiler à une opération de marketing tant elle donne à voir un manque de sincérité totale. Mais peut-être est-ce encore qu'une apparence trompeuse… F. B.