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Ainsi naquit Alger la Blanche
«La nuit du corsaire» de Corinne Chevallier
Publié dans Le Midi Libre le 09 - 08 - 2007

Ce roman mouvementé, bruissant de l'assaut des abordages ou du chant des fontaines dans les vasques des patios, plonge le lecteur dans une époque où la vie et la mort s'empoignent sauvagement.
Ce roman mouvementé, bruissant de l'assaut des abordages ou du chant des fontaines dans les vasques des patios, plonge le lecteur dans une époque où la vie et la mort s'empoignent sauvagement.
Tout au long d'une nuit parfumée, un vieux corsaire algérois se remémore les étapes de son existence. Leur déroulement chronologique constitue la trame de ce roman de Corinne Chevallier et coïncide avec l'essor d'Alger qui, sous la protection des frères Barberousse, alliés aux Kabyles et aux Jijéliens, puis sous celle de l'empire ottoman, devient «en l'espace d'une vie d'homme» une ville florissante et la capitale du pays. Ce roman mouvementé, bruissant de l'assaut des abordages ou du chant des fontaines dans les vasques des patios, plonge le lecteur dans une époque où la vie et la mort s'empoignent sauvagement.
Car c'est dans le sang des combats pour le pouvoir et les richesses qui mettent aux prises l'occident chrétien et l'empire ottoman à travers l'affrontement de leurs forces navales et militaires et la résistance de leurs populations civiles. C'est sur cette page sanglante de l'histoire de l'humanité que s'inscrit le destin d'Alger. Au lendemain de la chute de Grenade en 1492, l'Espagne toute puissante poursuit sa reconquista jusque sur les côtes du Maghreb où l'inquisition n'hésite pas à persécuter les musulmans, les juifs et même les chrétiens. Dans un violent contexte de guerre sainte, les Andalous se réfugient au Maghreb, aidés par le grand navigateur Aroudj qui a répondu à l'appel au secours des Jijéliens en butte à l'occupation génoise depuis le 13e siècle. Humiliés par les Espagnols qui construisent une forteresse, le Penon, sur un des îlots qui entourent la ville et contrôlent ainsi son accès par voie maritime, les Algérois poussés par les réfugiés andalous et ceux de leurs notables qui ont à cœur l'autonomie de leur cité vont à leur tour envoyer leurs représentants à Jijel. C'est à partir de ce vieux centre urbain que les frères Barberousse organisent des razzias victorieuses sur les côtes européennes et rapatrient les réfugiés andalous par milliers.
Le roman qui débute en 1510 et s'achève en 1571 a comme sujet le destin d'Alger, dont l'auteure est profondément éprise : «Cette histoire, c'est l'histoire de ma ville natale. Les souvenirs de mon héros vieillissant ne sont prétextes qu'à rappeler le temps où entraînés par Kheir-ed-din, les corsaires algérois se sont imposés en Méditerrannée, marquant ainsi le début de ce que Fernand Braudel a pu appeler «la prodigieuse fortune d'Alger».
L'auteure emprunte tour à tour le regard de son héros, Djabir Ibn Youssef Et-Thaâlibi, héritier de l'illustre famille des Thaâliba qui gouvernait la ville à l'arrivée des frères Barberousse ou celui de François, un captif français qui a fui la justice de son pays après avoir assassiné son rival.
Le roman qui débute par un prologue où le héros parle à la première personne devient un récit où le narrateur, comme en voix off, interpelle son héros en lui enjoignant de se rappeler tous les tournants de son existence mouvementée au service de sa ville et de sa foi. «Rappelle-toi, Jabir Ibn Youssef Thaâlibi ! C'est à ce moment précis qu'est née ta passion pour ta ville natale…Tu étais si jeune encore…Tu ne comprenais pas très bien ce qui vous menaçait. Mais tu savais déjà qu'il fallait se battre puisque El-Djezair était en danger.» Cette prise de conscience du héros se fait lorsque malgré son très jeune âge, son père lui confie son désaccord avec les notables de la ville qui, sous l'autorité de Sélim Et-Toumi, ont décidé de négocier avec les Espagnols au lieu de défendre la petite ville portuaire. C'est que, selon le récit rigoureusement documenté, les Algérois sont peu préparés à se défendre face à la puissance ibérique.
Dès que les notables font appel à Baba-Aroudj et à ses raïs, l'ordre ancien est complètement chamboulé. Les tenants du pouvoir local sont écartés y compris par l'assassinat. Aroudj s'installe en vainqueur et commence à changer le visage de la ville. Pourtant, le Penon, «l'épine au cœur de la cité» est toujours planté et il ne sera détruit qu'en 1529. Kheir-eddine fait raser la forteresse et entreprend de construire avec ses pierres, un môle de 200 m de long sur 25 m de large. C'est la naissance du principal port d'attache des corsaires dits barbaresque.
Le roman constitué de cinq parties, reprend scrupuleusement les péripéties qui vont, l'espace d'une soixantaine d'années, faire d'Alger une régence de l'empire ottoman. Ce roman captivant plonge le lecteur au cœur des batailles livrées par la flotte de Aroudj et Kheir-eddine qui, en faisant allégeance au sultan, ont accès aux plus hauts grades de l'empire.
L'auteure dévoile la complexité des rapports entre les raïs algérois de naissance, les «renégats» dont la plupart sont des captifs chrétiens qui se sont faits musulmans et enfin, les alliés turcs tout puissants et leurs milliers de janissaires. Les relations difficiles entre la taïfa des raïs et le corps des janissaires anatoliens sont également évoquées. Les relations entre maîtres et esclaves sont également décrites sans complaisance ni manichéisme.
Le personnage central, Djabir, qui a vu tous ses compagnons se faire massacrer lors d'un raid se jure de les venger. Pour se souvenir de ce serment, il achète un esclave chrétien François et lui fait inscrire sur une tablette le nombre de tous les ennemis qu'il tue. La dernière victime devant être l'esclave lui-même. Au fil du temps et des combats, une étrange amitié s'installe entre le maître et son esclave qui deviennent inséparables. Ce roman explore également les rapports entre femmes et hommes dans cette Algérie du 16e siècle. La merveilleuse histoire d'amour qui lie Djabir à Qamir, une étrange jeune fille douée de voyance y est contée avec talent. Les relations entre les habitants d'Alger, les montagnards de Kabylie, les habitants de la Mitidja, ceux de Béjaïa et Jijel y sont également relatées comme constitutives de ce creuset qui va devenir la capitale. Ce n'est pas le moindre mérite de ce roman que d'apprendre aux lecteurs que l'Etat algérien existait bien avant 1830 et que l'actuelle capitale qui était un bourg modeste comparée notamment à Béjaïa, a une histoire inséparable de celles des ancêtres de ceux que les Algérois d'aujourd'hui ont trop rapidement tendance à prendre pour des intrus.
«La nuit du corsaire» est le dernier roman de Corinne Chevallier, historienne née en 1935 à Alger. Elle a également écrit : «Des ruines, des chèvres et des bateaux» en 1986, «Les trente premières années de l'Etat algérien(1510-1541)», «Prisonnier de Barberouse» pour lequel elle a obtenu le prix du roman historique pour la jeunesse de la ville de Nancy en 1992, et «La petite fille du Tassili» , chez Casbah Editions en 2001.
K.T.
«La Nuit du corsaire» de Corinne Chevallier
Casbah Editions, Alger 2005
494 pages.
Tout au long d'une nuit parfumée, un vieux corsaire algérois se remémore les étapes de son existence. Leur déroulement chronologique constitue la trame de ce roman de Corinne Chevallier et coïncide avec l'essor d'Alger qui, sous la protection des frères Barberousse, alliés aux Kabyles et aux Jijéliens, puis sous celle de l'empire ottoman, devient «en l'espace d'une vie d'homme» une ville florissante et la capitale du pays. Ce roman mouvementé, bruissant de l'assaut des abordages ou du chant des fontaines dans les vasques des patios, plonge le lecteur dans une époque où la vie et la mort s'empoignent sauvagement.
Car c'est dans le sang des combats pour le pouvoir et les richesses qui mettent aux prises l'occident chrétien et l'empire ottoman à travers l'affrontement de leurs forces navales et militaires et la résistance de leurs populations civiles. C'est sur cette page sanglante de l'histoire de l'humanité que s'inscrit le destin d'Alger. Au lendemain de la chute de Grenade en 1492, l'Espagne toute puissante poursuit sa reconquista jusque sur les côtes du Maghreb où l'inquisition n'hésite pas à persécuter les musulmans, les juifs et même les chrétiens. Dans un violent contexte de guerre sainte, les Andalous se réfugient au Maghreb, aidés par le grand navigateur Aroudj qui a répondu à l'appel au secours des Jijéliens en butte à l'occupation génoise depuis le 13e siècle. Humiliés par les Espagnols qui construisent une forteresse, le Penon, sur un des îlots qui entourent la ville et contrôlent ainsi son accès par voie maritime, les Algérois poussés par les réfugiés andalous et ceux de leurs notables qui ont à cœur l'autonomie de leur cité vont à leur tour envoyer leurs représentants à Jijel. C'est à partir de ce vieux centre urbain que les frères Barberousse organisent des razzias victorieuses sur les côtes européennes et rapatrient les réfugiés andalous par milliers.
Le roman qui débute en 1510 et s'achève en 1571 a comme sujet le destin d'Alger, dont l'auteure est profondément éprise : «Cette histoire, c'est l'histoire de ma ville natale. Les souvenirs de mon héros vieillissant ne sont prétextes qu'à rappeler le temps où entraînés par Kheir-ed-din, les corsaires algérois se sont imposés en Méditerrannée, marquant ainsi le début de ce que Fernand Braudel a pu appeler «la prodigieuse fortune d'Alger».
L'auteure emprunte tour à tour le regard de son héros, Djabir Ibn Youssef Et-Thaâlibi, héritier de l'illustre famille des Thaâliba qui gouvernait la ville à l'arrivée des frères Barberousse ou celui de François, un captif français qui a fui la justice de son pays après avoir assassiné son rival.
Le roman qui débute par un prologue où le héros parle à la première personne devient un récit où le narrateur, comme en voix off, interpelle son héros en lui enjoignant de se rappeler tous les tournants de son existence mouvementée au service de sa ville et de sa foi. «Rappelle-toi, Jabir Ibn Youssef Thaâlibi ! C'est à ce moment précis qu'est née ta passion pour ta ville natale…Tu étais si jeune encore…Tu ne comprenais pas très bien ce qui vous menaçait. Mais tu savais déjà qu'il fallait se battre puisque El-Djezair était en danger.» Cette prise de conscience du héros se fait lorsque malgré son très jeune âge, son père lui confie son désaccord avec les notables de la ville qui, sous l'autorité de Sélim Et-Toumi, ont décidé de négocier avec les Espagnols au lieu de défendre la petite ville portuaire. C'est que, selon le récit rigoureusement documenté, les Algérois sont peu préparés à se défendre face à la puissance ibérique.
Dès que les notables font appel à Baba-Aroudj et à ses raïs, l'ordre ancien est complètement chamboulé. Les tenants du pouvoir local sont écartés y compris par l'assassinat. Aroudj s'installe en vainqueur et commence à changer le visage de la ville. Pourtant, le Penon, «l'épine au cœur de la cité» est toujours planté et il ne sera détruit qu'en 1529. Kheir-eddine fait raser la forteresse et entreprend de construire avec ses pierres, un môle de 200 m de long sur 25 m de large. C'est la naissance du principal port d'attache des corsaires dits barbaresque.
Le roman constitué de cinq parties, reprend scrupuleusement les péripéties qui vont, l'espace d'une soixantaine d'années, faire d'Alger une régence de l'empire ottoman. Ce roman captivant plonge le lecteur au cœur des batailles livrées par la flotte de Aroudj et Kheir-eddine qui, en faisant allégeance au sultan, ont accès aux plus hauts grades de l'empire.
L'auteure dévoile la complexité des rapports entre les raïs algérois de naissance, les «renégats» dont la plupart sont des captifs chrétiens qui se sont faits musulmans et enfin, les alliés turcs tout puissants et leurs milliers de janissaires. Les relations difficiles entre la taïfa des raïs et le corps des janissaires anatoliens sont également évoquées. Les relations entre maîtres et esclaves sont également décrites sans complaisance ni manichéisme.
Le personnage central, Djabir, qui a vu tous ses compagnons se faire massacrer lors d'un raid se jure de les venger. Pour se souvenir de ce serment, il achète un esclave chrétien François et lui fait inscrire sur une tablette le nombre de tous les ennemis qu'il tue. La dernière victime devant être l'esclave lui-même. Au fil du temps et des combats, une étrange amitié s'installe entre le maître et son esclave qui deviennent inséparables. Ce roman explore également les rapports entre femmes et hommes dans cette Algérie du 16e siècle. La merveilleuse histoire d'amour qui lie Djabir à Qamir, une étrange jeune fille douée de voyance y est contée avec talent. Les relations entre les habitants d'Alger, les montagnards de Kabylie, les habitants de la Mitidja, ceux de Béjaïa et Jijel y sont également relatées comme constitutives de ce creuset qui va devenir la capitale. Ce n'est pas le moindre mérite de ce roman que d'apprendre aux lecteurs que l'Etat algérien existait bien avant 1830 et que l'actuelle capitale qui était un bourg modeste comparée notamment à Béjaïa, a une histoire inséparable de celles des ancêtres de ceux que les Algérois d'aujourd'hui ont trop rapidement tendance à prendre pour des intrus.
«La nuit du corsaire» est le dernier roman de Corinne Chevallier, historienne née en 1935 à Alger. Elle a également écrit : «Des ruines, des chèvres et des bateaux» en 1986, «Les trente premières années de l'Etat algérien(1510-1541)», «Prisonnier de Barberouse» pour lequel elle a obtenu le prix du roman historique pour la jeunesse de la ville de Nancy en 1992, et «La petite fille du Tassili» , chez Casbah Editions en 2001.
K.T.
«La Nuit du corsaire» de Corinne Chevallier
Casbah Editions, Alger 2005
494 pages.


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