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Radioscopie des parcs nationaux en Algérie (2e partie et fin)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 10 - 2018


Par Dr M. Betrouni
L'échec du projet de création de 8 parcs nationaux (1978)
En 1978, la Direction générale de l'environnement (DGE), sous tutelle du ministère de l'Hydraulique et de l'Aménagement des terres et la Protection de l'environnement, présenta un projet de création de 8 parcs nationaux et d'un réseau de réserves naturelles, qu'elle soumit à des experts belges, dans le cadre d'une coopération scientifique et technique. L'idée du gouvernement consistait à ériger les monuments naturels d'importance en lieux de loisir et d'éducation, tout en leur assurant la protection et la sauvegarde à travers, notamment, la création d'un établissement public. Partant de l'examen de 8 projets, le Djurdjura, l'Akfadou, les Planteurs, l'Edough, Chréa, Tipasa, El Kala et le Tassili — ce dernier étant déjà créé en 1972 —, les experts belges avaient souhaité que la création des aires protégées soit pensée en fonction de territorialités significatives et représentatives d'un point de vue biogéographique. Ils proposèrent 5 parcs nationaux : Djurdjura, El Kala, Tassili, Akfadou, Tipasa et 4 parcs régionaux : Chréa (+Chiffa), Edough, les Planteurs, Tipasa. Ces projets de «parcs nationaux» et de «réseau de réserves naturelles» demeureront sans suite.
La première loi nationale sur l'environnement (1983)
La première loi algérienne relative à la protection de l'environnement (loi n°83-3 du 5 février 1983) s'était fixé pour objets la mise en œuvre d'une politique nationale de protection de l'environnement «tendant à la protection, la restructuration et la valorisation des ressources naturelles ; la prévention et la lutte contre toute forme de pollution et nuisance, l'amélioration du cadre et de la qualité de la vie» (art.1). Dans cette loi, la dimension environnement est prise dans une perspective naturaliste et écologique, conformément à la convention d'Alger de 1968 et aux orientations de l'IUCN, dépassant la perspective paysagère et touristique. Elle est davantage envisagée dans le sens de la mise en œuvre de mécanismes et de mesures de réduction et/ou de suppression de l'impact négatif des activités humaines sur l'environnement, notamment la prévention et la lutte contre la pollution et la nuisance et l'amélioration du cadre et de la qualité de la vie. Elle avait conféré le caractère d'intérêt national à «la protection de la nature, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques et la conservation des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent» (art.8). Elle introduisit, pour la première fois, dans le corpus juridique national, les deux catégories protection, le «parc national» et la «réserve naturelle», ainsi que les deux systèmes de zonation «zone intégrale» et «zone périphérique», s'inspirant du code français de l'environnement. Nous retrouvons ici des analogies, voire même une reprise de la loi française n°60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux qui, comme nous l'avons déjà souligné plus haut, exprimait une spécificité française «parcs nationaux à la française».
La loi de 1983 sur la protection de l'environnement était en net recul par rapport à la Convention d'Alger, qui s'était investie dans des actes «juridiques» fondateurs, de conservation et de gestion rationnelle des ressources naturelles, dument identifiées, tout particulièrement les espèces animales et végétales menacées d'extinction, la lutte contre le commerce illégal et le trafic des espèces menacées. Elle s'est déplacée du paradigme de la protection de la nature pour se placer sur celui de la prévention des pollutions, des risques et des nuisances, s'inscrivant dans le nouvel esprit du développement industriel, où la dimension environnementale est intégrée dans les politiques économiques, dans une perspective de labellisation et d'accompagnement positif, et non comme contrainte, s'opposant à la croissance économique. C'est autour de la pollution que s'édifia l'esprit éco-industriel et toute la panoplie d'outils consacrés au «pollueur-payeur». C'est en vertu de cette la loi que furent crées, entre 1983 et 1993, huit «parcs nationaux» : Theniet El Had, Djurdjura, Chréa, Gouraya, El Kala, Belezma, Taza et Tlemcen.
Le jeu des deux dispositifs juridiques, l'un législatif (loi de protection de l'environnement de 1983) qui gouverne la procédure de classement, sous la tutelle environnementale et l'autre réglementaire (décret portant statut type des parcs nationaux,1983) qui prononce la création, sous la tutelle forestière, créa une situation de confusion, mettant en vis-à-vis, d'un côté, la mission de contrôle et, de l'autre, la responsabilité gestion.
En fait, le problème, fondamentalement juridique, résidait et réside toujours dans le contenu flou du processus classement-création des aires protégées.
Le Tassili n'Ajjer : un nouveau parc national (1987)
En 1987, le «parc national» du Tassili est arrimé à la loi de 1983 relative à la protection de l'environnement et à son statut-type des parcs nationaux, selon une procédure ambiguë, qui créa des confusions. Cet arrimage est réalisé au travers d'un décret «portant réorganisation de l'Office du parc national du Tassili» et non d'un décret de création du parc national du Tassili n'Ajjer.
Dans les faits, il s'agit de la création d'un nouveau «parc national», avec d'autres limites et un autre contenu. Nous passons du «Parc national du Tassili», correspondant au territoire de la commune de Djanet, avec une surface d'environ 4 000 km2, au «Parc national du Tassili n'Ajjer», correspondant au Plateau du Tassili n'Ajjer, c'est-à-dire la wilaya d'Illizi, une partie de la wilaya de Tamanrasset, avec une surface d'environ 80 000 km2).
Cette nouvelle délimitation d'un parc, désormais appelé «parc national du Tassili n'Ajjer», qui se voulait en cohérence avec une unité biogéographique intelligible, le plateau du Tassili n'Ajjer, intégrant l'archéologique, le culturel et le naturel dans une vaste signification éco-culturelle, est contrariée par l'article 4 du même décret, qui énonçait que «le parc national du Tassili» est classé pour ses richesses archéologiques et pariétales» et qu'«il est placé sous la tutelle du ministre chargé de la Culture».(7)
L'article 7 du même décret disposait que «la mise en valeur du ‘'Parc national du Tassili'' doit être réalisée conformément à la classification en zones prévues dans l'article 4 du décret n°83-458 du 23 juillet 1983 fixant le statut-type des parcs nationaux. La définition et la délimitation de ces zones font l'objet d'un arrêté pris par le ministre de la Culture et du Tourisme dans le cadre du plan d'aménagement du parc». Il serait utile de s'arrêter, quelque peu, sur ce point, pour relever le niveau et la portée des contradictions dans le nouveau dispositif réglementaire du «parc national du Tassili n'Ajjer».
Considérant que les parcs nationaux sont «placés sous la tutelle du secrétaire d'Etat aux forêts et à la mise en valeur des terres» (art.1 du statut-type des parcs nationaux) et qu'ils sont «classés conformément à la loi relative à la protection de l'environnement» et «créés par décret» qui préciserait les limites territoriales du parc, le plan et le siège du parc (art. 2), nous ne voyons pas comment le ministre chargé de la Culture puisse établir un arrêté pour définir et délimiter des zones, consacrées par le statut-type des parcs nationaux, qui n'ont aucun ancrage dans l'ordonnance 67-231. Le «Parc national du Tassili n'Ajjer» ne fut jamais soumis au zoning prévu par la loi sur la protection de l'environnement et le statut-type des parcs nationaux, pour des raisons d'incompatibilités juridiques. Le ministre chargé de la Culture n'ayant pas les attributions en matière de protection de l'environnement et de la nature.
Dans son diagnostic sur le «Parc national du Tassili n'Ajjer», entre 1986 et 1987, B. Bousquet, un expert de l'Unesco, avait souligné, après une vingtaine d'années d'expertise, que «tout schéma classique de développement est inapplicable et synonyme de mal développement». A propos du zonage, il avait considéré que «l'étendue du parc (80 000 km2), la présence de centres de vie et celles d'activités pastorales nomades soumises à des règles ancestrales ne permettent pas d'enfermer le concept du zonage dans le cadre de définitions étroites». Il faisait allusion, ici, aux propositions de création de zones ou de réserves intégrales pour certains points à potentialités hydriques (oueds, gueltas) tels Imihrour, Iherir, Sersouf…
Il s'agissait de trouver un système de zonage pertinent qui ne risquerait pas, à terme, d'être source de dysfonctionnement et de déséquilibre écologique.
Le Parc national de l'Ahaggar (1987)
Le «Parc national de l'Ahaggar» n'a pas été créé en tant que territoire classé et délimité. Le décret n°87-231 du 3 novembre 1987 porte «création de l'Office du parc national de l'Ahaggar». L'article 5, ce décret stipulait, toutefois, que «le parc national de l'Ahaggar» est classé pour ses richesses archéologiques, pariétales, historiques, faunistiques, floristiques, géologiques et paysagères. Il est placé sous la tutelle du ministre chargé de la Culture». Là aussi, comme ce fut le cas pour le parc national du Tassili n'Ajjer, on se demande selon quelle procédure juridique un territoire de plus de 450 000 km2 ait pu être classé et/ou créé.(8)
Les parcs culturels : une nouvelle catégorie d'aire protégée (1998)
Le 15 juin 1998 fut promulguée la loi 98-04 relative à la protection du patrimoine culturel, qui exprimait une volonté politique d'ouverture et de réconciliation du citoyen avec son patrimoine culturel. Du concept «monument» et «site archéologique et historique», elle a accédé à celui, plus large, de «patrimoine culturel de la nation», en élargissant son champ d'application à la dimension immatérielle. Elle introduisit une nouvelle catégorie de bien, le «parc culturel» dont il faut analyser, ici, le contenu et la portée, pour s'accorder sur les entendements et dissiper des incompréhensions et des malentendus sur le sujet.
L'article 38 de cette loi dispose que «sont classés en parc culturel les espaces caractérisés par la prédominance et l'importance des biens culturels qui s'y trouvent et qui sont indissociables de leur environnement naturel». Le parc culturel repose ainsi sur quatre éléments de définition :
1- il est constitué par «des espaces» au pluriel ;
2- il est caractérisé par la «prédominance» des biens culturels (valeur quantitative) ;
3- il est caractérisé par l'«importance» des biens culturels (valeur qualitative) ;
4- les biens culturels, dument caractérisés, sont «indissociables de leur environnement naturel». Alors que les trois premiers éléments relèvent de mécanismes et d'outils prévus par la même loi (sites et monuments, réserves archéologiques…), le quatrième élément, qui renvoie à la dimension environnementale et naturelle, ne figure dans aucun dispositif de cette même loi qui, paradoxalement, s'est exclue, elle-même, de tout ancrage à la nature, à travers son article 106 : «(…) Sont exclus de l'inventaire général des biens culturels les sites naturels classés conformément à la loi relative à la protection de l'environnement susvisée».
Le parc culturel se trouvant ainsi placé en dehors du système des parcs nationaux et des réserves naturelles. Les actes de création et de délimitation du «parc culturel», selon l'article 39 de cette loi «interviennent par décret pris sur rapport conjoint des ministres chargés de la culture, des collectivités locales et de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des forêts après avis de la commission nationale des biens culturels».
Il peut paraître étrange qu'une «commission nationale des biens culturels» puisse donner un avis sur des caractéristiques environnementales et naturelles, celles surtout «écosystémiques», qui gouvernent l'«indissociabilité» culture-nature.
C'est l'article 28 de la même loi, qui tente de donner un semblant d'ancrage spatial au «parc culturel», en l'assimilant à un site archéologique, ce qui corrompt davantage sa signification intrinsèque, l'indissociabilité.
Cet article énonce que «les sites archéologiques sont définis comme des espaces bâtis ou non bâtis qui n'ont pas de fonction active et qui témoignent des actions de l'homme ou des actions conjuguées de l'homme et de la nature, y compris les sous-sols y afférents et qui ont une valeur historique, archéologique, religieuse, artistique, scientifique, ethnologique ou anthropologique.
Il s'agit notamment des sites archéologiques, y compris les réserves archéologiques et les parcs culturels.»
Il est entendu, ici, que les deux «parcs nationaux» de l'Ahaggar (450 000 km2) et du Tassili n'Ajjer (80 000 km2) ne peuvent se conformer à cet article, d'abord, parce que les parcs culturels sont des « organismes vivants» et ensuite parce que nous ne connaissons pas de sites archéologiques de cette dimension.
Les parcs nationaux du Tassili n'Ajjer et de l'Ahaggar demeurèrent régis par la loi de 1983 sur la protection de l'environnement et leur statut de parcs nationaux, jusqu'en 2010, avant de se convertir en parcs culturels, sur la base d'ancrages plus pertinents et d'une lecture «révisée» de la loi n°98-04.
Les parcs culturels et le Schéma national d'aménagement du territoire (Snat, 2010)
Les insuffisances constatées dans la loi 98-04 en matière de politique territoriale, notamment la problématique des parcs culturels, avaient été plus ou moins surmontées par l'introduction, dans la loi sur le Snat, de nouvelles significations spatiales et territoriales des patrimoines culturel et naturel, et la pertinence de leur indissociabilité.
Ainsi, parmi les huit impératifs de défense et de sécurité du territoire, prévus par le Snat, la valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel est érigée en dénominateur commun de l'unité nationale. La préservation et la valorisation du capital naturel et culturel du territoire constituent l'une des trois grandes exigences de l'organisation territoriale et des trois grandes échéances de l'organisation territoriale, l'échéance écologique.
Le système écologique et le système patrimonial sont placés parmi les six systèmes d'articulation du territoire.
Enfin, «le système patrimonial» est érigé en enjeu d'identité et de territoire : «L'organisation spatiale du système patrimonial doit faire ressortir la distinction entre l'aménagement de l'espace géographique qui colle à la réalité d'un découpage administratif et la fabrication permanente du territoire par les hommes porteurs d'identités et de cohésions sociales» (P.14).
C'est dans ce paradigme, et non plus dans celui porté par la loi n°98-04 (qui doit se mettre en conformité avec les enjeux d'identité et de territoire) que la notion des parcs culturels est soumise à réflexion qui dépasse, bien entendu, le niveau sectoriel.
Les sites et monuments naturels en Algérie, quel devenir ?
Nous revenons, ici, à l'article 106 de la loi n°98-04 portant protection du patrimoine culturel, qui avait exclu de l'inventaire général des biens culturels, les sites naturels classés conformément à la loi de 1983 relative à la protection de l'environnement.
Nous pensons que cette disposition a été mal comprise ou mal interprétée, au moment de la translation juridique de l'ordonnance n°67-281 vers la loi n°98-04. En effet, alors que tous les arrêtés de classement des biens culturels mobiliers et immobiliers, régis par l'ordonnance 67-281, sont repris, automatiquement, dans la loi n°98-04, les autres arrêtés relatifs aux monuments et sites naturels (soit 72 biens naturels, répartis sur tout le territoire national), se voient exclus, de fait, de toute protection juridique. Cette situation, anormale, est le résultat d'une mauvaise lecture de l'article 107 de la loi n°98-04, qui stipule que «sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, notamment celles de l'ordonnance n°67-281 du 20 décembre 1967 relative aux fouilles et à la protection des sites et monuments historiques et naturels». Dans une lecture juste et positive de cet article, il faudrait comprendre que l'ordonnance 67-281 n'a jamais été abrogée. Seules ses dispositions contraires à la loi n°98-04 le sont.
Or, les monuments et sites naturels — exclus du champ d'application de la loi n°98-04 – continuent, normalement, à être régis par l'ordonnance 67-281. Seul un déclassement, prononcé dans les mêmes formes que le classement, pourrait leur changer de statut.
Les «parcs nationaux» dans la loi relative à la protection de l'environnement du développement durable (2003)
En 2003, l'Algérie avait enregistré des avancées considérables, tant au plan de l'expertise et de la connaissance scientifique et technique que de celui de l'engagement de l'Etat dans l'effort national et mondial de protection de l'environnement et des ressource naturelles. La nouvelle loi sur la protection de l'environnement constituait une réponse, qui se voulait forte, du niveau d'engagement de l'Algérie à l'échelle internationale, un effort bien traduit par le nombre de ratifications aux conventions et chartes internationales.(9)
C'est sur cet édifice normatif international, notamment la nouvelle dimension «développement durable» et les différents agendas qui en sont ressortis, que la loi relative à la protection de l'environnement du développement durable (2003) a été pensée, en puisant ses ancrages dans le corpus juridique international plus que dans la réalité du paysage environnemental et naturel national. Une nouvelle terminologie est usitée, en décalage avec les catégories et les systèmes juridiques et institutionnels préexistants, telle la notion de «développement durable», les principes de pollueur-payeur, de précaution, de prévention et de correction…
C'est dans ce nouveau paradigme du développement durable qu'est relancée l'idée du «parc national», considéré comme une aire protégée soumise à un régime particulier de protection, à l'instar des «réserves naturelles intégrales», des «monuments naturels», des «aires de gestion des habitats ou des espèces», des «paysages terrestres ou marins protégés», des «aires protégées de ressources naturelles gérées» (art.25).
Les «parcs nationaux» dans la loi relative aux aires protégées dans le cadre du développement durable (2011)
Une nouvelle loi sur les «aires protégées dans le cadre du développement durable» est promulguée en 2011, en remplacement de la loi de 2003, relative à «la protection de l'environnement du développement durable». Elle a la particularité de se conformer aux statuts de l'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) ainsi qu'à son règlement, qui ont été approuvés par décret présidentiel en 2006 (décret n°06-121). Dans cette loi, le «parc national» est inscrit sur une échelle qui compte sept catégories : «parc naturel», «parc national», «réserve naturelle intégrale», «réserve naturelle», «réserve de gestion des habitats et des espèces», «site naturel», «corridor biologique» (art.4). Sur cette échelle, le «parc national» est défini comme «espace naturel d'intérêt national, institué dans le but de protéger l'intégrité d'un ou de plusieurs écosystèmes. Il a pour objectif d'assurer la conservation et la protection de régions naturelles uniques, en raison de leur diversité biologique, tout en les rendant accessibles au public à des fins d'éducation et de récréation» (art. 5).
Nous sommes loin des ancrages de la Charte d'Alger et celle de Maputo quant à la pertinence des objectifs du classement en «parc national». Sans préjuger des conditions et modalités de création de nouveaux parcs nationaux, en vertu de cette loi, la difficulté réside dans la mise en conformité des parcs nationaux existants (art. 45).
L'autre difficulté réside dans la soustraction des «parcs culturels» du champ d'application de cette loi. Dans l'énumération des catégories d'aires protégées, cette loi dispose dans son article 16, que «les parcs culturels sont exclus du champ d'application de cette loi». Cette sentence juridique, si elle a permis, momentanément, de délimiter les champs d'intervention des secteurs chargés de la culture et de l'environnement sur la question des aires protégées, elle a, cependant, créé une situation tout à fait nouvelle, qui a déconstruit, pour ne pas dire détruit, tout le montage historique, certes incohérent, d'un savoir et d'un savoir-faire scientifiques et institutionnels en matière de gestion des aires protégées.
Les aires protégées en Algérie : la dichotomie institutionnelle
Jusqu'en 1982, seuls les ministères de l'Agriculture et de l'Hydraulique encadraient les politiques de mise en valeur des terres et des ressources de la nature (faune, flore, eau), dans le cadre de la révolution agraire.
Il s'y développa une gestion particulière du domaine des forêts qui, dès 1980, est institué en secrétariat chargé des forêts et de la mise en valeur des terres auprès du ministère de l'Agriculture et de la Révolution agraire, puis en 1982 en secrétariat chargé des Forêts auprès du même ministère.
C'est dans ce cadre que s'élaboraient et se construisaient les idées et s'exerçaient les pratiques en matière de ressources de la nature et qu'étaient gérés les équipements et infrastructures légués par l'ancien colonisateur dans ces domaines, notamment l'héritage des 14 parcs nationaux.
Il faudrait attendre l'année 1983 pour voir apparaître, pour la première fois, dans le lexique gouvernemental, la notion d'«environnement», avec la nomination d'un vice-ministre chargé de l'Environnement et des Forêts, créé, non pas auprès du ministre de l'Agriculture et de la Pêche, mais auprès du ministre de l'Hydraulique. Cette reconnaissance gouvernementale de la dimension «environnement» est une traduction de la politique de mise en œuvre de la loi relative à la protection de l'environnement, promulguée en 1983, qui a introduit de nouveaux paradigmes et concepts, en harmonie avec les conventions internationales en matière de protection de l'environnement, qui vont au-delà des principes de conservation de la nature, allant jusqu'à inscrire le droit à l'environnement dans le registre des droits de l'homme. Ainsi, en Algérie, au lieu de consacrer la synergie et la complémentarité, un clivage de nature institutionnelle est créé entre un monde, enraciné dans la pratique et l'expérimental en matière de ressources naturelles, le secteur de l'agriculture, et un monde nouveau, celui de l'environnement, aussi nouveau que les concepts environnementaux, mû par des considérations et des approches fondamentalement théoriques et conceptuelles. S'agissant du secteur chargé de la culture, tutelle des parcs nationaux du Tassili et de l'Ahaggar, le clivage est encore plus profond.
Conclusion
Cette radioscopie des principales stations constitutives du processus de construction d'un système de conservation in situ de la nature, le «parc national», par la profondeur historique de ses contenus et la complexité des cheminements qu'il a empruntés, comparés aux efforts d'investissement politique, financier et surtout scientifique consentis ainsi qu'aux impacts qu'il a produits en matière de conscience et de responsabilité environnementale et écologique, est une sorte d'aide-mémoire, une compilation de faits juridiques et institutionnels, non encore bien structurés, qui pourraient, avec le recul nécessaire, servir à réaliser la cohérence d'une approche, qui devra dépasser la perspective sectorielle pour accéder à la formulation d'une politique environnementale globale, assise sur un préalable méthodologique : ce qu'il ne faudrait plus faire.
D. B.
7) En 1987, un arrêté d'ouverture d'instance de classement (OIC) avait été pris pour classer le Tassili n'Ajjer en site préhistorique, en vertu de l'ordonnance 67-231 (J. O. n°41 du 7-10-1987). Ce classement n'a jamais été confirmé.
8) Deux arrêtés d'ouverture d'instance de classement (OIC) avaient été pris en 1987 pour classer le Parc naturel et culturel de l'Ahaggar en site naturel et Abalessa et le tombeau (site protohistorique de Tin-Hinan) en site préhistorique (J.0. du 7-10-1987). Ils n'ont jamais été confirmés.
9) Particulièrement l'adhésion de l'Algérie, en 1992, à la convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone ; l'adhésion au protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone ainsi qu'à ses amendements ; la ratification, en 1993, de la convention sur les changements climatiques, la ratification de la convention sur la diversité biologique signée à Rio de Janeiro ; la ratification du protocole de 1992, modifiant la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ; l'adhésion avec réserve à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination.


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