Le film documentaire Juba II du réalisateur Mokrane Aït Saâda, qui sera présenté en avant-première samedi en fin d'après-midi à la cinémathèque de Tizi-Ouzou, retrace l'épopée d'un roi bâtisseur, pacifiste et savant. Ce film de 56 min, projeté dans la matinée en exclusivité pour l'APS, s'ouvre sur un plan de la mer, la Méditerranée, qui sépare et unie à la fois, deux Etats, Rome et la Numidie. Une scène de sac et de ressac qui introduit déjà le spectateur dans le parcours de Juba II entre la Numidie où il est né et régné, et Rome où il a été élevé après avoir été enlevé. Mokrane Aït Saâda, également auteur du scénario de ce documentaire-fiction, rappelle brièvement la fin du règne du Juba I en 46 avant J.-C. après la bataille de Thapsus qu'il mena contre César et l'enlèvement de son fils Juba II alors âgé de 5 ans arrachés des bras des sa mère, par de soldats romains pour qu'il soit conduit à Rome comme trophée. Après une enfance dorée à Rome, où il fut éduqué par la sœur de l'empereur Octave, il retraversa la Méditerranée dans l'autre sens pour revenir en Afrique du Nord où il sera intronisé par Rome à l'âge de vingt-cinq ans, roi de Maurétanie. Juba II choisit Césarée (actuelle Cherchell) comme capitale, choix dicté par sa position géographique sur les bords de la Méditerranée, une ouverture sur la mer lui permit de développer le commerce avec les pays de la rive nord de la Méditerranée tels la Gaule, l'Italie, l'Espagne et la Grèce. Tout au long du documentaire, l'historien Abderrahmane Khelifa endosse le personnage de Juba II pour accompagner en off les images dans une sorte de récit autobiographique, entrecoupé par l'intervention de spécialistes qui expliquent certains faits historiques du parcours de ce roi amazigh et son œuvre dont la construction de grands édifices dont des bâtiments, des théâtres, sa contribution au développement du commerce extérieur, de l'agriculture et des arts et du savoir. Juba II écrivit plusieurs œuvres dont la plus connue est Libyca en plusieurs volumes, consacrés à son pays natal. De ses œuvres, il ne reste que quelques fragments rapportés par des auteurs anciens. C'est lui qui donna le nom d'Euphorbe du nom de son médecin grecque qui a découvert cette plante et ses vertus médicinales, rappelle le documentaire. L'un de moments forts de ce documentaire est la rencontre (dans deux scènes) entre Takfarinas et Juba II, le premier demandant au roi de se joindre à lui pour combattre l'occupant romain, le second plaidant en faveur d'une paix avec Rome beaucoup plus puissante militairement. C'est d'ailleurs, les seuls passages de la partie fiction de ce documentaire que le réalisateur a habillé d'un dialogue, «pour donner plus de présence d'intensité à ces deux scènes», a expliqué M. Aït Saâda. Juba II a été «élevé et façonné par Rome qui l'a intronisé roi de Maurétanie, il ne pouvait donc pas, de par sa position, se rebeller contre les Romains. Aussi avait-il les moyens de mener une guerre contre Rome». Takfarinas était, par contre, le rebelle qui s'est opposé militairement à la présence des Romains. Les scènes ont été tournées dans un décor reconstituant le bureau de Juba II, dans le Musée des antiquités, à Cherchell et à Tiaret, pour une scène montrant Juba II chevauchant pour aller à la rencontre de Takfarinas, a-t-on appris du réalisateur. Evoquant le manque de moyens financiers qui limite l'ambition du réalisateur, Mokrane Aït Saâda a lancé un appel à tous ceux qui ont les moyens de contribuer à la réalisation de ce genre de films qui nécessitent beaucoup de recherches, des reconstitutions des costumes et des décors de l'époque et qui coûtent très cher. «Jusqu'à présent, nous n'avons que la subvention du ministère de la Culture et très peu d'institutions et de sponsors viennent à notre aide», a-t-il dit. Les décors et accessoires de ce film en tamazight, sous-titré en français, sont signés Mohand-Saïd Idri et Samir Terki, de l'Ecole des beaux-arts d'Azazga, les costumes sont d'El Boukhari Habbel. On retrouve l'acteur Dahmane Aidrous dans le rôle de Juba II, Aldjia Belmessaoud, dans celui de Séléné, et Slimane Grim, dans celui de Takfarinas.