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L'instinct de mémoire
Algérie, chronique photographique de Ammar Bouras
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 02 - 2019

Ammar Bouras est plus connu comme artiste-plasticien que pour ses talents de photographe. Pourtant, l'année dernière, la galerie Espaco accueillait son exposition bouleversante de photos sur les essais nucléaires français dans le désert algérien. Et un an plus tard, un beau livre vient de paraître chez les éditions Barzakh : 1990-1995 : Algérie, chronique photographique.
Le livre présente plus de cent trente photographies en noir et blanc, prises essentiellement à Alger entre 1990 et 1995, alors que Ammar Bouras était à la fois étudiant aux Beaux-Arts et reporter pour Alger Républicain. Meetings et manifestations du FIS, du FFS et du MSP, grèves, rencontres sportives, événements politiques, scènes du quotidien…
L'époque est propice pour féconder l'œil du photographe : chaque jour charrie ses «bruits» et ses «fureurs», sème à la fois espoirs, menaces et désarroi et le temps s'enlise paradoxalement dans une espèce de léthargie qui jure avec le vacarme alentour. Au milieu des foules, Ammar Bouras, la vingtaine bien entamée, ressent le besoin de prendre des photos. Pour témoigner ? Figer des instants fugaces et des atmosphères anxiogènes ? Garder la trace d'un présent trop complexe en espérant le comprendre un jour ? Conserver un matériau pour des travaux artistiques à venir ? L'historienne Malika Rahal, qui a rédigé la préface, y voit un «réflexe instinctif du photographe» qui, probablement désarmé face à la violence naissante ou déjà affirmée, «incapable de la comprendre et de l'analyser», sent tout de même la nécessité impérieuse de réagir par le seul moyen possible : déclencher. Or, loin de ce que certains pourraient attendre d'un tel ouvrage, il ne s'agit nullement d'images d'épouvante, de cadavres et de sang giclé sur le pavé, en somme l'iconographie dominante de cette période. Bien au contraire, Ammar donne à voir ce qui pourrait apparaître pour un regard d'aujourd'hui comme la marge mais qui, finalement, raconte la vie durant ces années-là et probablement en dit plus sur elle que des centaines de clichés sensationnels.
Ainsi, en 1990, année où rien ne fut véritablement tranché mais où la ville respirait déjà une odeur de soufre, nous regardons Hocine Aït Ahmed perché sur une fenêtre de l'hôtel Essafir suite à la marche à laquelle le FFS avait appelé contre la bipolarisation «FLN-FIS» du paysage politique ; puis une double page s'ouvre sur le rire de Abdelhamid Mehri et le visage impassible de Nelson Mandela lors de la visite de ce dernier à Alger trois mois après sa libération ; ensuite, une photo cocasse d'un citoyen hissé sur un lampadaire au boulevard Zighoud-Youcef pour assister au retour d'Ahmed Ben Bella après dix ans d'exil ; et en l'espace d'un match de foot et d'un combat de boxe, nous voilà en 1991. L'ambiance change. L'odeur de soufre se densifie, le brouhaha des marches se fait plus caractéristique : on manifeste pour l'Irak et contre la guerre du Golfe, on va écouter Ali Benhadj, on occupe la rue qui devient une mosquée géante et on réclame une élection présidentielle anticipée, on affronte les forces de l'ordre, les pages muettes du livre semblent soudain lâcher les échos de «Alayha nahya ou alayha namout», le RCD marche aussi et on voit un Amara Benyounès bien méconnaissable (dans les deux sens du terme) aux côtés d'un Saïd Sadi sur une tribune, Abdelkader Hachani, leader du FIS, tient un meeting au cinéma «Afrique», la campagne pour les législatives bat son plein et certains panneaux sont tagués du mot «kafir» (apostat), le chef du gouvernement Sid Ahmed Ghozali dispute une partie d'échecs avec une femme voilée, Saïd Mekbel tient entre ses mains sa page satirique «El Ghoul» ; des femmes et des hommes semblent passer une belle soirée ramadanesque au musée des Beaux-Arts ; le plasticien Denis Martinez fête son anniversaire avec ses étudiants ; le coureur Noureddine Morceli fait ses exercices à Bouchaoui quelques jours après avoir établi le premier record du monde dans sa discipline… Nous sommes déjà en 1992 et Ammar Bouras traque les moindres soubresauts d'une ville qui se prépare à plonger pour un long moment : il est face à des manifestants FFS protestant contre l'arrêt du processus électoral ; il va dans un rassemblement de femmes au cinéma «Afrique» ; il tire le portrait de Ali Dilem, Rachid Boudjedra et Cheb Khaled ; il suit Mohamed Boudiaf à Annaba où il capturera cet ultime moment d'avant la détonation ; il assistera aux répétitions de Sonia pour la pièce Journal d'une femme insomniaque. 1993, la marche funèbre commence : une fillette juchée sur les épaules de son père brandit un drapeau algérien alors qu'une jeune fille tient une photo à l'enterrement de Djilali Lyabès assassiné la veille ; mais pour la suite de l'année, Ammar s'engouffre dans les endroits où la vie chantonne encore : une chambre d'étudiants des Beaux-Arts, une imprimerie où un magazine voit le jour, un défilé de mode, un stade de foot…
Et puis, un jour devant sa télévision en octobre 1995, l'artiste tombe sur l'émission «Confession d'un terroriste», programmée régulièrement avant le journal de 20h. Il est question d'aveux détaillés, de descriptions macabres illustrées par des images de massacre et suivies de témoignages de victimes. Là encore, l'instinct prend le dessus : Ammar Bouras saisit son appareil photo et rafale le petit écran.
Vingt-trois ans plus tard, ces images peuvent être déchiffrées avec un certain recul ; elles arborent à la fois une valeur historique, une réflexion quasi-involontaire sur la marche du monde et une esthétique intimiste et vaporeuse qui parvient à préserver une part de mystère et d'invincibilité à ces visages, ces corps et ces regards pris dans le tourbillon d'une guerre civile.
Sarah H.


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