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Le mouvement populaire et l'effet Pygmalion
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 04 - 2019


Par Mohand Amara(*)
Les espoirs fous que suscite la dynamique populaire actuelle nous obligent à faire tout notre possible aux fins d'éviter les impasses et les échecs fatals. Les risques et les dangers qui guettent ce mouvement sont en fait multiples et énormes.
Il est primordial de s'en prémunir pour que ces espoirs fous ne deviennent pas de… faux espoirs. Il est vrai que le mouvement, tant par sa forme que par son ampleur, constitue un phénomène sociopolitique inédit à tous égards. Les manifestations de rue, imposantes par le nombre de participants et extraordinaire quant à leur organisation, ont fini par séduire les plus sceptiques des observateurs aussi bien en Algérie qu'à l'étranger. La résignation et la longanimité d'esclave semblent avoir cédé subrepticement le pas à l'optimisme et à la révolte. Tout le monde s'est mis à y croire tout en voulant être l'acteur de son destin. Faut-il pour autant crier victoire et prononcer l'oraison funèbre sur le cadavre du pouvoir en place ? Sans vouloir mettre des bémols à la ferveur populaire et aux espoirs ressuscités, le régime en place n'est pas près encore d'aller faire son chant du cygne... Il l'a déjà fait savoir d'ailleurs à travers ses manœuvres et ses mises en scène dilatoires.
Dans ce sens, il est nécessaire de penser les événements et de porter un regard rationnel et prospectif sur la situation actuelle en prenant en compte tous les éléments en présence, sociologiques, économiques et politiques. Car comme disait Lénine : «Il ne pourrait pas y avoir de révolution sans théorie révolutionnaire.» Les exemples de soulèvement ayant abouti sans direction ni stratégie sont, pour ainsi dire, inexistants. Quand bien même les manifestations du mouvement sont belles et chatoyantes et quand bien même le ras-le-bol du peuple est évident, la partie est loin d'être gagnée. Aussi le miracle que certains ont cru voir dans cette fulgurante expression citoyenne pourrait-il s'avérer n'être qu'un mirage... En vérité, qualifier les événements présents de révolution (en gestation), c'est aller vite en besogne et manquer de discernement politique. Pourquoi ? Tout simplement parce que les conditions subjectives ne sont pas encore tout à fait réunies. La réalisation des conditions objectives est un facteur essentiel mais insuffisant pour la réussite d'une révolution. Quoi qu'il en soit, l'évidence est là : nous sommes devant une fin de cycle politique. Le changement est dès lors possible à condition que la communion populaire demeure en l'état. Il est de la responsabilité de chacun de veiller à la pérennité de cette ferveur insoupçonnée et de cette lueur d'espoir qui parcourt en filigrane toutes les manifestations que connaît, ces derniers temps, le pays en entier. La survie de cette dynamique prometteuse dépend fondamentalement de la pérennité de cette passion délirante qui anime le peuple et de l'attachement de celui-ci à cette cause qu'il est résolu à porter de façon impromptue.
Les derniers développements intervenus début avril, avec la mise en place d'un nouveau gouvernement fantoche, renseignent suffisamment sur les velléités du régime d'organiser sa régénération... en douceur. L'entrée en scène de cette équipe «réserve» avec en vedette des ronds-de-cuir, des saltimbanques et autres prébendiers, au-delà de son caractère saugrenu, rend compte de l'entêtement des décideurs à louvoyer et à s'accrocher au gouvernail. Une manière de se foutre de la gueule du peuple. Quant à la démission de Bouteflika, actée par une lettre apocryphe comme ses précédentes, même si elle met fin à une usurpation de fonction qui n'a que trop duré, elle n'aura servi au fond qu'à déplacer le centre du pouvoir vers l'armée.
En parallèle à cette passation de pouvoirs, le régime s'emploie à déplacer le débat... en suggérant que la solution est dans le ravalement des façades à la faveur de quelques procès expéditifs et des élections à l'africaine. C'est dire qu'on n'est pas encore sorti de l'auberge.
L'intronisation récente de Bensalah — personnage inconstitutionnel en soi — dans la fonction présidentielle n'est qu'une preuve supplémentaire que les contempteurs du peuple sont toujours aux commandes…
D'évidence, les tenants du pouvoir espèrent avoir raison de l'actuel mouvement populaire en misant sur les professions de foi mielleuses, les effets d'annonce, les divisions et l'usure du temps. Leur parade est, pour l'instant, de vider les slogans de la rue de leur sens politique en essayant de donner le change à travers des mesures insidieuses. À terme, la finalité est le détournement du mouvement de ses objectifs stratégiques. Assurément, pour y arriver, le noyau dur du régime ne fera l'économie d'aucun argument ou artifice : infiltration, noyautage, manipulation, mystification, violence...
Le talon d'Achille du mouvement — et qui par endroits peut être sa force — semble résider dans l'absence d'une organisation qui le porte. En ce sens, des campagnes sont menées, notamment sur les réseaux sociaux, en faveur de certaines figures médiatiques présentées comme les seules capables de conduire le mouvement et de mener la transition à bon port. Il se trouve cependant que beaucoup des noms suggérés sentent le roussi ou font partie carrément de l'arrière-garde du régime en place.
Au reste, le casting est d'autant plus suspect qu'il n'offre pas de place à certaines gens qui ont véritablement eu maille à partir avec le pouvoir et qui, plus est, n'ont pas de fil à la patte, et ce, à l'instar d'un Benyoucef Mellouk et d'un Djilali Hadjadj ; quelques-uns parmi d'autres voués aux gémonies pour leur dénonciation de la corruption au sein de la nomenklatura. En fait, si la structuration du mouvement est à ce point problématique, c'est parce que les vrais opposants, dans leur majorité, ont été usés par les incessants coups (de Jarnac) qui leur sont portés de toutes parts tandis que les apparatchiks et les militants du caviar (ou du cachir) sont promus au rang d'icônes à la faveur des jeux de rôle et des effets de substitution mis en place par le régime. Disons que, pour paraphraser le poète assassiné Lounès Matoub, on est dans un monde «où les meilleurs ont disparu, isolés ou vaincus, et les médiocres ont pris des allures d'astres scintillants» ! (Album : Regard sur l'histoire d'un pays damné, 1991). Le mieux serait donc de laisser se faire la décantation... sans perdre de vue l'essentiel.
L'essentiel est, en somme, de maintenir le cap jusqu'au départ du régime. S'il y a un slogan qui fait consensus et qui est devenu un leitmotiv dans toutes les marches, c'est incontestablement : «Système dégage !» Ce faisant, il est impératif d'expliciter ce mot d'ordre portant «démantèlement du régime» de façon à lui donner une signification concrète et sans équivoque, et éluder du coup les solutions vicieuses qu'opposent les tenants du pouvoir. Il faudrait, pour ainsi dire, traduire cette revendication prégnante à travers la mise en œuvre d'une feuille de route plus ou moins simple et pragmatique. Cette feuille de route pourrait s'articuler autour de deux axes : la mise en place, d'une part, d'un gouvernement de transition constitué de personnalités indépendantes du pouvoir et, d'autre part, l'élection libre d'une assemblée constituante à même de consacrer, dans une nouvelle Constitution, un ordre démocratique participatif et une séparation rigide des pouvoirs (notamment à travers : la suppression du tiers bloquant au Sénat, la révision du mode de nomination des magistrats et la protection de l'APN des menaces de dissolution abusive).
En outre, cette phase transitoire doit s'accompagner de la dissolution du Parlement, de la police politique ainsi que la refondation de tous les partis politiques. Aussi tant que le mouvement n'aura pas conceptualisé son rejet du système, tant que ses cris seront perçus comme des mussitations d'un corps souffrant, le pouvoir ne cessera pas d'user de manœuvres dilatoires. En feignant répondre aux revendications de la rue, les tenants du pouvoir ont déjà dégainé leur solution à l'emporte-pièce : une conférence nationale qui serait un remake de l'épisode du CNT en 1992 avec à la clé des présidentielles ficelées de bout en bout.
La boucle serait ainsi bouclée... Aussi le blocage pacifique des élections programmées doit-il être inscrit dès à présent sur les tablettes du mouvement.
La réalisation de l'objectif stratégique assigné au mouvement exige, au-delà de la mobilisation, un engagement individuel à toute épreuve. Toute entreprise d'émancipation générale implique, en fait, un travail de longue haleine et nécessite une forte faculté d'anticipation. Or, ces temps-ci, on assiste parfois à une certaine improvisation et un tropisme souvent inconséquent. Les actions intempestives et la gabegie d'énergie — on l'a vu dans le passé — ne mènent la plupart du temps à rien... si ce n'est à l'épuisement inutile et prématuré. Bref, laconisme et parcimonie doivent toujours être les maîtres-mots de cette dynamique citoyenne. Plus que le déficit de structuration, ce qui peut, à terme, gêner le mouvement, c'est la banalisation et la lassitude qui peuvent découler du statu quo et l'absence de perspectives. C'est à juste titre, en effet, que le Che disait : «La révolution, c'est comme une bicyclette ; si elle ne roule pas, elle tombe.» Il est temps, à défaut de structuration, de lancer la tenue de forums après les marches du vendredi, et ce, pour débattre des perspectives du mouvement et des moyens d'y parvenir.
À terme, ces forums pourront donner naissance à des cercles de réflexion et d'action au niveau de chaque région. Toute l'élite et tous les militants politiques doivent s'y investir. Pour une fois que le peuple entier s'est levé comme un seul homme, l'élite doit se hisser à la hauteur de cet ultime défi historique. L'enjeu est incommensurable ; c'est celui d'éviter à toute une nation un naufrage et d'engager le pays sur la voie de sa renaissance. Les menaces qui pèsent sur le mouvement sont très nombreuses. Il est semblable à un navire naviguant à vue... et que les naufrageurs veulent à tout prix faire échouer contre les rochers du rivage. Mais, malgré tout, l'espoir demeure présent. Une présence évanescente, certes, mais qui fait chaud au cœur. Si tout un peuple vaillant veut croire en sa force, l'illusion pourrait devenir réalité.
Quoi qu'il arrive, sauvegardons le caractère pacifique du mouvement ! Pour le reste, nous pouvons toujours compter sur l'effet… Pygmalion.
M. A.
(*) Militant de la liberté et de la citoyenneté.


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