Un an après la percée des pourparlers pour une résolution de la crise au Yémen, l'ONU salue une évolution de ces négociations vers la paix malgré les revers. «Lorsque les belligérants au Yémen se sont réunis à l'extérieur de la capitale suédoise en décembre 2018 pour des pourparlers sous l'égide de l'ONU, ils ont montré qu'il pouvait y avoir un moyen de sortir d'un conflit brutal et de la pire crise humanitaire au monde», a déclaré cette semaine l'envoyé spécial des Nations-Unies pour ce pays, Martin Griffiths. Pour la première fois en deux ans, le gouvernement reconnu internationalement et les représentants du mouvement «Ansarullah» dits Houthis se sont retrouvés autour de la table de négociations pour discuter face à face. «Nous sommes sortis des pourparlers de Suède très motivés par le fait que, pour la première fois, les deux parties avaient conclu un accord volontaire entre elles. Nous en étions donc très heureux», a déclaré Martin Griffiths, dans un entretien à ONU Info pour faire le point sur l'Accord de Stockholm, le résultat historique de ces pourparlers il y a un an. L'accord de Stockholm a abouti à un cessez-le-feu dans le port d'Hodeïda, au bord de la mer Rouge. Ce port, tenu par les Houthis mais contesté, est vital pour le flux d'aide alimentaire et humanitaire au Yémen. «Des vies ont été sauvées, le programme humanitaire a été protégé, et je pense que cela a également montré que les parties pouvaient s'entendre sur une autre façon de sortir d'une crise», a déclaré M. Griffiths lors de cet entretien réalisé avant des consultations à huis-clos du Conseil de sécurité sur le Yémen à New York jeudi. Cependant, il a indiqué que des négociations étaient toujours en cours sur les redéploiements pour «démilitariser» Hodeïda, où les forces gouvernementales et les Houthis ont respecté en grande partie tout au long de l'année le fragile cessez-le-feu. Martin Griffiths a néanmoins fait part de sa «profonde déception» devant l'absence de progrès concernant l'échange de prisonniers, l'un des éléments clés de l'accord. «Beaucoup de gens, et je suis l'un d'entre eux, pensent que nous aurions pu faire un bien meilleur travail de mise en œuvre de l'Accord de Stockholm au cours de ces 12 mois», a-t-il déclaré. Le conflit au Yémen a provoqué la pire crise humanitaire au monde et a poussé le pays au bord du déclin économique. Selon le Bureau des Nations-Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 24 millions de personnes, soit 80% de la population, ont besoin d'aide. «Ce sont les raisons pour lesquelles la paix est si désespérément nécessaire au Yémen», a déclaré M. Griffiths. «S'il y a un argument en faveur de la nécessité d'accélérer les efforts pour trouver une solution politique à cette guerre, ce sont ces personnes, ces familles, qui souffrent quotidiennement des effets des conflits», a-t-il dit. «Mais toute solution politique dans n'importe quel conflit est extrêmement difficile», a-t-il ajouté. M. Griffiths possède une vaste expérience en matière de diplomatie et a précédemment été conseiller de trois envoyés spéciaux du secrétaire général des Nations-Unies pour la Syrie. Passer de la guerre à la paix exige une volonté politique, qu'il a décrite comme un «changement» dans la façon dont «les parties ennemies voient la victoire et se perçoivent les uns les autres». «Ce qui se passe actuellement au Yémen, c'est qu'enfin, nous commençons à voir ce changement se produire», a-t-il souligné. «Nous commençons à voir dans le cœur et l'esprit de ceux qui prennent des décisions concernant la guerre, le désir de faire la paix et la reconnaissance à un niveau fondamental qu'il n'y a aucune perspective d'avantage militaire, qu'il n'y a rien à gagner sur le champ de bataille». Le Bureau de l'envoyé spécial des Nations-Unies collabore avec des organisations de femmes et la société civile au Yémen. Son groupe consultatif des femmes s'emploie à faire en sorte qu'elles fassent partie des futures négociations en vue d'un accord de paix. «Le pouvoir de la transition, et la pertinence de la transition après une guerre civile, est qu'elle permet à ceux qui ont été marginalisés par la guerre, qui ne font pas partie de ceux qui prennent des décisions sur la façon de mener la guerre - les femmes en sont un exemple évident - de retrouver leur place au cœur de la vie publique», a expliqué M. Griffiths. Malgré les difficultés signalées dans la mise en œuvre de l'accord, il a déclaré qu'il était «encore un peu tôt» pour dire que cela ne fonctionnait pas. «Plus important encore, je pense que nous pouvons voir qu'il y a un intérêt à la fois du gouvernement du Yémen et du Conseil de transition du Sud pour le faire fonctionner. Peut-être pas sous tous ses aspects, mais suffisamment pour nous permettre, dans notre processus de l'ONU, de servir de médiateur pour mettre fin au conflit», a-t-il conclu.