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La condition humaine mise en confinement
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 05 - 2020

Par le Dr Boudjemaâ Haichour, chercheur universitaire
Jamais dans l'histoire de l'humanité il n'y a eu un tel emprisonnement face à une épidémie qui a surpris le monde de la science et la gouvernance sanitaire. Les courbes illustrant l'avancée de la pandémie n'ont pu montrer de décrue. La condition humaine est sous le choc. La menace de la mort qui guette l'humain le rend à sa propre dimension de roseau pascalien, vulnérable et pourtant être pensant. La comptabilité macabre rajoute chaque jour à la fois le doute et parfois la désespérance. Les statistiques confirment quotidiennement l'extension puis le repli de l'épidémie.
Science et gouvernance au chevet de la pandémie
Tous les laboratoires se mettent à l'œuvre pour trouver le remède miracle et atténuer la marche de ce fléau. Le mal continue de frapper à chaque porte et les cercueils ne trouvent plus de personnes pour les accompagner vers les cimetières. Comme si le deuil lui-même était endeuillé.
Les rues sont désertes offrant un spectacle de désolation. Le couvre-feu est institué parfois comme un état de siège. La nature seule montre sa puissance céleste devant une dégradation morale de l'homme, incapable de montrer sa capacité à se frayer le chemin de l'espérance.
Se frayer le chemin de l'espérance
Les cités sont refermées sur elles-mêmes. Les frontières totalement plombées. Plus personne ne voyage, ne rentre ou ne sorte. Toutes les villes sont ensevelies sous un linceul, comme si le monde se meurt.
L'intérieur des maisons devient un lieu de prière car les mosquées et les églises ne peuvent regrouper les croyants et les fidèles par peur de contamination. L'homme est face à son Dieu par ses implorations et ses invocations. Toutes les religions monothéistes et les autres croyances sont à la recherche d'une clémence divine de Celui qui a créé ce monde et cette humanité. La mise en quarantaine des personnes infectées donne l'idée d'un univers concentrationnaire. C'est le temps où la seule délivrance est de psalmodier les versets du Coran ou de relire, pour les gens du Livre, les cantiques, les psaumes ou autres invocations bibliques. Les hommes viennent tous d'Adam et Eve. Point de ségrégation qu'il soit Noir ou Blanc.
Dans la variété des langues parlées, chacun prie à sa manière. C'est en quelque sorte un confort spirituel, un appel à la vie. Pour certains, c'est le temps de la lecture. Relire par exemple La peste d'Albert Camus est une façon de voir comment une ville comme Oran a vécu durant les années quarante cette épidémie tragique. «La mort est malvenue à Oran, ville dédiée à la vie et pour le malheur des gens et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse», dira-t-il !
Mourir dans une cité heureuse
Comment dans une ville des Roses comme Blida, cette pandémie que nous vivons aujourd'hui a commencé son irruption là où la population était dans la joie de vivre pour la mettre dans un isolement total par peur de contamination ? Est-ce la même métaphore que la peste de Camus ? Pourtant, c'est toute l'humanité qui s'est réveillée depuis Wuhan à vivre ce malheur frappant par milliers les êtres humains.
Sommes-nous dans une condition humaine faite à l'homme qui le confronte indéfiniment au malheur récurrent ? Nous sommes dans le romanesque à la manière de Camus. «Il y a de la honte à être heureux lorsque les autres souffrent.» Comment resserrer alors les liens affectifs entre les Hommes pour favoriser le sentiment d'unité, de fraternité et de solidarité humaine?
Renforcer le sentiment de solidarité humaine
Tels étaient les témoignages de solidarité faits à la population de Blida par toutes les régions du pays au lendemain du confinement total. La provenance de l'épidémie de coronavirus sont des souches virales importées de France et semblent être d'origine inconnue. On peut bien relater les événements vécus lors des épidémies qu'a connues notre pays. Le Pr Laveran, à partir de Constantine, a reçu le prix Nobel lorsqu'il a découvert le parasite d'une épidémie. Nombreuses sont les épidémies, notamment du choléra, qui se sont abattues sur le pourtour de la Méditerranée créant des maladies épidémiques qui ont ravagé les populations.
L'Algérien en souvenir des pandémies de nos ancêtres
Les gens mouraient par milliers car pour le choléra la mort survient 48 heures après une incubation de quatre jours, nous disait Pr L. Abid de la Faculté de médecine d'Alger dans une communication faite le 4 décembre 2006 en parlant des épidémies de choléra en Algérie au cours du XIXe siècle. La première épidémie de choléra est survenue en septembre 1834 à l'hôpital militaire d'Oran. Et c'est par la mer qu'il pénétra (immigrants venant de Carthagène et de Gibraltar) puis se propagea dans la ville par manque d'hygiène, par misère et malnutrition. On décida de mettre sous quarantaine tous les bateaux provenant d'Oran, d'Arzew, de Mostaganem. Le fléau s'étendra à Mascara, Mostaganem, Médéa, Miliana où des centaines de victimes sont atteintes. Il y a eu aussi le choléra de 1835 dans l'Algérois. Alger est atteinte par une épidémie importée de Marseille par les vaisseaux le Triton et la Chimère. En 1837 c'est le tour de Miliana, de Chlef et Cherchell où la contagion s'est faite depuis l'embarquement de bataillons de soldats à Marseille. La contagion va gagner Alger, Sour El-Ghozlane (Aumale), Boussaâda.
Le 16e bataillon atteint Annaba et va contaminer le corps expéditionnaire de Constantine, et ensuite toute la ville et ses environs à partir du 13 octobre 1837, date d'occupation lors du siège de la deuxième bataille. En 1839, presque toute la Mitidja est infectée par les soldats français porteurs de ce mal. C'est le général Changarnier qui en mesure l'état de désolation parmi ses soldats qui meurent et la population civile avec.
Ces épidémies transportées dans les bagages du colon
En 1846, c'est une nouvelle épidémie ramenée par le bateau le Pharamond embarqué depuis le port de Marseille et qui va propager l'épidémie à Alger. Les morts se comptent par milliers. La malédiction frappe à nouveau Oran en 1849 où il est impossible de sortir de chez soi.
Le choléra a marqué les esprits par centaines de morts fauchant le huitième de la population dans l'Oranie, selon Pauline de Noirefontaine, rapporte le Pr L. Abdi dans sa communication. «Le monstre sévit avec fureur, tellement aveugle, qu'il frappe indistinctement jeunes et vieux, faibles et forts, pauvres et riches, sans distinction d'âge ou de fortune.» C'est de France que nous arrivent ces malheurs, dira le conférencier. Les migrations de populations vont accélérer son extension. C'est à Oran à nouveau que l'épidémie éclate de façon foudroyante le 4 octobre 1849. Toutes les tribus arabes avoisinantes vont être fortement atteintes (Messerghine, Valmi, Sidi Chahmi, Oran, Mostaganem).
Le bilan des décès établi par le général Pélissier était de 882 militaires, 2472 civils dont 1512 Arabes, 2498 décès Mostaganem, 662 à Oran, 182 à Tlemcen, 132 à Sidi Bel-Abbès, 26 à Mascara. Pour perpétuer ce souvenir du 4 novembre 1849, les autorités coloniales ont construit leur chapelle édifiée sur le mont de Santa-Cruz.
L'existentialisme de Camus et la peste dans l'Oranie
L'Oranie va encore vivre l'épidémie en 1851 et 1854. Des militaires venant de Métropole vont répandre le choléra.
Cette fois-ci forts de l'expérience passée, l'épidémie a été jugulée grâce au corps médical et paramédical, le drainage des eaux usées et de la mise en quarantaine des passagers jugés suspects. De nouveaux colons venus du nord de la France et d'Allemagne avaient contaminé d'autres endroits tels Aïn Témouchent chez les tribus arabes Ghrabas et les Smalas.
Encore en 1854, le choléra frappe Alger et Constantine. Dès le 29 juillet 1854, à Alger, est appliquée la quarantaine aux paquebots accostant au port et aux voyageurs au Lazaret de Bab Azzoun. Un hôpital spécial pour cholériques a été aménagé dans une habitation en bord de mer. Cette épidémie a duré trois mois et demi et entraîné 579 décès civils sur 1133, soit 51%.
Toute l'Algérie face à la pandémie des siècles
A Skikda, à partir du 11 juillet 1854, l'épidémie a fait 1821 morts sur 6 200 habitants dans la ville et ses environs, tous des passagers venus de Marseille. Dans la région de Batna aussi, celle-ci avait souffert du choléra en 1867. Le 11 juillet 1867, il y a eu l'épidémie de choléra asiatique mélangé à des cas de fièvre pernicieuse chez les Ouled Amor, dans les tribus du Hodna où il y a eu 85 décès.
Puis ce fut le tour de Biskra avec 65 décès. Les services sanitaires ont restreint les communications entre régions infectées. Ce confinement est resté plus de trois mois.
Les marchés hebdomadaires étaient fermés. Des postes de surveillance ont été installés pour interdire la mobilité inter-régions. Cette façon d'opérer a réduit considérablement le nombre de décès.
En conclusion on peut dire que les grandes épidémies des maladies infectieuses dans le monde ont été effroyables et meurtrières (le choléra, la peste noire, la grippe espagnole et maintenant le Covid-19). Toutes ces calamités ont fait trembler des continents entiers.
Ainsi la peste noire, une bactérie appelée Yersinia pestis, a décimé entre 1347 et 1351, soit en quatre ans environ, 25 millions de victimes, plus de la moitié de la population européenne.
Ibn Khaldoun se souvient de la peste noire
Elle s'est propagée rapidement, y compris au Proche-Orient, faisant près de 100 millions de victimes à travers le monde par manque d'anticorps. Ibn Khaldoun l'avait souligné dans son livre dans une de ces citations : «Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l'Orient et de l'Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation.» On peut citer la peste de Justinien qui s'est propagée à l'aune du Moyen-Âge ; entre 25 et 100 millions, selon certains historiens.
La grippe espagnole ou influenza originaire de Chine doit son nom au roi Alphonse XIII qui en a été victime. De 1918 à 1919, elle a fait plus de victimes, soit le tiers de la population mondiale, que la Première Guerre mondiale. Elle vient de la souche (H1N11,2) particulièrement virulente et contagieuse ; elle serait la pandémie la plus mortelle de l'histoire humaine.
Alors que des sources évaluaient à 100 millions le nombre de victimes en moins de trois mois, l'Institut Pasteur parle de 30 millions de victimes.
Plus des ¾ de la population amérindienne a péri du fait de la variole de 1518 à 1650. La peste Antonine ou peste bubonique qui a tué plus de 100 000 personnes apportée par des bateaux en provenance des Pays-Bas (1664-1666).
La peste d'Athènes a touché toute la Grèce antique causant des dizaines de milliers de victimes.
La foi, seul refuge pour sortir de l'absurde
Le sida (syndrome d'immunodéficience acquise) est considéré aussi comme une épidémie mondiale où on dénombre en 2007 plus de 33,2 millions de séropositifs. Les premiers signes remontent à 1970.
Pour conclure, comme dira Albert Camus, «la maladie amène donc l'homme à dévoiler sa vérité profonde. L'homme combat la souffrance mais incarne la solidarité envers son semblable.
L'homme ne peut pas se départir de sa foi, seul refuge à sa condition humaine. Mais il se résigne à la volonté de Dieu. On est loin de l'absurde et l'existentialisme métaphysique ne peut se mouvoir dans l'obscurité et réagir face à l'inconnu».
B. H.
Bibliograhie :
1- Albert Camus : La Peste. Chronique éditions Libre Savoir Paris 1947.
2- Pr L Abid : Les épidémies de Choléra en Algérie au cours du XIXe siècle. Santemaghreb.com Alger, décembre 2007.
3- Bado J.P. : Médecine coloniale et grandes épidémies en Afrique, 1900-1960 Paris 2002.
4- Bado J.P. : Histoire, maladies et médecine en Afrique occidentale, XIXe et XXe siècles. Revue d'histoire d'outre-mer, tome 1 Paris 1999.
5- Guyon : Histoire chronologique des épidémies d'Afrique du Nord. Paris 1848.
6- Neidhart J. Ph : «La médecine française en Algérie (1830-1962)» - L'Algérianiste, revue n°93 Paris 2001.
7- Lejeune et Lataillade, L'Algérianiste n°11 in Médecins du Bled, sept. 1980.


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