Le code de la famille qui a survécu à des années de luttes menées tant par le mouvement associatif que par quelques partis politiques est toujours autant décrié. Le combat pour son abrogation pure et simple est toujours d'actualité. Plus que cela, les associations qui se battent contre estiment qu'il ne peut plus cohabiter avec une Constitution qui prône l'égalité entre les hommes et les femmes. Eclairages de la Pr Fadéla Chitour, présidente du réseau Wassila, et de Amel Hadjadj, militante. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Après des années de lutte pour son abrogation et l'avènement de lois égalitaires, le code de la famille continue de régir les rapports hommes-femmes en imposant une hiérarchie de fait. Après des années de combat pour son abrogation, quel bilan tirer ? La question a été posée au Professeure Fadéla Chitour, présidente du réseau Wassila, qui répond que « manifestement, il y a tout de même des avancées dans beaucoup de facettes de ce combat. Les avancées sont, hélas, liées à des événements tragiques : je parle de la consternation qu'a éprouvée l'opinion publique tout au long de ces deux dernières années en ce qui concerne les féminicides qui ont été rapportés en détail par les médias et qui ont soulevé une grande vague d'indignation comme si la société découvrait que les violences insidieuses, faites aux femmes tous les jours, qui sont largement tolérées par la société, pouvaient mener à l'assassinat de ces femmes. Ce travail des médias et des féministes qui avaient lancé le hashtag « Nous venons de perdre l'une des nôtres », une phrase qui sonne comme le glas d'une vie, a suscité une prise de conscience qui nous oblige à invoquer la violence banale et ordinaire. La société est, enfin, prête à entendre que la violence ordinaire est inacceptable ». La Pr Chitour évoque inévitablement le code de la famille affirmant : « J'espère que l'opinion publique, tellement sensible aux assassinats des femmes, est prête à entendre que pour prévenir ces crimes, il faut lutter contre toutes les formes de violence. Il est évident que la lutte contre les violences faites aux femmes passe d'abord par la suppression des lois inégalitaires, la plus importante, la majeure étant le code de la famille .» Pour quelles raisons ? La présidente du réseau Wassila répond : « Pourquoi doit-on raisonnablement et logiquement le supprimer ? Parce qu'en plus du fait qu'il légalise la discrimination mais surtout parce qu'il est en contradiction avec la Constitution. La réalité de la vie aujourd'hui, la présence massive des femmes dans les lieux de travail, les lieux publics, les universités, leur place dans la société actuellement n'est plus compatible avec toutes ces contradictions. Il faut mettre de l'ordre dans le corpus législatif. J'en appelle à la cohérence législative. C'est intenable toutes ces lignes de fracture et incohérences et cette coexistence non pacifique des textes .» De son côté, Amel Hadjadj, militante féministe, estime qu'« il faut encore et toujours parler du code de la famille auquel il faut rajouter d'autres actualités qui revêtent un caractère d'urgence. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler, de plus en plus nombreuses dans l'espace public. Les violences de tous genres et les discriminations sont de plus en plus présentes dans le quotidien des femmes mais comme le code de la famille est un code qui perpétue et qui consacre toutes ces violences, il est encore très urgent de l'évoquer». Pour la militante, « il n'y a pas mieux que son abrogation et son remplacement par des lois civiles et égalitaires parce qu'on ne peut pas régir les rapports dans la famille en créant une hiérarchie. On va, à ce moment, décider de l'existence de citoyens de seconde zone et d'autres de première zone », avant de conclure qu'« il est impossible d'envisager une quelconque égalité avec ce code de la famille ». N. I.