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Libye : après le conflit fratricide, la paix est-elle de retour ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 05 - 2021


Par Mostefa Zeghlache, ancien diplomate
Le 27 décembre 2010 marque le début des émeutes en Tunisie qui s'étendront progressivement à un grand nombre de pays arabes pour aboutir à un climat insurrectionnel généralisé connu, depuis, par le vocable de Printemps arabe et qui n'épargna pas la Libye. Le mois de février 2011 constitue le début du soulèvement populaire dans la Jamahiriya arabe libyenne qui s'achèvera le 20 octobre 2011 par la chute du régime de Kadhafi et la mort de ce dernier dans des circonstances non élucidées. Ce qui devait n'être qu'un soulèvement populaire authentiquement national contre une dictature prit une tournure plus complexe avec l'implication de forces étrangères sous le couvert des Nations Unies. En effet, le Conseil de sécurité de l'ONU, en votant, le 26 février 2011, la résolution 1970 mettant en place un embargo sur les armes à destination de la Libye et la résolution 1973 du 17 mars de la même année, instaurant une zone d'exclusion aérienne, a octroyé une certaine «légalité» à l'intervention étrangère en Libye.
Ainsi et afin d'«assurer la protection des civils des bombardements de l'aviation du régime» comme le recommande la résolution 1973, l'aviation, la marine et souvent les forces spéciales de puissances occidentales comme la France, la Grande-Bretagne et l'Italie interviennent directement à côté des insurgés armés contre les forces loyalistes de Kadhafi, et avec le soutien des Etats-Unis et de certains Etats arabes. À compter du 31 mars, les opérations sont confiées à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN-opération Unified Protector), une organisation militaire occidentale qui s'attribue pour mission de «sauver le peuple libyen de la dictature» et de lui assurer «liberté, démocratie et prospérité».
Au lieu de ces idéaux, l'ingérence étrangère crée le chaos politique et sécuritaire dans le pays et l'insécurité dans la région, en particulier au Sahel, comme l'attestera la suite des évènements.
Dix années d'affrontements fratricides après, en février 2021, un nouveau gouvernement libyen est élu par 75 représentants réunis par les Nations Unies, à Genève, permettant à l'espoir de paix de renaître progressivement en Libye. Un optimisme prudent prévaut depuis car le chemin à parcourir restant long et semé d'obstacles.
Le processus enclenché à Genève n'est pas issu du néant. Il est l'aboutissement d'un long processus parfois de négociations, mais, le plus souvent, d'affrontements sanglants impliquant, notamment depuis 2014, autant des belligérants libyens s'appuyant sur de puissantes milices armées que des puissances étrangères régionales ou internationales et des organisations terroristes qui ont, non seulement mis le pays à feu et à sang, mais également créé un climat d'insécurité généralisé dans la région qui n'épargne pas l'Algérie qui en fit les frais à Tiguentourine, en janvier 2013.
Un bref rappel des principaux évènements ayant façonné la dynamique de changement de régime politique en Libye s'impose pour tenter de comprendre le processus ayant abouti, en février 2021, à la formation du gouvernement transitoire à Genève censé remettre le pouvoir à un Parlement et un gouvernement élus par le peuple libyen, au plus tard le 24 décembre prochain.
Dans la tourmente du soulèvement populaire et de la répression par le régime de Kadhafi, Mustapha Abdeljalil, ancien ministre de la Justice et dissident du gouvernement de Kadhafi, annonce, le 26 février 2011, la formation d'un gouvernement provisoire, le Conseil national de transition (CNT) dont il est président.
Le 10 mars, la France est le premier pays à reconnaître le CNT comme gouvernement légitime de la Libye. Ce même Abdeljalil annonce, le 23 octobre 2011, la libération de la Libye.
En juillet 2012, une Assemblée de 200 membres, le Congrès général national (CGN), est élue pour remplacer le CNT et le 8 août, le président du CNT remet le pouvoir au doyen du CGN. Ces élections libres n'ont pourtant pas permis la transition démocratique souhaitée et de nouvelles législatives sont organisées en août 2014 pour élire la Chambre des représentants à la place du CGN.
Comme on le constate, le vide créé par l'effondrement de la Jamahiriya n'a pu être comblé par un pouvoir central légitime et fort pouvant assurer une transition vers un Etat de droit et la démocratie en Libye, et cela en raison des luttes internes et des interférences étrangères.
En effet, avec la chute du régime de Kadhafi, la Libye est livrée aux luttes tribales, de clans et de chefs de guerre. Les contradictions régionales et tribales, sciemment occultées par ce régime, resurgissent au grand jour et s'aiguisent en affrontements armés qui «dessinent trois ensembles de pouvoirs, eux-mêmes parcellaires : la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan». Dans ce contexte, un général à la retraite, Khalifa Haftar, opposant à Kadhafi et rentré de son exil aux Etats-Unis en 2011, déclare, le 14 février 2014, le CGN dissous et appelle à de nouvelles élections.
En 2014 débute la «deuxième guerre civile libyenne» dont les principaux protagonistes seront deux pouvoirs, l'un installé à Tripoli et l'autre à Tobrouk. Le 16 mai 2014, de violents affrontements ont lieu entre les islamistes de la Brigade des Martyrs du 17 février épaulés par les salafistes d'Ansar Al Charia et les partisans du général à la retraite Haftar qui crée l'Armée nationale libyenne. Chacun des deux camps était appuyé d'une ou plusieurs forces étrangères en sus de leurs propres milices.
L'internationalisation du conflit et ses répercussions régionales au Sahel et au Maghreb ont incité les Nations Unies à chercher une solution politique au conflit par le dialogue inclusif entre les Libyens dont les principales étapes ont lieu en décembre 2015 à Skhirat (Maroc), Berlin, en janvier 2020, Tunis, en novembre 2020 et Genève, en février 2021. D'autres rencontres entre les leaders des deux camps ou entre leurs représentants (parlementaires, militaires, politiques...) ont lieu en Algérie, en Egypte, en France, en Italie, en Russie et en Suisse, notamment.
Le 17 décembre 2015, les représentants de la Chambre des représentants et ceux du Congrès général national signent, à Skhirat, au Maroc, un accord prévoyant la formation d'un gouvernement d'union nationale (GNA) de 32 membres. Ce qui est fait le 12 mars 2016 par Fayez El-Sarraj. Le GNA est reconnu par l'ONU. Mais, une fois encore, les clivages entre les deux camps aboutissent au refus du Parlement installé à Tobrouk d'accorder sa confiance au GNA, mais réitère son soutien au général rebelle Haftar. Ce dernier déclarait, le 17 décembre 2017, date du premier anniversaire de l'accord de Skhirat, que ce dernier était désormais devenu caduc.
Poursuivant dans sa logique de guerre et fort du soutien de l'Egypte, de l'Arabie Saoudite et des Emirats, ennemis déclarés de la mouvance des Frères musulmans, de la Russie (plus discret) et de la France, le général promu maréchal ordonne, en janvier 2020, à ses troupes de bloquer les champs et ports pétroliers du pays gérés par le GNA et ce, jusqu'en octobre de la même année. Durant ces 10 mois, le pays a enregistré une perte sèche de 9,8 milliards de dollars. En avril 2019, il lance une vaste offensive contre le GNA à Tripoli. Mais ce dernier, soutenu par la Turquie et le Qatar, résiste et repousse l'offensive en juin 2020.
L'année 2020 sera décisive pour le processus de réconciliation sous l'égide de l'ONU qui aboutit, en février 2021, à la formation de l'actuel gouvernement de transition. C'est à Berlin que la lueur de réconciliation libyenne brilla pour la première fois avec la tenue d'une conférence internationale pour la paix en Libye, le 19 janvier 2020. Le communiqué final comporte un appel à un cessez-le-feu «global et permanent», un engagement des puissances étrangères à respecter l'embargo sur les armes et un appel au départ de toutes les forces étrangères, qu'elles soient régulières ou composées de mercenaires notamment russes, syriens, tchadiens ou soudanais.
Les négociations entre le GNA et les autorités de l'Est sont organisées par l'ONU à Genève, le 19 octobre 2020, et aboutissent le 23 à un accord de cessez-le-feu «national et permanent» et à la réouverture des voies terrestres et aériennes entre l'est et l'ouest du pays.
L'accord donne 3 mois à tous les combattants étrangers pour quitter le pays. Une commission militaire conjointe de 5 membres de chaque partie s'est réunie pour la mise en œuvre de l'accord à travers notamment la mise en place d'une zone démilitarisée et d'une force de police nationale (mixte).
Désormais, la dynamique de paix devenait de plus en plus visible. Elle connaîtra une nouvelle et importante étape à Tunis, du 9 au 15 novembre 2020, où se tient le Forum de dialogue libyen sous l'égide de l'ONU.
Ainsi, 75 représentants du Parlement de Tobrouk, du Haut Conseil d'Etat de Tripoli et d'autres participants choisis par l'ONU sur des bases régionales et ethniques du pays négocient un accord global. Le Forum s'achève par l'adoption d'une feuille de route prévoyant la tenue, dans un délai n'excédant pas 18 mois, d'élections nationales «crédibles», soit le 24 décembre 2021.
Enfin, c'est encore à Genève et sous l'égide de l'ONU que s'est tenue, du 1er au 5 février 2021, une réunion du Forum de dialogue libyen avec les 75 représentants qui ont voté en faveur de la liste de l'homme d'affaires Abdelhamid Dbeibah de Misrata qui devient le Premier ministre intérimaire pour la période transitoire devant s'achever le 24 décembre prochain. Ils ont également voté pour un Conseil présidentiel intérimaire de 3 membres, dont Mohamed Younes El-Menfi de Cyrénaïque est le président, Moussa El-Koni, un Touareg, et Abdallah Hussein El-Lafi, un député de Zaouïa (ouest), les vice-présidents.
D'âpres discussions ont marqué ce round de négociations entre Libyens aidés en cela par l'ONU, notamment sa médiatrice, l'Américaine Stephanie Williams. L'espoir de paix sort renforcé même si les difficultés pour sa réalisation demeurent. Il s'agit de tourner la page d'une décennie d'affrontements meurtriers entre Libyens, associant directement ou indirectement nombre d'acteurs étrangers.
L'ONU, dont le Conseil de sécurité avait donné le feu vert pour l'intervention militaire étrangère, se rachète en quelque sorte en réussissant à rassembler les «frères ennemis» à la même table de discussions et à retenir l'ardeur guerrière des forces étrangères.
Dbeibah, le Premier ministre désigné, se voit attribuer un délai ne dépassant pas 21 jours pour former son cabinet et 21 jours supplémentaires pour obtenir le vote de confiance. Ce qu'il fit avant le délai. Le 25 février 2021, il a annoncé la composition du cabinet formé de 2 vice-Premiers ministres, 26 ministres et 6 ministres d'Etat. Dans le lot figurent 5 femmes dont 2 dirigent des ministères régaliens, les Affaires étrangères et la Justice. Une première dans l'histoire postcoloniale du pays. Le 10 mars, le Parlement, réuni dans la ville symbole de Syrte, accorde sa confiance au gouvernement.
Que ce dernier soit transitoire, c'est un fait, mais qu'il ait franchi le cap parlementaire avant la date-butoir du 19 mars est en soi un signe positif qui lui facilitera certainement la mission. La cérémonie d'investiture du gouvernement a eu lieu au siège provisoire du Parlement, à Tobrouk, le 15 mars. À cette occasion, Dbeibah et les membres de son gouvernement ont juré de «préserver l'unité, la sécurité et l'intégrité» de la Libye. Une page semble tournée, celle des deuils et de la dévastation, et une autre s'ouvre sur laquelle les Libyens pourront esquisser eux-mêmes leur avenir.
Les bilans humain et économique détaillés de ce conflit restent à établir, mais les premières données statistiques révèlent l'intensité des affrontements fratricides et l'ampleur des dégâts causés au pays. Dans un pays riche comme la Libye dont la population atteint à peine 7 millions, 60% de la population souffrait de malnutrition en 2017. Pas moins de 1,3 million de Libyens avaient besoin d'assistance humanitaire d'urgence ! En 2010, le PNB était de 74 milliards de dollars et de 12 020 par habitant. À la fin de 2011, en une année, il chute à 34 milliards et à 4 700 dollars par habitant.
Le nombre provisoire des victimes, selon le site Airwars, durant la « première guerre » en 2011 est évalué à près de 2 500 civils tués par les forces gouvernementales et les mercenaires de Kadhafi, les forces étrangères et l'OTAN, les rebelles, milices et groupuscules terroristes. Durant la «seconde guerre», entre 2012 et 2021, entre 500 et 700 civils ont perdu la vie et davantage ont disparu.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, 18 000 mercenaires syriens ont été engagés en Libye, majoritairement par la Turquie, depuis 2020, et 496 d'entre eux ont péri aux combats. Il faut y ajouter les milices et d'autres mercenaires dont le nombre a été évalué par Stephanie Williams à 20 000 (Wagner) et les groupuscules terroristes comme l'Etat islamique. Enfin, certaines sources indiquent que près de 29 millions d'armes circulent en Libye. L'autre danger pour le peuple libyen et les pays voisins s'identifie dans le nombre impressionnant d'armes de tous calibres qui circulent notamment au Sahel et qui proviennent des stocks de l'armée libyenne dont les entrepôts ont été pillés après l'agression occidentale-OTAN.
Dans ce contexte, la mission du gouvernement provisoire de panser les blessures de la guerre à travers la réconciliation nationale, rétablir l'ordre et assurer, un tant soit peu, le redémarrage de l'économie s'avère ardue sans la participation de tous les Libyens et une assistance internationale.
Une fois que les armes se sont tues, la voie est balisée pour une approche essentiellement politique pour résoudre la crise libyenne. Pour leur part, les Etats étrangers qui s'étaient directement ou indirectement engagés dans le conflit se préoccupent, pour l'heure, de définir une stratégie de positionnement économique dans un pays potentiellement riche, mais largement dévasté par la guerre et où l'essentiel est à rebâtir.
M. Z.


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