Est-il vrai que donner son avis sur une situation qui va mal ou en voie de dérailler condamne, systématiquement, son auteur à aller s'en expliquer devant les tribunaux ? Convocations, perquisitions, gardes à vue et mises en détention provisoire, en attendant un procès qui tarde à se tenir. Le tout pour troubles à la stabilité de l'Etat et atteinte au moral des troupes et, pourquoi pas, à celui des Algériens, toutes catégories confondues. Des confrères étrangers m'ont, il y a quelques semaines, demandé s'il y avait du vrai dans tout cela. Autrement dit, si de telles pratiques étaient fictives ou réelles en Algérie. À défaut de commettre un inventaire, incomplet ou exagéré, de ce qui donne du fil à retordre à un système peu tenté par le débat et la négociation, j'ai eu envie de parler de ce groupe d'avocats qui joue les snippers, s'est fixé pour mission de débusquer l'ennemi et de participer à son lynchage juridique. Lequel d'ennemi ? Celui qui freine la mutation sociale en cours et l'empêche de faire aboutir les objectifs que ses concepteurs lui ont fixés. J'ignore si c'est toujours le même groupe d'avocats qui intervient pour mettre le holà aux comportements interprétés par sa composante comme délictueux. Mais quand des intégristes s'emploient à dégommer ceux dont le discours ou comportement est jugé, par eux, déviant, il faut en parler. Il faut interroger la profession sur ce qu'elle compte comme censeurs dans ses rangs. Comment confier son sort à ces fossoyeurs de la liberté ? Des islamo-intégristes passés à un cran supérieur de l'agression ? Bientôt, on ne comptera plus les dérives du genre. Des avocats qui se constituent partie civile et déposent plainte contre un islamologue qui déconstruit leurs vérités et fait s'effondrer leur champ de connaissances religieuses. Des hommes engagés à défendre autrui qui saisissent l'autorité de régulation de l'audiovisuel pour faire relever de ses fonctions le directeur d'une radio régionale qui a manqué à son devoir de censeur et laissé diffuser une chanson de la chrétienne Fairouz. Ce qui inquiète, en vérité, c'est l'autorité qu'ils exercent sur ceux censés rendre la justice. M. B.