[email protected] Lorsqu'est né Sofiane, Samira, sa tante paternelle, jubilait et attendait avec impatience que le nouveau-né d'à peine quelques jours vienne égayer son foyer. Après dix années de mariage et de traitements sans résultat, les gynécologues ont diagnostiqué une stérilité irréversible de l'époux. Samira l'a très mal vécu. De dépression en dépression, elle devint une femme meurtrie. Toute sa vie, elle a rêvé d'une famille nombreuse. Mais le destin en a voulu autrement. Elle ressent à la fois une profonde tristesse et une joie lorsque son frère lui annonce la venue d'un nouveau bébé. Il en était à son cinquième. Il percevait mieux que quiconque la douleur de sa sœur qu'il affectionnait plus que tout ; et d'un commun accord avec sa femme, il décide que le cinquième sera le sien. Ainsi, la joie et le bonheur régnèrent au sein du couple et Sofiane fut comblé d'amour et de tendresse. Les toutes premières années de sa vie, ses parents biologiques le voyaient souvent, la mère l'a allaité, suivi son développement et tout le monde était ravi de le voir heureux. Les choses changèrent quand le bébé devint grand. Samira espaça les visites chez son frère car elle a vite détecté chez sa belle-sœur comme une sorte de regret. La manière dont elle le regardait, dont elle le serrait dans ses bras, dans ses yeux embués elle lisait le remord, quand elle l'entendait dire maman. Le danger elle l'a senti, d'autant que l'enfant ne savait pas la vérité. «Mon Dieu, se disait-elle, et si jamais elle veut le reprendre?» Son frère, voyant venir les choses, décide de concevoir un sixième enfant. Et ce fut un garçon. Un cadeau divin ! Il croyait ainsi qu'il comblera le vide de Sofiane, et que son épouse en sera moins attristée. De son côté, sa sœur, prise de panique, fera tout pour que sa belle-sœur ne s'approche plus de Sofiane. «C'est mon fils, et elle n'a aucun droit sur lui.»Mettant la pression à son époux, le couple finit par changer de ville afin de ne plus tenter le diable. Une décision qui mettra les deux familles en conflit. Le frère, pris entre le marteau et l'enclume, finira par se faire à cette idée. Il saura consoler sa femme, qui, prenant son mal en patience, se résoudra, la mort dans l'âme, au fait accompli. Elle le vivra comme un déchirement. Sofiane, ils le verront de plus en plus rarement. Aujourd'hui, il a huit ans, c'est un enfant épanoui, heureux, qui déborde de joie. Cela fait trois ans que sa maman biologique ne l'a pas vu. Elle entendra le son de sa voix, une voix douce qui résonnera à tout jamais dans sa tête lorsqu'à l'occasion des fêtes religieuses il souhaitera par téléphone à celle qui est devenue sa «tata» une joyeuse fête.