Les services de la Gendarmerie nationale, en collaboration avec la Fondation pour la protection des droits de l'enfant et de l'adolescent, ont organis� une visite nocturne afin de constater de pr�s le triste quotidien de ces enfants de la nuit. Cette sortie sur le terrain co�ncide �galement avec la r�cente cr�ation par la gendarmerie d'une cellule de soutien aux enfants et adolescents d�sh�rit�s. Les souterrains de l'horreur La premi�re halte a �t� observ�e � l'avenue Pasteur. Au niveau des escaliers coinc�s entre l'h�tel Albert 1er et le jardin dit de l'horloge (djninet Essa�), M. Dib, pr�sident de la fondation, montre une petite ouverture dans le sol. Difficile de croire que cette br�che que d'aucuns enjambent au quotidien est le �perron� d'un monde souterrain des plus hallucinants. Il s'agit du g�te de Fawzi et de ses camarades d'infortune. Cette crevasse d'environ un m�tre de profondeur se prolonge bien plus � l'int�rieur. Il semblerait que Fouzi a une parfaite connaissance de ces galeries. En bas, c'est chez lui. Une sorte de literie de fortune y est am�nag�e. L'on se d�salt�re m�me par l'eau de source qui y ruisselle. Le guide explique que les venelles de ces galeries peuvent donner sur n'importe quel point de la capitale. Il est pr�s de 21h30. Les locataires des lieux ne sont pas encore arriv�s. M. Dib, en parfait connaisseur des points de chute des infortun�s de la nuit, invite la d�l�gation � se rendre aux alentours du march� Clauzel. Visiblement aveugl� par le cr�pitement des flashs et les projecteurs des cam�ras, Fawzi 21 ans a failli prendre la poudre d'escampette. Celui-ci est quelque peu rassur� � la vue de M. Dib qu'il appelle affectueusement cheikh Nasser. Un peu dans les nuages � cause des psychotropes qu'il a d� avaler auparavant, le jeune Fawzi n'h�site pas � se confier. �Je vis dans la rue depuis l'�ge de 12 ans. Ma famille habite � La Casbah. Des probl�mes familiaux m'ont pouss� � quitter la maison. Cela dit, je m'y rends de temps en temps. Je vis au jour le jour. Je passe ma journ�e � dormir. Je ne me r�veille qu'aux environs de 19h00. Les nuits se ressemblent mais des fois il se passe des choses bizarres. Moi, cela fait une semaine que je suis sorti de prison. J'ai bien envie de m'en sortir, mais ce soir je veux me saouler la gueule. � Un gendarme de la cellule de soutien tente de le sensibiliser dans le but de l'aider dans la r�insertion. Des points d'interrogation se voient presque sur la t�te de l'individu. Il n'arrive pas � comprendre que le darki veut lui venir en aide. Celui-ci revient � la charge en l'invitant � rendre une visite au groupement de Bab Djedid. �A Bab Djedid, j'esp�re que ce n'est pas Serkadji !� s'interroge Fouzi. �Non pas du tout�, r�pond le gendarme. �Ok, je vais venir samedi, mais est-ce qu'il y a des �kachiyates (psychotropes) chez vous ?� Le gendarme esquisse un sourire. �Non, chez nous on va tenter de trouver une solution � la situation dans laquelle tu vis. On peut t'aider � faire une formation ou � avoir des papiers�. Avec l'insistance de la psychologue de la cellule en question, le jeune Fawzi promet de faire un crochet ce samedi. Salah le SDF vertueux A l'autre c�t� de la ruelle, Salah, une promesse de barbe sur le visage, est parfaitement conscient. Des cicatrices sur le visage et sur le cou renseignent un peu sur les atrocit�s qu'il a d� vivre. Ce jeune d'environ 17 ans a rejoint le monde de la rue � l'�ge de 7 ans. C'est un cas sp�cial, explique cheikh Nasser. En d�pit des revers de la vie, Salah justifie d'une bonne �ducation. Tr�s jeune d�j�, il honorait toujours ses dettes. Quand il lui manquait 1 dinar pour acheter de la nourriture et que le commer�ant voulait bien lui donner la marchandise, Salah s'engageait � ramener la diff�rence quand ses �conomies le lui permettaient. �Il le faisait chaque fois�, assure le pr�sident de la fondation. Salah raconte : �Je r�ve d'avoir un chez moi et d'exercer un travail honn�te. C'est mon p�re qui m'a forc� � aller � la rue. Il voulait se d�barrasser de moi alors que ma m�re ne voulait pas. A force d'�tre battu, je restais dans la rue de Bab-El-Oued pour ne pas subir la violence de mon p�re. Des gens de ma famille m'ont h�berg� quelque temps, mais d'autres consid�rations m'ont oblig� � errer � 7 ans. Heureusement que je suis connu des services de s�curit� pour ma bonne conduite et que des b�n�voles m'aident. Il y a m�me un employ� de l'APC de Bab-El-Oued qui s'emploie � �tablir mes papiers �. La d�mission parentale Le colonel Ayoub, chef du d�partement de la communication au niveau du commandement g�n�ral de la Gendarmerie nationale, a soulign� que le r�le des parents est d�terminant dans la lutte contre ce ph�nom�ne. L'orateur, qui a tenu � accompagner les journalistes dans leur p�riple nocturne, a fait remarquer que, malheureusement, certains parents ne cherchent pas apr�s leurs enfants. C'est le cas d'un enfant tomb� sous l'emprise d'un adulte qui l‘a utilis� pour voler. Quand le petit a voulu sortir de la spirale, il a �t� �gorg�. Les parents de ce dernier ne se sont manifest�s qu'apr�s la d�couverte du sinistre. �En 2004, 1 100 crimes sur ascendants ont �t� commis. Quand un enfant ne reconna�t pas l'autorit� parentale, il ne reconna�t aucune autre autorit�, assure le colonel Ayoub. Ce dernier explique aussi que les cellules de soutien aux enfants et aux adolescents vont permettre de traiter le probl�me � la source. L'op�ration-pilote qui a �t� initi�e � Oran a donn� des r�sultats appr�ciables. Les attaques nocturnes Spectacle d�solant � Bastio pr�s de la gare ferroviaire d'Alger. Six personnes se tassent dans une sorte de benne � ordures. Un chien errant partage leurs couches. Une odeur �cre se d�gage de l'abri de fortune. Les occupants, qui ont �t� arrach�s de leur sommeil par la lumi�re des flashs, ont visiblement �t� effray�s par cette intrusion. Il faut dire que la veille ils ont subi une exp�dition punitive d'un autre genre. La t�te emmitoufl�e dans un bandage, Hamza, 24 ans, raconte : �Nous vivons ici en communion, nous ne faisons de mal � personne. Notre seule p�ch� c'est la colle que nous inhalons. Dans la nuit d'hier, nous avons �t� r�veill�s par quatre individus qui nous ont menac�s avec de gros couteaux. Ils nous ont demand� de baisser le pantalon pour nous faire des choses pas bien. Quand nous avons refus� ils ont voulu nous forcer. C'est alors qu'ils se sont ru�s sur nous. J'ai re�u un coup de couteau � la jambe et m'ont donn� un coup avec un bloc de pierre. Heureusement que la police nous a port� assistance ; d'ailleurs, l'un de nos agresseurs est actuellement en prison. � Apr�s avoir termin� son triste r�cit, Hamza rejoint M. Dib qui l'attendait pour lui refaire ses pansements. Interrog� sur la question, M. Nasser Dib a affirm� que les enfants de la rue ne sont pas des d�linquants. Ils sont plut�t des cas sociaux. Des efforts sont en train d'�tre d�ploy�s pour trouver une solution d�finitive � ce probl�me, a insist� l'orateur. �Il ne s'agit pas de boucher l'entr�e d'un abri souterrain. De toutes les fa�ons, cela ne sert � rien puisque les concern�s trouvent toujours une autre issue. La derni�re halte a �t� observ�e au lieudit Titanic � Belcourt. Le guide a refus� de laisser les journalistes p�n�trer dans ce chantier d�saffect�. C'est tr�s dangereux l� dedans, a-t-on expliqu�. L'endroit est partag� en concessions. Cela ressemble fort aux ghettos des s�ries am�ricaines. Ce ph�nom�ne sera �radiqu� une fois le chantier achev�. Les enfants de la nuit ont ainsi �t� laiss�s � leur triste quotidien. Quoi qu'il en soit, il s'est r�v�l� au terme de la visite que les concern�s sont plut�t des victimes d'une soci�t�. Des victimes qui assur�ment essaient de s'en sortir.