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CATHERINE STOLL-SIMON*
L�islam d�une scandaleuse
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 12 - 2006

M�riem, Mahmoud, Nicolas Podolinsky� Isabelle Eberhardt signait ses textes sous de nombreux pseudonymes f�minins ou masculins et beaucoup n�ont retenu de ce personnage atypique que cette capacit� singuli�re � brouiller les cartes de son identit�, � s�habiller en b�douin et � vivre en homme.
Insoumise � l�ordre bien �tabli de la fin du XIXe si�cle, f�ministe � sa mani�re, aventuri�re en qu�te d�un �ailleurs� sans exotisme : il fallait que cette jeune Russe fut d�abord tout cela pour oser quitter la Suisse et l�Occident � 19 ans, rejoindre le Sahara alg�rien et s�y fixer d�finitivement jusqu�� ce jour d�octobre 1904 o� la crue d�un oued l�emporta. Elle n�avait que 27 ans. Destin�e hors du commun qui inspira passions, l�gendes et fantasmes. Il est vrai que cette grande amoureuse du d�sert et du Maghreb fut une scandaleuse d�exception : � Gen�ve d�abord, l� o� elle v�cut ses �ann�es occidentales�, on la croisait dans les rues habill�e en marin ; elle y menait une vie de boh�me libertaire, fr�quentant les milieux anarchistes et activistes de Gen�ve, militant m�me en faveur de l�ind�pendance de la Mac�doine ; � B�ne, en Alg�rie o� elle se fixa quelques mois avec sa m�re et o� ces �tranges �trang�res ne recevaient que des �indig�nes � au grand dam des colons bon teint ; � Tunis, � o� elle ne fit que passer � et o� elle m�ne alors, entre amis et amants arabes, une vie turbulente peu conforme aux standards d�une jeune fille d�origine aristocrate. A Oued- Souf, en Alg�rie, o� elle affiche au grand jour ses amours avec un jeune spahi, alliance que les militaires fran�ais du Bureau arabe ne manqueront pas de juger �contre- nature� et qui lui vaudra une r�putation d�finitive de d�bauch�e. Incontestablement, cette grande vagabonde d�rangeait ; et l�image insolite de cette jeune femme rev�tue du ch�che et du burnous, fr�quentant les caf�s maures et les mauvais lieux, fumant du kif et chevauchant sur les pistes entre Touggourt et Guemar, n�est que la face visible, exot�rique, d�un esprit libre et subversif que par commodit�, on a pr�f�r� croire boh�me et libertin. C�est sans aucun doute � l�apog�e de sa courte vie, sur cette terre alg�rienne qu�elle avait choisie pour �nid, au fond du d�sert, loin des hommes� que l�insoumise s�employa le plus � �carter les entraves sociales et � d�passer les clivages g�ographiques et culturels : � travers ses Nouvelles qui paraissaient alors dans des revues fran�aises ou des quotidiens alg�rois, elle sut d�noncer l�immense b�tise coloniale et, dans la ligne de Zola qu�elle avait soutenu en 1898, �accusa� de son c�t� l�inhumanit� du traitement des prisonniers, les forces d�occupation qui d�tournaient les hommes de leur tribu, leur faisant croire que �la libert� (est) sous la veste bleue� et les rendant difficilement r�adaptables � leur vie d�origine� Elle accusa �la triste com�die bureaucratique � qui justifiait l�expropriation des fellahs pour r�cup�rer les terrains de colonisation, elle accusa les petits et grands chefs et leurs pr�jug�s racistes. Ni Maupassant, �galement fascin� par le Maghreb et qui l�y avait pr�c�d�e de quelques ann�es, ni Gide qu�elle aurait pu croiser entre Alger et Biskra, ne surent avoir ce regard politique, percutant, qui d�passait largement l�intention litt�raire. Il est vrai que parlant l�arabe classique et dialectal, mari�e � un �indig�ne� et de surcro�t musulmane, Isabelle fit bien davantage que �passer � en voyageuse et en journaliste � femme de lettres ; bien plus qu�une empathie pour le monde arabe, elle v�cut une forme tr�s personnelle d��assimilation� � l�univers arabo-musulman sans pour autant jamais se d�partir de son sens aigu de la libert� individuelle : mani�re ultime et profond�ment subversive de s�opposer dans sa vie � m�me comme dans ses textes � l�intol�rance et aux r�flexes arabophobes, renvoyant aux colons d�alors l�image de leur s�che imperm�abilit� � la culture de �l�autre�� Isabelle ne pouvait aller plus loin dans le refus des conventions sociales et la d�nonciation ouverte d�un monde occidental engag� sur la pente d�une modernit� dont elle pressentait le potentiel de d�shumanisation et de barbarie. D�ailleurs, elle en avait fait la perte du sacr� et des rep�res �thiques : en 1899, dans son seul texte � caract�re philosophique, elle �crivait : �L�Europe et ses filles spirituelles, essaim�es aux quatre coins du monde, ont fini par rejeter toutes les croyances douces et consolantes, toutes les esp�rances et tous les r�conforts� Au point de vue de la science tel �tait leur droit� Cependant, les hommes tir�rent de l�ath�isme cette conclusion terrible : point de Dieu, point de ch�timent surnaturel ni ici-bas ni ailleurs, donc point de responsabilit� D�s lors tout fut permis, et l��thique avait v�cu� De ce fait, l�incr�dulit� des modernes est double : religieuse et morale �. Propos visionnaires qui anticipent, entre autres, ceux d�Albert Schweitzer* s�inqui�tant, quelques ann�es plus tard, des cons�quences �thiques de la d�spiritualisation de l�Occident� Profond�ment moderne, Isabelle Eberhardt le fut aussi dans son approche de l�Islam. Elle qui se d�fendit toujours d��tre une convertie (�� Je suis n�e musulmane et n�ai jamais chang� de religion�, alla-t-elle jusqu�� affirmer en 1903 dans un article de la Petite Gironde, jouant une fois encore sur l�ambigu�t� de sa filiation paternelle) pratiqua d�abord et avant tout un Islam int�rieur, tr�s �cart� d�une conception de l�Islam r�duite � l�application de la loi religieuse et des commandements. Aboutissement d�un cheminement tout � la fois ontologique et esth�tique, sa recherche spirituelle la m�ne rapidement � fr�quenter les zaou�as et � prendre l�attachement aupr�s de la qadiriya, confr�rie soufie tr�s pr�sente dans le Sud alg�rien o� elle trouva �la patrie tant et si d�sesp�r�ment d�sir�e�. Patrie spirituelle bien s�r tout autant que g�ographique. Il n�est pas aujourd�hui sans int�r�t de s�attarder sur les pages de sa correspondance � Ali Abdul Wahab, l�un de ses amis tunisiens, dans laquelle, en ao�t 1897, elle interrogeait � d�j� � l�opportunit� du port du voile et apportait � cette question � devenue hautement sensible � des r�ponses sans d�tour : �Maintenant, je ne me crois nullement oblig�e pour �tre musulmane, de rev�tir une gandoura et une ml�ya et de rester clo�tr�e. Ces mesures ont �t� impos�es aux Musulmans pour les sauvegarder de chutes possibles et les conserver dans la puret�. Ainsi, il suffit de pratiquer cette puret� et l�action n�en sera que plus m�ritoire, parce que libre et non impos�e� et d�ajouter un peu plus loin : �Dites-moi en toute conscience : faut-il oui ou non, me mettre � jouer le r�le d�un docteur Grenier** f�minin, qui semble supposer que l�habit fait le moine et que rev�tir un burnous ou une ferrachia*** de femme veut dire �tre musulman ? Vous-m�me avez dit qu�il n�y avait pas besoin de se d�guiser en arabe pour �tre musulman.(�) Ce ne sont g�n�ralement pas les grands faiseurs de gestes et d�embarras, pour parler plus simplement, qui sont les meilleurs parmi les croyants. Et pour moi, l�Islam, la religion la plus lumineusement claire et la plus grandiosement simple qui soit, pour moi jamais l�Islam ne consistera en �momeries� genre Grenier et compagnie.� D�claration on ne peut plus claire qui distingue entre d�un c�t� le contexte historique et socioculturel du Dar-el Islam, en l�occurrence les m�urs et les coutumes des peuples arabes, et de l�autre, l�essentiel, l�esprit universel du message coranique. Isabelle reprendra d�ailleurs cette diff�renciation en l�appliquant cette fois-ci � sa condition d��pouse : �Oui, certes, je suis ta femme, devant Dieu et l�Islam, �crit-elle � son mari Slim�ne Ehnni. Mais je ne suis pas une vulgaire Fathma ou une A�cha quelconque. Je suis aussi ton fr�re Mahmoud, le serviteur de Dieu et de Djilani**** avant d��tre la servante qu�est une �pouse arabe pour son mari�� Mises au point subtiles qui t�moignent d�une capacit� �tonnante � refuser toute confusion entre le champ spirituel et le contexte social, entre le sacral et l�historique� Celle qui, au fil de ses notes et journaliers, ne cessa de questionner son rapport au monde et qui n��tait pas de �ces incr�dules amoureux des solutions toutes faites et que le myst�re impatiente� r�sumait en ces mots sa conception de la religion du Proph�te : �Ne rien faire, si ce n�est au nom de Dieu, c'est-�-dire (de) toujours faire ce qui est beau, donc bien et vrai� car �en toute chose, il faut s�attacher � trouver d�abord ce qui est divin� : vision immanentiste qui renvoie � la pens�e du ma�tre andalou Ibn Arab� ou de son c�l�bre disciple, l�Emir Abd-el Kader. Alors, la d�bauch�e brouilleuse de pistes �tait-elle aussi une mystique ? Question qu�elle aurait jug�e absurde, estimant que la �compr�hension de ces choses-l� que les profanes traiteront s�rement de mysticisme, en leur passion insens�e pour les phrases vides de sens, pour les classifications toutes faites qui leur permettent de parler sans penser �, doivent �chapper aux cat�gories du mental. �Sa libert� �tait celle d�un oiseau dans le ciel�, disait le mar�chal Lyautet � son sujet� Mystique ou pas, Isabelle avait les pieds bien ancr�s dans la r�alit� : �Songe qu�en travaillant pour le but que je te trace, �crivait-elle � son mari afin de le convaincre de pr�parer l�examen d�interpr�te des Bureaux arabes, tu travailleras pour tous tes fr�res arabes, pour tous nos fr�res musulmans (�). S�il y avait beaucoup d�Arabes comme cela en Alg�rie, les fran�ais seraient oblig�s de changer d�avis au sujet des �bicots�. C�est comme cela qu�il faut servir l�Islam et la patrie arabe��. Perspective progressiste par laquelle, associant foi et progr�s social, elle se d�clarait explicitement en faveur d�un Islam r�solument �moderne�, plac� sur le terrain de d�fis qui, un si�cle plus tard, restent d�actualit�, que ce soit dans nos banlieues ou ailleurs� Son �uvre et le t�moignage de sa vie restent aujourd�hui trop m�connus� Il est vrai qu�en cherchant � devenir, en son �tre, �une femme � la fois libre et soumise � Dieu�, elle op�rait � sa fa�on le grand rapprochement des fondamentaux occidentaux et arabomusulmans, ce qui d�rangea longtemps l�une et l�autre rive� Aujourd�hui ce �pari� est devenu d�une br�lante actualit�.
* Catherine Stoll-Simon, par ailleurs journaliste et po�te, est l�auteur de Si Mahmoud ou la renaissance d�Isabelle Eberhardt ; Editions Emina Soleil (en France) et Alpha �ditions (en Alg�rie). De la rupture ontologique avec l�Occident � l�immersion dans le monde arabo-musulman, en passant par les �tapes d��volution int�rieur menant vers l�Islam, cet essai, qui comprend �galement un cahier de photos, explore de l�int�rieur la m�tamorphose d� Isabelle l�Occidentale en Si Mahmoud, l�arabo-musulman�
* Albert Schweitzer, Humanisme et mystique. (Albin Michel).
** D�put� du Doubs, converti � l�Islam qui se rendait � la Chambre en costume arabe (comportement consid�r� alors comme excentrique mais dont le principe ne fut jamais questionn�).
*** Sorte de voile.
*** Abd-el-Kader Djilani est le fondateur de la confr�rie Qadiriya.


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