M. Sarkozy est de cette nouvelle race politique qui pense que pour �tre rentable, un syst�me �conomique doit se d�barrasser du lourd h�ritage d�une gestion �sociale�, en r�duisant notamment le r�le et le pouvoir des syndicats. Une solution miracle pour y arriver : �Les r�formes�. Mais ce mot cache en r�alit� une s�rie de remises en cause des conqu�tes syndicales ch�rement arrach�es et d�effritements de droits sociaux ; bref, un pur alignement sur le mod�le thatch�rien ou bushien. Ces voies m�nent certes � des taux de croissance in�dits et � la dynamisation des �conomies. Mais � quel prix ? On a vu dans quel �tat Margaret Thatcher a laiss� le secteur hospitalier public ou celui des chemins de fer livr�s � l�app�tit d�mesur� des transporteurs priv�s qui oublient souvent de respecter les r�gles �l�mentaires de la s�curit�. On a vu comment Bush a d�mantel� ce qui restait des droits � la sant� pour les plus d�munis et des maigres acquis sociaux des Am�ricains pauvres. L�ouragan Katerina a �t� le r�v�lateur de cette politique outranci�re. La France, pays gouvern� par le capitalisme depuis des d�cennies, a su �chapper jusque-l� aux tentations d�une excessive mainmise des Thatcher et des Bush locaux sur les affaires de la cit�. Qu�ils soient de gauche ou de droite, les diff�rents gouvernements de la Ve R�publique ont toujours su �viter de reproduire ces mod�les anglo-saxons excessifs. En ce sens, M. Sarkozy appara�t comme l�homme de la rupture avec toutes les valeurs rescap�es des grands id�aux de la R�volution de 1789. Un m�lange de r�formisme, � la sauce ultralib�rale et de populisme revu et corrig�, a agi comme le carburant miracle qui a pouss� le bateau du nouveau pr�sident dans le bon sens. Ces vents favorables ont gonfl� ses pr�tentions et donn� des ailes � ses id�es de �r�formes� au point o� il confondit vitesse et pr�cipitation. Certes, ses r�ponses �taient souvent celles attendues par cette France populaire qui ne se retrouvait plus entre gauche et droite et qui a souvent ralli� le camp de l�extr�me droite, par d�pit ou par m�pris pour les partis traditionnels et leur discours d�mod�. Au carrefour de ce XXIe si�cle si ind�cis, dans cette halte n�cessaire pour les hommes et leurs id�es au confluent d�influences si nombreuses et si contradictoires, appara�t une certitude incontournable : la fin des id�ologies. Ou plus pr�cis�ment, la fin des id�ologies n�es au XIXe si�cle. Durant tout le XXe si�cle, l�homme a eu � appliquer les th�ories que ses pr�d�cesseurs avaient invent�es et, chemin faisant, il a eu � en conna�tre les limites. Le communisme qui devait cr�er le paradis sur terre s�est �cras� comme un bolide d�r�gl� sur le Mur de Berlin. Le capitalisme a cr�� davantage de divisions dans la soci�t� et pour le bonheur d�une minorit�, ce sont des millions qui casquent ! Mais comme il est nourri par l�ambition d�mesur�e de l�homme, par ses instincts individualistes, le capitalisme a triomph�, mais sans offrir de v�ritable paix sociale, ni de s�r�nit� aux peuples qui continuent de revendiquer leur place au soleil. L�humanit� n�a pas su donner au si�cle naissant les couleurs de ces r�ves qui embarquent les hommes dans la passionnante aventure du renouveau et de l�espoir. Au contraire, cette troisi�me guerre mondiale tant appr�hend�e du temps o� capitalisme et communisme �taient face � face, au sein de deux blocs antagonistes pr�ts � en d�coudre par lancement de missiles � t�te nucl�aire ; cette calamit� repouss�e dans l�imaginaire des peuples par l�insatiable soif de vivre, est en train de se d�rouler sous nos yeux, dans le tumulte des canons et des bombardements, dans les explosions des kamikazes et l�aveuglement des puissants � vouloir perp�tuer l�ordre �tabli. Ce qu�il faut bien appeler par son nom, l�imp�rialisme, avait besoin d�un nouvel ennemi, d�une nouvelle cible, pour cr�dibiliser sa propagande reposant sur les peurs collectives et les angoisses refoul�es de populations de plus en plus cantonn�es dans le d�nuement. Le p�ril rouge changera de couleur. Il va prendre des habits verts et dans ces nouvelles croisades, on mobilise avec tous les arguments, y compris les mensonges et la propagande. Sur ce nouveau front, M. Sarkozy est en parfaite harmonie avec les �n�oconservateurs �. A l�int�rieur, M. Sarkozy m�ne sans r�pit sa bataille de �normalisation� de la France. Les multinationales et leurs repr�sentants politiques � Bruxelles, encore sous le coup du �non� fran�ais � la Constitution europ�enne et voulant en finir avec l�exception du �mod�le social� fran�ais, fruit de longues et glorieuses luttes des travailleurs, ainsi que de son lourd h�ritage �bureaucratique � et �syndical�, ont trouv� en M. Sarkozy l�homme de la situation. Il n�y a pas � dire, c�est le client id�al. Il r�pond parfaitement au profil recherch� pour mettre au pas cette puissance. L�actualit� nous offre d�ailleurs les moments forts de cette �normalisation �, � commencer par la r�surgence de la fameuse Constitution europ�enne �adoucie� qui passe sans r�f�rendum (encore une absurdit� de cette �d�mocratie� dont on nous abreuve matin et soir) pour finir par l�alignement pur et simple sur les positions am�ricaines et pas les plus� douces ! Si la r�action de la rue fran�aise nous semble la plus appropri�e pour faire face aux d�rives lib�rales, il est peut-�tre temps pour les vrais amis �trangers de M. Sarkozy de lui dire qu�il est en train de prendre ses distances avec tout ce qui a fait la France authentique durant un demi-si�cle. Son ent�tement � vouloir changer de cap � la politique �trang�re de la France sera un �l�ment d�stabilisateur des relations internationales, d�j� bien d�grad�es. Faut-il lui rappeler que ces relations ont toujours trouv� en la politique fran�aise un �l�ment de mod�ration et de pond�ration. Sur la question irakienne, sur le dossier palestinien, la France change radicalement de position et ce n�est pas de bon augure. Depuis de Gaulle et jusqu�� Chirac, la France avait une �me en politique �trang�re et elle pesait de tout son poids de grande puissance dans la gestion des affaires de ce monde. D�sormais, en mimant Blair, il met en danger l��quilibre pr�caire qui a emp�ch� le pire au cours des premi�res ann�es du nouveau si�cle. M. Sarkozy s�est certainement tromp� d��poque. Il r�alise peut-�tre ses fantasmes d�homme politique frustr� du temps o� il voulait un engagement proam�ricain de la France, mais il arrive trop tard et ce Bush qui le re�oit en grande pompe est un homme cass� dont le projet politique restera comme une tache noire sur le front de l�Am�rique. Il arrive trop tard parce que cette m�me Am�rique veut changer de politique, que l�ours russe se r�veille et que l�Iran ne veut pas brader son droit. Parce que l�Am�rique latine a pris son destin en main et que l�imp�rialisme se pr�pare � une nouvelle d�sillusion en Irak. Le volontarisme, � lui seul, ne suffit pas pour donner de l�envergure � un homme politique, ni le saute-mouton sur les grands dossiers de soci�t� et les d�bats qui dessinent l�avenir. M. Sarkozy ne marquera pas l�histoire de la France r�publicaine. Il peut, tout au plus, ressembler � quelques despotes mal �clair�s de la France monarchique. Son th��tre peut s�duire les spectateurs qui aiment la com�die, mais en politique, il faut plus que les gesticulations et les paroles attendrissantes pour convaincre. A ce jeu-l�, c�est son propre �lectorat qu�il risque de d�cevoir. L�autre, il l�a d�j� perdu depuis longtemps.