REPORTAGE

LE TRAFIC DE CARBURANT DEMEURE �LEV� SUR LES FRONTI�RES ALG�RO-MAROCAINES Le jeu du chat et de la souris des GGF et des contrebandiers � Maghnia

Evoquer Maghnia, c�est parler principalement du trafic du carburant alg�rien vers le Maroc et de l�importation du kif trait�, � travers des r�seaux de contrebande extr�mement organis�s. La mission des gendarmes gardes-fronti�res (GGF) ne peut �tre que difficile devant l�ampleur d�un ph�nom�ne devenu, avec le temps, une source d�enrichissement facile et rapide pour des individus que rien ne semble arr�ter. Ferm�es depuis 1994, les fronti�res alg�ro-marocaines sont, par contre, une v�ritable source de maux pour les autorit�s alg�riennes qui tentent d�endiguer ce probl�me, appel� la contrebande.
Reportage r�alis� par Ly�s Menacer
Il est vingt et une heures et la RN 91, reliant la ville de Maghnia � Beni Boussa�d (Zou�a), est quasiment vide. A part quelques v�hicules des GGF, qui patrouillent dans la r�gion, peu de personnes continuent � circuler � cette heure-ci de la nuit. Le ballet des Mercedes, des Renault 21 et 25, des Peugeot 405 et 505, cesse quelques moments apr�s le coucher du soleil. Ces marques de voitures, ador�es par les contrebandiers pour les grandes capacit�s de leur r�servoir de carburant, laissent place � des dizaines de baudets qui connaissent le chemin vers nos voisins marocains mieux que certains habitants de Maghnia. Tous les soirs, en effet, les GGF r�ussissent � emp�cher des dizaines d��nes, charg�s de centaines de litres d�essence et de mazout, de traverser la bande frontali�re. En cette nuit du jeudi, en ce mois d�octobre, des GGF, embusqu�s � proximit� d�une ferme, situ�e sur la fronti�re alg�ro-marocaine, ont pu r�cup�rer 30 bidons d�une capacit� de 30 litres chacun. Les jerricanes �taient charg�es sur six baudets que les GGF ont arr�t�s � environ vingt m�tres du trac� frontalier. Ils seront c�d�s aux services des douanes alg�riennes qui se chargeront de les vendre � Naftal. Les revenus de ces ventes seront revers�s dans les caisses du Tr�sor public. A noter qu�un bidon de 30 litres de carburant, achet� dans les stations-services, qui pullulent � Maghnia, est vendu sur la bande frontali�re � environ le double du prix de son achat, c�est-�-dire � 800 DA. Les prix peuvent atteindre 2 500 DA dans certaines r�gions, comme Nador.
Des vieilles femmes et des mineurs pour organiser le trafic
La veille, avec les �l�ments plac�s au niveau du poste avanc� de Takouk, implant� � une centaine de m�tres de cet endroit, on a d�nombr� 26 bidons r�cup�r�s, dans une embuscade tendue � un autre passage de trafiquants qui arrivent souvent � s��chapper. C�est le cas en cette soir�e du jeudi o� le conducteur de six baudets � pu dispara�tre dans les champs sans se faire rattraper par les gendarmes, dont le nombre ne peut en aucun cas couvrir la totalit� de ce vaste territoire frontalier entre l�Alg�rie et le Maroc. La construction de 11 postes avanc�s, le lancement lancement de 13 autres r�cemment et la dotation des GGF, en d�importants moyens mat�riels et financiers, ne dissuadent pas les trafiquants qui trouvent, � chaque fois, de nouvelles techniques pour poursuivre tranquillement leur trafic. Le recours � de vieilles femmes, rest�es longtemps loin de tout soup�on, est l�une des astuces utilis�es par les contrebandiers pour �couler leur marchandise. Des mineurs, qui ne courent aucun risque d�emprisonnement, sont aussi utilis�s en guise de passeurs. Mais le moyen le plus s�r demeure cette parade trouv�e par la population habitant dans la zone d�Oued Roubane, un cours d�eau s�parant l�Alg�rie du Maroc. Des villageois ont construit sur les berges de cet oued des b�ches � eau qu�ils remplissent de carburant. Ce dernier est achemin� par les v�hicules cit�s pr�c�demment, dont le nombre important dans cette zone ne peut pas �chapper � l�attention. A la nuit tomb�e, le carburant est transf�r� vers le Maroc � travers des tuyaux en plastique qui, � premi�re vue, semblent �tre destin�s pour l�irrigation des champs alentours. La pr�sence de quelques maisons marocaines sur le sol alg�rien ou alg�riennes sur le sol marocain complique davantage la t�che de nos services de surveillance frontali�re. Cela pose la question de savoir comment faire pour donner un v�ritable sens � cette notion de bande frontali�re dans le but de mettre fin � tout genre de trafic. Faudrait-il d�localiser les habitants dans d�autres localit�s en les aidant � construire de nouveaux logements et � gagner leur vie autrement, du travail de la terre, dont une grande partie est laiss�e actuellement en jach�re ? Certains estiment que la solution � apporter � un tel probl�me est d�ordre politique. Pourrait-on donc esp�rer un jour s�curiser nos fronti�res, si les Marocains continuent � fermer les yeux sur cet immense trafic de carburant, de produits alimentaires, de v�tements et de drogue ? S�rement pas, lorsqu�on constate les vastes surfaces exploit�es dans le Rif marocain pour la culture du hashish, sous le regard passif du roi Mohammed VI qui laisse faire les Rifains, pour �viter toute explosion sociale dans son royaume, en butte � une v�ritable crise �conomique et sociale. Cela explique en partie l�ampleur du flux migratoire d�Oudja vers Maghnia des ressortissants de l�Afrique subsaharienne qui recherchent en Alg�rie de quoi payer le droit au r�ve europ�en � leurs passeurs.
Le kif, le cadeau empoisonn� des Marocains
Outre le trafic de carburant, pour lequel est connue cette localit� d�o� l�on peut apercevoir les postes avanc�s de l�Arm�e royale marocaine, oued Roubane sert de cache pour les trafiquants de drogue. Les plaques de kif trait� sont enterr�es sur le lit d�oued Roubane et ne sont r�cup�r�es par les membres des r�seaux alg�riens qu�au moment propice. �Il arrive souvent que ces plaques de kif soient d�terr�es par les crues de ce cours d�eau qui les d�truisent�, explique le responsable de l�un des cinq postes avanc�s install�s � cet endroit.
Pourtant, c�est au niveau d�une autre zone, � Bab-El-A�ssa pr�cis�ment, un petit centre urbain situ� � une vingtaine de kilom�tres de Zou�a, que les gendarmes mettent la main sur une Renault 25, qui tente de rejoindre vainement la route A7, longeant une partie de la bande frontali�re. Ce v�hicule venu du Maroc, immatricul� en France et dont le num�ro de chassis a �t� soigneusement effac�, �tait charg� de 400 kilogrammes de kif trait�. Son occupant a pris la fuite vers le Maroc, avant l�arriv�e des gendarmes alg�riens qui ont saisi la m�me quantit� il y a � peine quatre � cinq mois de cela, � proximit� du poste avanc� de Takouk, r�put� lui aussi pour ce genre de trafic. Oued El-Djorf est aussi connu que Takouk et oued Roubane pour le trafic de drogue. Les cartons de kif, retrouv�s par les GGF, ont �t� plac�s dans la malle de la R25 qui a �t� gar�e dans la cour du poste avanc� Hadj-Miloud de Bab El-A�ssa. Les �l�ments de ce poste avanc� des gardes-fronti�res r�ussissent, mensuellement, � saisir jusqu�� 40 000 litres de carburant, soit une moyenne de 3 000 � 4 000 litres par jour. Ces chiffres renseignent sur l�ampleur du trafic de carburant qui ne b�n�ficient qu�aux contrebandiers et aux Marocains. Ces chiffres demeurent loin de la quantit� de carburant que les trafiquants r�ussissent � faire parvenir � leurs clients au Maroc. Par ailleurs, les services de s�curit� alg�riens proc�dent � la saisie en moyenne d�une centaine de R25 par an, selon les propos d�un commandant des gardes-fronti�res appel� � constater la quantit� de kif r�cup�r�e par ses �l�ments � Bab-El-A�ssa, d�o� l�on aper�oit l�a�roport marocain d�Oudja, situ� � environ 25 kilom�tres de cette ville. L�obscurit� ne permet malheureusement pas de voir l�oued Mouillah qui coule � partir du royaume ch�rifien et trouve son prolongement sur le territoire alg�rien. Ce oued, s�il est souvent cit� par les services de s�curit� alg�riens, c�est parce qu�il �tait, � une certaine �poque, le point de passage des immigrants clandestins qui entraient en Alg�rie en attendant le moment opportun pour effectuer une longue et p�rilleuse travers�e vers l�Europe, en passant par l�Espagne. Les efforts consentis par les services de lutte contre l�immigration clandestine ont port� leurs fruits dans cette zone, obligeant ainsi les immigrants � chercher d�autres voies d�acc�s en Alg�rie. Les efforts des GGF ont �t� �galement � l�origine de la diminution de tous les genres de trafic dans la r�gion de Maghnia, o� plus de 40 % de la population sont directement impliqu�s dans la contrebande, selon les estimations des services de s�curit� locaux. En observant la nature des constructions priv�es, qui poussent comme des champignons dans l�ensemble des hameaux proches de la fronti�re alg�ro-marocaine, on finit par comprendre que �vendre� du carburant n�est pas un moyen de survie pour les habitants de Maghnia. Il s�agirait plut�t d�un march�, o� l�argent gagn� permet un enrichissement facile et rapide des contrebandiers dont les GGF peinent vainement � faire cesser le trafic.
L. M.
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En l�espace de 10 mois, 685 652 litres de carburant saisis
Depuis le d�but de l�ann�e en cours, jusqu�au 6 octobre dernier, les services de surveillance frontali�res ont r�ussi � r�cup�rer plus de 685 652 litres de carburant, destin�s � la vente illicite au Maroc.
Ce chiffre a pratiquement doubl� en comparaison avec les 370 830 litres de carburant saisis durant le premier semestre de l�ann�e derni�re. Le trafic de carburant occupe d�ailleurs la t�te des produits qui traversent ill�galement les fronti�res alg�riennes pour �tre vendus au double ou au triple de leurs prix sur le territoire marocain. Le trafic de cigarettes vient en seconde position avec pr�s de 15 000 cartouches de cigarettes saisies par les services de s�curit� alg�riens au niveau de la ville frontali�re de Maghnia. La quantit� de cuivre saisie est de l�ordre de 876,2 kilogrammes en l�espace de ces 10 derniers mois, alors qu�elle n��tait que de 205 kg durant le premier semestre de 2007. Le cuivre vol� est utilis� par les Marocains dans l�artisanat et la fabrication des boutons de fermeture des pantalons jeans, selon certaines informations recueillies � Maghnia. La fuite organis�e des d�chets de m�taux est estim�e � 2567 kg durant le premier semestre de l�ann�e en cours. Concernant le nombre de paires de chaussures et de v�tements saisis durant les six premiers mois de 2007, les GGF ont r�cup�r� 2 978 unit�s. Ce chiffre a quadrupl� en 2008 en atteignant plus de 12 000 unit�s, selon le bilan �tabli jusqu�au 6 octobre dernier. Pour la saisie des v�hicules, introduits illicitement en Alg�rie ou utilis�s dans le trafic de carburant, les autorit�s alg�riennes ont r�cup�r� 71 voitures en 2008 contre 80 durant le premier semestre de 2007. Par ailleurs, le nombre de motos saisies est pass� de 48 en 2007 � 57 en 2008. En ce qui concerne les produits alimentaires, les chiffres ont l�g�rement baiss� par rapport � l�ann�e derni�re. La quantit� de produits alimentaires saisie (farine, semoule, dattes) est descendue de 15 482 kg en 2007 � 14 536 kg en 2008. Le nombre de b�tails qui ont failli traverser les fronti�res alg�ro-marocaines a, lui aussi, doubl�, passant de 143 t�tes � 357 durant les m�mes p�riodes respectives. Le trafic d�alcool en provenance du Maroc a, quant � lui, baiss�, passant de 4 403 bouteilles durant les premiers six mois de 2007 � 2 601. Les saisies op�r�es par les services frontaliers alg�riens de marchandises venant du Maroc sont aussi importantes. 2 100 kg d��pices, 1 465 kg de cacahu�tes et 5 245 kg d�oranges ont �t� saisis au niveau du trac� frontalier et des points de contr�le dress�s sur les axes routiers en Alg�rie. 1 200 pi�ces de rechange automobiles et 3 615 articles m�nagers ont �t� r�cup�r�s par les GGF depuis le d�but de l�ann�e 2008 au 6 octobre dernier. Le nombre de personnes arr�t�es par les services de s�curit� et d�f�r�es devant la justice, pour implication dans diff�rents types de trafic, est de 87 en 2008 alors qu�il �tait de 132 au premier semestre de 2007. Il demeure, toutefois, que ces chiffres �tablis par les services de surveillance frontali�re de Maghnia sont loin de refl�ter l�ampleur des activit�s des contrebandiers dans cette r�gion du pays. L�inexistence d�un bornage des fronti�res, qui comptent plusieurs kilom�tres, le laxisme des autorit�s marocaines et la complicit� des habitants de Maghnia expliquent pourquoi les GGF sont loin d��tre satisfaits des r�sultats obtenus jusque-l�, malgr� leurs incessants efforts � lutter contre la contrebande qui a ses propres m�thodes pour perp�tuer son trafic.
L. M.
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ILS �TAIENT ENFOUIS DANS LA MALLE D�UNE RENAULT 25
400 kg de kif trait� saisis en une nuit
Les �l�ments des GGF ont mis la main, ce jeudi vers 22 h, sur 400 kg de kif trait�, � proximit� de la bande frontali�re alg�ro-marocaine, non loin du poste avanc� Hadj- Miloud de Bab El A�ssa. La drogue, en provenance du Maroc, �tait enfouie dans la malle d�une Renault 25, immatricul�e en France mais � l�identit� inconnue. Le v�hicule a �t� abandonn� par son occupant qui a repris le chemin du royaume ch�rifien � la faveur de la nuit. Cette prise est la plus importante depuis cinq mois, date de la derni�re saisie d�une quantit� pr�s de 300 kg de kif trait� au niveau du poste avanc� de Takouk, situ� � une vingtaine de kilom�tres de Hadj-Miloud de Bab-El-A�ssa. Selon les responsables des GGF, rencontr�s sur place, ce genre de saisie est assez rare car les trafiquants de drogue sont plus prudents et plus malins que les autres contrebandiers. Le renforcement des moyens de lutte contre le trafic de drogue et la multiplication des embuscades nocturnes ont frein� un peu ce trafic qui a essay� ces derniers temps de s�implanter dans les wilayas du sud-ouest alg�rien, longeant la bande frontali�re alg�romarocaine. Au cours de cette ann�e, les GGF ont saisi 9 221 cartouches de fusils de chasse que les trafiquants ont vainement tent� d�introduire � partir des fronti�res nordouest alg�riennes.
L. M.
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1 895 immigrants clandestins arr�t�s en dix mois
1 895 immigrants clandestins ont �t� arr�t�s � Maghnia, ville frontali�re avec le Maroc, depuis le d�but de l�ann�e en cours jusqu�au 6 octobre.
Au premier semestre de l�an dernier, ce chiffre �tait de 1 369. Le nombre d�immigrants clandestins ayant �t� arr�t�s par les �l�ments de la Gendarmerie nationale et les services de la S�ret� nationale durant cette ann�e est trois fois sup�rieur. Les GGF ont arr�t� ces dix derniers mois 484 personnes alors que la Gendarmerie nationale et la police ont appr�hend� 1 411 personnes. Ce nombre important renseigne sur la facilit� que trouvent ces immigrants clandestins � fouler le sol alg�rien, gr�ce surtout � l�existence de passeurs, mais aussi aux difficult�s rencontr�es par les GGF � assurer l�inaccessibilit� d�une bande frontali�re, chose qui n�cessite un s�rieux travail de collaboration entre les deux pays (l�Alg�rie et le Maroc), en froid politique depuis plusieurs ann�es en raison du soutien de notre pays � la cause sahraouie. Aussi, on constate que le nombre de ces immigrants qui franchissent nos fronti�res, des jeunes venus de l�Afrique subsaharienne pour fuir la mis�re, les tensions politiques et les guerres qui ravagent leurs pays, augmente chaque jour malgr� le renforcement de la pr�sence des GGF aux diff�rents points de passages. Pour la plupart d�entre eux, la ville de Maghnia sert d�escale afin de gagner de quoi payer les passeurs qui les attendent sur le sol marocain. Mais il y a aussi ceux qui viennent en Alg�rie pour op�rer tous genres de trafics, notamment celui de billets. En effet, les �l�ments de la brigade de Gendarmerie nationale de Maghnia ont r�cup�r� une valise diplomatique contenant des liasses de coupures de billets noirs pr�ts � �tre transform�s en euros ou en dollars. Dans la valise, il y avait un produit en liquide et un guide pour la fabrication de faux billets. Les gendarmes ont aussi trouv� huit passeports maliens, ce qui ne fait aucun doute sur l�origine des deux porteurs de cette valise qui ont pris la fuite en direction du Maroc. Mais ce genre de trafic est courant aussi bien � Maghnia que dans les autres r�gions du pays o� des citoyens se font r�guli�rement arnaqu�s par des immigrants clandestins qui disparaissent dans la nature d�s leur forfait accompli.